Citations sur Le soir, Lilith (18)
Lilith a peur de se cogner la tête au ciel dont elle s'approche, elle a peur que la lave bleue du ciel emplisse sa bouche et l'étrangle, elle a peur de ne pas savoir l'avaler sans mâcher, sans en détruire l'essence pure et fragile. Elle a peur mais elle vibre tout entière de joie. A présent les lacs ne reflètent plus que le ciel. Et à présent il n'y a plus de lacs. Seulement l'immensité verticale d'un crépuscule qui n'est pas humain et qui n'est pas terrestre. Cela fait peur aussi : ne plus voir son reflet dans l'eau douce des lacs ; mais cela, Lilith, te fait aussi tout entière vibrer de joie.
Les souvenirs ne se trient pas, mademoiselle. J’ai envie de lui dire qu’on ne trie pas des souvenirs. On ne trie pas les odeurs qui montent de la forêt. On ne répartit pas dans les alvéoles d’une ruche bien ordonnée les morceaux de songe ni les morceaux de vie.
Comme je t'aimais quand, dans notre fuite, tu courais sur la route en avant de moi pour me protéger. Tu étais bien jeune encore, bien jeune, et alors, oui alors, tu étais un homme. Maintenant tu dors dans les caves de mon rêve, et tu regardes comme avec une écœurante indifférence, par le soupirail, un coq sur une branche, le matin fatal derrière la vitre.
Lilith m'a appris sur ce que l'art n'est pas : une régurgitation de la vie. Combien j'en ai connu qui se faisaient forts de nourrir leur art à coups d'"expérience" et de "vécu"... "Comment parler de ce que l'on n'a pas vécu ?" Ils ont toujours dit ça avec toute la morgue qu'ils étaient si satisfaits de croire légitime, sans contestation possible... Pourtant, que l'art serait désespérant et méprisable s'il n'était que cela !... Lilith interprétait merveilleusement ses rôles, avec l'intensité de Vie que l'on ne connaît que pour ce que l'on n'a jamais vécu... Avait-elle jamais été une reine, un fantôme, une ogresse ? Et elle les était si bien !
Je parle du pouvoir poétique des mots sur les choses. Le pouvoir de changer le monde.
Ce qui éloigne le plus l’œuvre de la réalité, c’est, dans celle-là contrairement à celle-ci, la multiplication évidente de ce qui fait sens ; là où le réel est vide et absurde, tout s’emplit et tout signifie.
Le silence de ma grande maison a dévoré ma voix.
(Lilith, Carnet d'écriture, Juillet 1924). La mort. Elle arrache, n'est-ce pas ? avec la plus insoutenable inhumanité, tout sens à la vie. Elle rend vaine et absurde la vie, n'est-ce pas ? Et cependant, en même temps, transcendée, la mort seule donne sens à la vie.
Et puis il y a ceci aussi, que Lilith m’a appris, sur ce que l’art n’est pas : une régurgitation de la vie. Combien j’en ai connu qui se faisaient forts de nourrir leur art à coups d’ « expérience » et de « vécu »… « Comment parler de ce que l’on n’a pas vécu ? » Ils ont toujours dit ça avec toute la morgue qu’ils étaient si satisfaits de croire légitime, sans contestation possible… Pourtant, que l’art serait désespérant et méprisable s’il n’était que cela !... Lilith interprétait merveilleusement ses rôles, avec l’intensité de Vie que l’on ne connaît que pour ce que l’on n’a jamais vécu… Avait-elle jamais été une reine, un fantôme, une ogresse, la fille d’un médecin anglais au fond de l’Asie lointaine ? Et elle les était si bien !
Je n'en croyais pas mes yeux, je ne pouvais croire ce que je voyais, couchée à l'ombre de son arbre, un grand charme dans la plaine, dans la plaine, un arbre merveilleux. Et quand ses branches s'inclinent sur moi, le monde paraît plus tendre, plus doux, plus doux à son ombre exquise. Et quand il me frôle le ventre, je suis plus forte, pleine de force je me sens.