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Citations sur L'archet de Milos (4)

Mon cher Anton,
Vous et moi savons que mon violon retournera à Crémone.
De mon violon et de ma vie, je n'ai jamais été que locataire.
De mon archet, vous êtes le dépositaire désormais et après vous, le commissaire Bechnerov. C'est un ami fidèle et un excellent policier : il a découvert que l'homme responsable de la mort de mon épouse et de ma fille n'était ni un chauffard, ni un pochard irresponsable, mais un tueur à gages.
Bechnerov n'a pas encore trouvé le commanditaire, mais il bouclera cette" affaire" par n'importe quel moyen, soyez-en sûr. Préservez mon archet.
Il n'a pas de prix. Un jour, vous saurez quoi en faire.
Acceptez tous mes regrets.
Milos Kubelikov

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Intriguée, Angela Kamincek observait Antón Hopka comme une espèce animale non répertoriée : le critique musical.
—Jiří m’a prévenue de votre venue. J’ai préparé le patient pour votre visite.
Dévasté, Antón ne répondit rien. Pour lui, Angela Kamincek n’était qu’une blouse blanche, une fonctionnaire sans états d’âme qui vivait terrée dans cet endroit gris et chloré, où reposait ce qui avait été Miloš. Il se demanda néanmoins avec une certaine inquiétude à quels préparatifs elle faisait allusion. Ce qu’il avait vu d’elle deux jours plus tôt chez Miloš, sa façon de traiter les cadavres comme des pantins désarticulés, le faisait davantage penser à un menuisier qu’à un médecin.
La légiste le conduisit dans une petite salle contiguë, baignée d’une lumière crémeuse, contrastant avec le couloir. La dépouille de son ami était là, devant les persiennes, dessinant une ombre chinoise dans la clarté du contre-jour. Antón s’approcha avec appréhension. Les traits de Miloš se dessinèrent peu à peu, juvéniles, presque adolescents. Il se souvenait de l’époque où, journaliste débutant, il avait assisté aux premiers récitals du jeune prodige. Déjà, Miloš irradiait un talent à couper le souffle, avec ses boucles blondes raphaéliques et cette grâce inexplicable qui fait les grands artistes.
—Il est magnifique, n’est-ce pas ?
Antón sursauta. Son cœur était de plus en plus sujet à ces sautes de tempo.
Angela Kamincek lui prit la main et la posa sur les cheveux de Miloš, propres et coiffés.
—Vous pouvez le toucher, vous savez. Il est frais comme une matinée de printemps.
Antón réussit à articuler un vague coassement.
—Vous lui avez lavé les cheveux ?
—Jiří m’a avertie que vous étiez un esthète. Je voulais que votre ami soit parfait à votre arrivée.
Elle parlait avec gentillesse, avec tact, même, à sa façon.
—Je vais vous laisser maintenant. Vous trouverez les verres et la vodka dans le placard à pharmacie, juste à côté du bicarbonate. Je serai à côté : j’ai une autopsie qui m’attend.
Une vraie spécialiste du deuil…
La légiste verrouilla la porte du laboratoire au-dessus de laquelle un voyant rouge se mit à clignoter. Cette petite lumière tremblotante, cette odeur d’éther… Submergé de chagrin, il attrapa une de ces chaises au confort spartiate que l’on trouvait dans toutes les administrations tchèques. Décidément, rien ne lui serait épargné… Ne pouvait-on au moins souffrir confortablement ? S’abandonner à sa douleur sans risquer des escarres ? Il s’assit au chevet de son ami, comme pour lui faire la lecture. Un instant, il s’imagina lui dire :
—Comment vas-tu, aujourd’hui, Miloš ? Tu te remets bien ? Écoute, je me suis dit que tu aimerais le dernier roman de Kundera. Veux-tu que je te lise le premier chapitre ?
Mais voilà, un corps… C’était tout ce qui restait de ce qu’avait été Miloš. Une caisse de résonance vidée de son âme ; le travail bâclé d’un mauvais luthier. Il chercha une pensée qui aurait pu voyager par quelque mystérieuse télépathie jusqu’à l’esprit désincarné de son ami. Aucun mot ne lui vint, même en prière. Ces derniers jours, ses appels à l’Invisible demeuraient totalement creux. Était-il possible qu’il eût perdu la foi ? Que plus jamais l’Invisible ne se révélât à lui ?

Copyright Editions du Jasmin
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« .....Antón Hopka suivi l’allée centrale jusqu’à l’arbre au crucifix. C’était une de ses curiosités connues des seuls Pragois, qui préservaient jalousement son anonymat des hordes de touristes. Le chêne bicentenaire abritait sous son feuillage maintes tombes anciennes, nichées contre sont larges tronc de patriarche. L’une d’entre elles était surmontée d’un grand Christ en croix qui penchait dangereusement, si bien que les plis de l’écorce avait peu à peu englouti ses bras, rajoutant à l’infortune du supplicié. Antón se signa respectueusement en passant devant.
Au travers du feuillage, le ciel blanc diffusait une chaleur moite, qui présageait encore un orage : il n’avait pas de temps à perdre. Il bifurqua vers le mur sud du cimetière. L’arbre veillait à cet endroit sur une abondante végétation de sous-bois, poussée là sans permission parmi les sépultures abandonnées . Au fil des années, la mousse s’était installée sur les pierres en tapis duveteux, tandis que d’anciennes bruyères, ressemées aux vents des années, avaient constitué, sous les frondaisons de l’ancêtre, une lande mélancolique et sauvage. Antón s’arrêta en bordure de l’ombre, devant une jolie tombe baroque encombrée de fleurs et peuplée de madones en plastique d’un goût douteux. Le lierre y foisonnait en lianes vigoureuses qu’il coupait de temps à autres avec parcimonie. La plupart du temps, il se contentait de coiffer les mèches un peu trop abondantes et de les rassembler pieusement sur les épaules de la pierre. Que la vie pût s’être installée dans un endroit si peu prometteur forçait son admiration. Oui, la vie avait de ces manières à vous faire douter du deuil..... »
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« Les yeux perdus au dessus du volant, le commissaire semblait plongé dans des profondeurs inhabituelles de mélancolie. Curieux, comme son instrument lui allait bien…C’était une chose qui avait toujours étonné Anton : les mariages entre les musiciens et leurs instruments étaient rarement ratés.
-Où avez-vous laissé votre violoncelle ? demanda-t-il.
-Sous clef, dans la sacristie. Je passerai le récupérer dans la journée.
Bien sûr ! Quelle meilleure cachette, pour l’archet, que l’église où Milos et Paola s’étaient mariés ? Et puis quel joli pied de nez à ce cortège de pleureuses ! »
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