Chronique consacrée aux grands noms de la littérature policière, et animée, depuis octobre 2018, par Patrick Vast, dans le cadre de l'émission La Vie des Livres (Radio Plus - Douvrin).
Pour la 29ème chronique, le 12 juin 2019, Patrick présente l'auteur Thierry Jonquet.
Patrick Vast est aussi auteur, notamment de polars. N'hésitez pas à vous rendre sur son site : http://patricksvast.hautetfort.com/
Il a également une activité d'éditeur. À voir ici : https://lechatmoireeditions.wordpress.com/
La page Facebook de l'émission La Vie des Livres : https://www.facebook.com/laviedeslivres62/
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On est tous aussi moches, quand on vieillit. C’est pas ceux qui ont des sous qui se retrouvent les plus beaux. D’accord, moi, je ne suis vraiment plus très présentable, mais il faut voir la vie que j’ai menée. J’étais pas confit dans le luxe, moi, j’y ai jamais été admis, au rayon épicerie fine des Galeries Lafayette.
La violence qui régnait au collège, dans la cour de récré comme dans les couloirs, les incidents à répétition en classe, les bagarres incessantes, le niveau effarant des élèves après tant d'années de scolarité, les trois cent mots de vocabulaire dont ils disposaient, en comptant large, le néant culturel, l'agressivité à fleur de peau, la détresse sous-jacente, l'océan de misère dans lequel ils surnageaient, oui, c'était dur, très dur. Ce n'était pas réellement un travail de prof.
Toute la jeunesse scolarisée descendit dans la rue. Debré fut la cible favorite des manifestants. Les caricaturistes de Charlie-Hebdo l'immortalisèrent en le représentant comme un fou sanglé dans une camisole de force et coiffé d'un entonnoir, aussi les fabricants de cet ustensile connurent-ils une soudaine embellie de leurs chiffres d'affaires, puisque les lycéens s'en affublaient en guise de couvre-chef.
Après, le soir, à la maison, huit jours avant que tu n’arrives, je l’ai traitée de traînée, de roulure, de paillasse à soldat, de fille à cent sous... Elle m’a écouté en silence, sans desserrer ses jolies lèvres. Elle a haussé les épaules, comme toujours, l’air de dire: tout ce que tu racontes, c’est moins qu’un pet de lapin...
Ainsi se termine l'histoire.
Personne ne se maria, personne n'eut beaucoup d'enfants.
Le crapaud resta crapaud, aucune jeune fille ne s'étant proposée pour lui donner un baiser, en dépit des nombreuses annonces parues dans les revues spécialises.
Le Petit Poucet, perdu dans la jungle des villes, devint contremaître chez Citroën.
Les sept nains terminèrent leur vie dans un centre de gériatrie.
Le petit canard ne devint jamais cygne : il retourna au pays avec le million pour les immigrés.
Le Chat Botté fut capturé par les rabatteurs d'un laboratoire pharmaceutique où l'on pratique la vivisection...
Tout fout le camp.
De petits maux en petits maux, la vie s'amenuise, jusqu'a ce qu'il faille en effacer les traces, sans tarder, en urgence.
La monstruosité est la chose au monde la plus répandue, avec la bêtise. On peut écrire à l'infini sur l'une comme sur l'autre. J'essaie de m'y atteler. Je reste souvent confondu de stupeur à la lecture de certains faits divers sui révèlent l'existence de monstres ordinaires, d'ogres débonnaires, de cinglés parfaitement intégrés socialement mais dont la conduite, en privé, s'abîme dans des gouffres d'ignominie.
"Voilà comment ça s'est passé..."
Il se remit à boire, tétant la boîte de bière, se gargarisant de mousse, recracha. Il s’assit sur le banc de la véranda, soufflant, rotant de nouveau. De la poche de son short, il tira un paquet de Gauloises. La bière avait éclaboussé son tee-shirt, déjà crasseux de graisse et de poussière.
Le jour ou, pour la première fois, l'on se met à parler de sa jeunesse en utilisant l'imparfait, on ressent un curieux malaise.

Au-delà des apparence idylliques, quelle détresse! Pensez donc! Quelle était belle, la rue des Envierges, aux pavés disjoints et luisants sous la pluie, quand les gamins tuberculeux y crachaient leur sang! Comme ils étaient séduisants, les escaliers moussus de la rue de la Mare, du temps où les "yids" s'entassaient dans les soupentes, où les Arméniens dansaient devant le buffet! Qu'il faisait bon vivre, dans ce Paris désormais disparu, à l'époque où les moricauds rescapés des massacres de 14-18 -chair à canon déportée des colonies, hébétée, hachée par la mitraille- tendaient leur sébile dans les flonflons des bal patriotiques! Comme ce devait être doux de prendre le funiculaire du faubourg du Temple pour regagner le taudis rongé par les poux, la gale et les punaises, après un journée de travail de plus de douze heures! Qu'elles devaient être charmantes et pittoresques, "gouailleuses, n'est-ce pas, les putains de la place des Fêtes, elles, qui, épuisées après des journées entières à s'user la santé au tapin, s'installaient à califourchon sur des bidets de fortune pour avorter , et qui parfois finissaient par mourir d'hémorragies, la main encore crispée sur l'aiguille à tricoter qu'elles s'étaient enfoncée entre les cuisses..