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Critique de kuroineko


Jusqu'à présent, les quartiers Nord de Marseille n'évoquaient en moi que les annonces sporadiques de morts par règlement de compte que j'entendais sur France Info.

Le récit journalistique de Philippe Pujol m'a été recommandé par mon libraire et je ne regrette pas d'avoir suivi - une fois de plus - son avis. Même s'il me faut admettre que la lecture en a été éprouvante. C'est pourquoi je l'ai lu en faisant des pauses, histoire de ne pas me saborder complètement le moral. Je ne regrette pourtant pas car aussi perturbant soit-il, ce documentaire est également éclairant sur les dysfonctionnements structurels d'une société en difficulté. Car ce qui est valable à Marseille, avec des caractéristiques intrinsèques, se retrouve dans d'autres cités confrontés aux problèmes sociaux, économiques, sécuritaires et politiques.

D'origine corse, l'auteur a grandi à Marseille, a passé de nombreuses années aux faits divers de son journal et a côtoyé pour ses enquêtes petits dealers, malfrats, caïds, leurs familles et certains membres d'une caste politicienne singulière. Il connaît et maîtrise donc son sujet, ce qui se ressent à chaque chapitre.
Il ne se contente pas de dénoncer les problèmes évidents de délinquance. Sans juger ni légitimer, il donne le contexte, cite des cas individuels. Il y a de quoi être plombé devant ces gamins qui vendent (et consomment) un shit mélangé à de l'huile de vidange, devant des petiots de moins de dix ans partir à la quête aux cafards dans leur immeuble pour les revendre 5 centimes la bestiole, devant la détresse et le désespoir d'une mère dont son fils puis son mari ont été troués de balles et qui doit désormais se débrouiller entre sa tristesse et les autres gamins à élever et à empêcher de s'embrancher vers le même destin.
Il y a aussi ces éducateurs qui font ce qu'ils peuvent pour aider et faire sortir cette jeunesse déliquescente de son apathie résignée à n'être rien sinon de la chair à caïds.

Dans une seconde partie, Philippe Pujol aborde la "gestion" politique de Marseille avec Gaudin et compagnie. Clientélisme, passe-droits, corruptions, alliances contre nature en terme de politique, etc, les élus de la ville - maires, députés, sénateurs, conseillers, etc - ne reculent devant pas grand chose pour assoir leur pouvoir. Quitte à s'entendre avec des bandes plus ou moins mafieuses pour toujours plus de crédits. Quant à la gestion de l'argent public, c'est une aberration systémique. Sans être marseillaise ni du Sud, nombre de noms de famille de politiciens paraissent dans les médias généralement accolés à des accusations de corruption, malversations, abus de fonds publics, ... Marseille n'est pas la seule ville à souffrir de ce genre de méfaits, mais tels que décrits par le journaliste, on ressort avec le sentiment que tous se cristallisent pour que le système ne changent surtout pas! Et pendant ce temps, les fossés d'inégalités se creusent toujours plus.

Bref un récit peut réjouissant et qui ne s'achève pas puisque délinquance et jeux politico-financiers ne s'arrêtent jamais. Mais que je recommande pour appréhender une partie de notre société et de ses dérives.
Néanmoins même à travers des histoires personnelles sordides, éhontées ou malheureuses, l'auteur fait part de la puissance des Marseillais à se parler et à rendre, en dépit de tout ce noir, sa beauté à la cité phocéenne.
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