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Critique de Siladola


Avec ce titre vaguement explicité par une allusion à Barbe Bleue, Catherine (alias Karin) Pozzi inaugurait une entreprise originale. Il ne s'agissait de rien moins qu'un conte philosophico-mystique sur l'origine des sensations. L'ouvrage a été publié inachevé en 1935, après sa mort, et devait constituer le premier volet d'une trilogie métaphysique, scientifique et théologique (voir le commentaire de P. Boutang, "Karin Pozzi et la quête de l'immortalité", lien ci-dessous). le ton libre, impertinent, mutin contraste avec la profondeur du projet. Initiée, peut-être de trop fraîche date, aux développements de la physique, de la chimie, de la biologie et de la psychologie de son temps, l'auteur déploie sur un mode ironique, non conceptuel, les conséquences d'une intuition cosmologique fondamentale : les signes venus de l'univers, tels qu'ils se réduisent en nombres, comme le confirment les sciences, ne sont pas traduisibles en qualités. En clair, la vibration mesurable de points d'onde (que C.K. Pozzi appelle "grains") ne se transforme en couleur jaune ou bleue que par la médiation d'un vivant. Mais le corps humain n'est lui-même que "grains", molécules, cellules, ou tout ce que la chimie nous expose. Lorsque les nombres l'atteignent, comment pourrait-il les percevoir comme sensations ? Sur cette frontière absolue, explorée par les philosophes, de Protagoras à Descartes, les poètes, de Lucrèce à Baudelaire, les savants, d'Archimède à Louis de Broglie, C.K. Pozzi construit l'enveloppe "cotte de mailles", "peau d'âme" formée de tous les signes, l'énergie perdue du passé qui s'est accumulée dans le vivant et permet peut-être de passer de l'un à l'autre. Ce livre, phénoménal et sans équivalent à ma connaissance, se lit vite, agréablement et de façon émouvante, grâce à l'humour un peu potache de la poétesse trop tôt disparue. Il laisse en vous des résonances (c'est un de ses concepts-images), et donne à penser comme à rêver.
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