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Critique de michfred


Dans un très long ŕoman, Les Mémoires d' un homme de qualité, l'abbé Prévost a enchâssé, par un systeme d'emboitement de récits, cher aux romans à "tiroirs", une petite perle qui seule est restée à la postérité et constitue un des fleurons de la littérature française :Manon Lescaut...dont le titre est déjà une apocope révélatrice de la fascination que l'héroïne a exercée sur les générations de lecteurs.

Éclipsant en effet le pâle et tendre chevalier Des Grieux avec qui elle partageait le titre - et sa couche - Manon est passée en front page... Manon la gourgandine, la petite théâtreuse pas farouche, la coquette , la fille entretenue. La" perverse Manon", chantait Gainsbourg qui avait des lettres...et a su trouver les trois qui lui convenaient et la résumaient...à moitié :NON. Ma-Non, la femme qui se donne et se refuse, celle qui toujours échappe. ..

Après Manon Lescaut, on verra fleurir un nouveau type chargé d'incarner l'éternel féminin. Manon, femme fatale et femme-enfant, fragile et traîtresse, désarmante et manipulatrice, confiante et fuyante. Un paradoxe en jupons!

Pourtant le récit ne vaut pas que pour cette avant-première d'un archétype qui fera long feu: ce serait oublier que le roman est aussi fortement ancré dans son siècle, et que, à la remorque de sa dévorante passion pour Manon, des Grieux arpente pour lui plaire, pour la retrouver, la garder, la suivre au bout du (nouveau) monde, tous les milieux, toutes les strates, tous les détours du jeu social.

Coulisses vénales du théâtre, hôpital et prison des filles perdues mais aussi cercles de jeu, où mijotent des agioteurs pleins aux as et de petits marlous qu'on appelait alors élégamment des "chevaliers d'industrie" parce qu'ils en dépensaient beaucoup pour percer...

Que ce soit pour la peinture d'un amour destructeur ou pour celle d'un siècle qui semble annoncer le cynisme du nôtre- la prédominance de l'argent facile, le repeuplement des toutes nouvelles colonies par déportation des femmes emprisonnées pour prostitution et j'en passe- il faut lire Manon Lescaut.

J'ajoute que, pour être homme d'église, l'abbé Prevost n'en est pas moins homme de cour - chose fréquente à son epoque- et qu'il sait manier le style avec finesse, subtilité, alacrité. Y compris pour parler d'amour et de passion charnelle.

Il pénètre en connaisseur les émotions du coeur et celles des sens... Pas bégueule pour deux sous.
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