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Critique de Folfaerie


J'ai lu la nouvelle il y a un bon bout de temps (en anglais, pêchée dans le New Yorker où elle avait été publiée en 1997) mais il a fallu attendre un certain nombre d'années avant que je ne me décide à voir l'adaptation d'Ang Lee. de ma lecture je gardais un souvenir mitigé. Un matériau intéressant, un sujet pouvant émouvoir mais une écriture toute en sécheresse et en dureté qui ne m'avait pas plu. La rencontre entre Jack et Ennis (Jake Gyllenhall et Heath Ledger, excellents et magnifiques) est simple, brutale. Pas un soupçon de douceur, pas d'artifices. Vous allez me rétorquer que l'attirance entre deux cowboys peut se passer de romantisme ou d'émotion. J'ai été sensible aussi au fait que les deux hommes sont très ordinaires, très frustres (langage grossier, brutalité de leurs rapports, vies ternes...) et que je ne ressentais guère d'empathie pour eux, malgré quelques beaux passages dans cette nouvelle.

Heureusement, Ang Lee est passé par là. Larry McMurtry (sa présence est un gage de qualité pour moi) et Diana Assana ont magnifié cette histoire d'amour dans le scénario et le résultat à l'écran est si lumineux, si évident, que je regrettais bien le prosaïsme d'Annie Proulx. Et puis une seconde lecture, récente, m'a permis de mieux savourer le texte, d'en gommer les aspérités. Ce n'est pas que je découvre enfin les qualités littéraires de la nouvelle, mais plutôt que je colle désormais les visages des deux acteurs sur ceux des personnages et j'ai encore en mémoire les paysages du Wyoming. Je garde donc ma préférence au somptueux film d'Ang Lee.

Cette histoire est d'autant plus émouvante qu'elle s'installe dans un milieu et une époque où l'homosexualité était plus que jamais un sujet tabou. 1963 dans l'Amérique rurale, deux cow-boys incarnant la quintessence de la virilité, et le poids des conventions et traditions. D'ailleurs, l'attitude des pères respectifs d'Ennis et de Jack en est la parfaite illustration.

Ennis est plus renfermé, moins démonstratif. tandis que Jack est passionné, impulsif, mais la peur du "châtiment" (la scène où Ennis se remémore la leçon de son père est édifiante...) l'empêche de braver les conventions et le regard des autres. Coincés dans leurs petites vies ordinaires, confrontés à des épouses qu'ils ne peuvent rendre que malheureuses, les deux hommes vont connaître de brefs mais intenses moments de bonheur, sur 20 ans, lorsque de leurs retrouvailles irrégulières à Brockeback Mountain, en pleine nature. Ces moments sont poignants, et ne peuvent compenser des années de frustration mais ils remplissent toute leur vie.

Au-delà de cette relation entre deux hommes, c'est l'histoire d'amour en elle-même qui m'a touchée. le même problème se serait probablement posé si le couple avait été un Noir et une Blanche ou vice-versa. N'importe quel couple ne rentrant pas dans "les cases". Ce qui m'a donc intéressée, c'est cette impossibilité d'être heureux dès que l'ont vit sous le regard des autres, dès que la société, vos voisins, vos amis, la famille vous jugent et vous empêchent de vivre selon votre coeur.

Enfin un mot sur les dernières pages et les dernières images du film. Quoi de plus romantique, de plus émouvant, que cette histoire de chemise ? J'en ai les larmes aux yeux à chaque fois. (c'est mon côté fleur bleue qui ressurgit... :-))

Lien : http://lectures-au-coin-du-f..
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