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Critique de Rodin_Marcel


Pouy Jean-Bernard – "La belle de Fontenay" – Gallimard, 1992, rééd dans la collection Folio/policier (ISBN 978-2-07-040840-5)

Ce n'est pas du meilleur Pouy, car il tente ici de construire un vrai roman policier pas trop fantaisiste, mais en accumulant un peu trop d'invraisemblances majeures. En effet, l'enquêteur n'est autre qu'un brave retraité de banlieue, anarchiste espagnol devenu sourd à la suite d'un coup de fusil reçu pendant la Guerre d'Espagne à l'âge de neuf ans, ce qui lui fait donc plus de la soixantaine à l'époque du récit. Bien évidemment, il se heurte aux flics qu'il ne supporte pas, et ne peut compter sur une aide de ce côté, alors qu'il enquête sur le meurtre d'une lycéenne dont on retrouve le cadavre dans son jardin dit "ouvrier". Mener une enquête en milieu lycéen tout en étant sourd relève tout de même d'un véritable tour de force, mais notre héros y parviendra en nouant de bonnes relations avec les élèves, certains enseignants et certaines secrétaires.

L'intérêt principal du roman réside - à mes yeux - dans cette mise en scène d'un lycée de banlieue offrant principalement des filières dites "technologiques", avec en élément complémentaire une comparaison avec l'autre lycée du coin, réduit quant à lui aux filières dites "professionnelles". L'auteur montre à plusieurs reprises la différence entre les deux publics lycéens, fréquentés pourtant tous deux par ce qu'il est convenu d'appeler "des jeunes de banlieue".
L'autre aspect faisant l'objet d'une analyse fouillée réside dans les relations charnelles (on ne peut guère parler de relations amoureuses) pratiquées par les lycéennes, la plupart se limitant aux copains de classe (grandes gueules mais timorés) mais certaines s'attaquant délibérément aux enseignants et animateurs qui ne refusent pas tous l'aubaine d'initier quelques tendrons.
Dernier aspect : la présence dans ce lycée d'un groupe de trois ou quatre enseignants issus de la mouvance soixante-huitarde maoïste, plus spécifiquement de la Gauche Prolétarienne (Cause du Peuple et NAP), que l'auteur ne porte visiblement pas dans son coeur. Ce sont eux qui se seraient institués les gardiens d'un hypothétique "trésor" qui aurait survécu à la dissolution de la GP... une thèse plutôt bizarre.

C'est certainement le tableau des moeurs lycéennes de banlieue dans les années 1990 qui constitue la meilleure motivation à lire ce roman... Certains parents y feront de grandes découvertes, à l'heure où éclatent un peu partout des "affaires" de moeurs mettant précisément en cause des adultes du milieu éducatif ne reculant pas devant des relations charnelles avec des mineures. Les journaleuses bavassent alors à qui mieux mieux, jouant les vierges effarouchées face à ces vilains satyres du sexe mâle donc obsédés, en oubliant de préciser par exemple que la majorité des lycéennes d'aujourd'hui revêt des tenues qu'une prostituée dans années soixante n'aurait pas oser endosser, que l'ensemble des jeunes d'aujourd'hui, filles comme garçons, consomment du film pornographique de la pire vulgarité avant même leur puberté, qu'Internet permet à n'importe quel individu d'accéder à des contenus qui ne peuvent que le pousser à passer aux actes, bref, que notre société est bien hypocrite en faisant semblant de s'offusquer alors qu'elle encourage ce type d'agissements... que certains hommes politiques de premier plan n'avaient pas désavoué en leur temps. (voir par exemple «Le Monde» du lundi 30 mai 2011, page 11 : «A Lyon, pour des jeunes, la banalité du viol collectif» (Patricia Jolly) ou encore le "rapport sur la sexualité des adolescents" remis au ministère de la santé le 16 février 2012, sans oublier les écrits immortels de Cohn-Bendit dans «Le Grand Bazar» paru chez Belfond en 1975, les déclarations complaisantes de Jack Lang au magazine Gay-Pied du 31 janvier 1991, et récemment, le juge qui ne trouva rien à redire aux agissements du duo Strauss-Kahn/Dodo-la-Saumure).

Ce roman se relit sans ennui. D'une certaine manière, il vient compléter le grand classique écrit par Thierry Jonquet "Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte".
Deux remarques subsidiaires : primo, les tartufferies des enseignants gauchistes sont bien rendues dans ces deux romans, secundo, Pouy met visiblement la même verve et la même faconde à défendre les délicatesses de la langue française que son copain Cavanna (cf «Mignonne, allons voir si la rose») : ça fait du bien au moral.
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