- Ce n'est qu'en devenant mère que tu comprends à quel point tu es imparfait en tant qu'être humain.
Le lien qui se tisse entre l'enquêteur et la victime d'un homicide est sacré. Il transcende la simple bureaucratie, les comptes rendus d'enquête, les rapports d’autopsie, les pièces à fournir au magistrat. Il devient quelque chose de beaucoup plus intime. Dans l'éventualité où l'affaire n'est pas résolue et où le bourreau reste en liberté, ce lien sacré, indissoluble, peut se muer en une obsession éreintante, impossible à fuir. Le temps qui passe renforce le sentiment de culpabilité, accentue le doute selon lequel le tueur pourrait frapper de nouveau... La vie continue, évidemment, mais la peur d'avoir fait fausse route, de ne pas avoir été à la hauteur, d'avoir permis que d'autres vies soient brisées reste vissée au cœur et à l'âme, et, plus les années passent, plus ce poids devient insupportable. Une affaire non résolue est la condamnation la plus sévère que peut subir un policier. Parfois, c'est un point de non-retour.
Le tangage du bateau lui évoquait les contractions d'une parturiente. Le clapot des vagues, les gémissements causés par les douleurs. Le souffle du vent, la respiration haletante de la femme sur le point de perdre les eaux. Le battement sourd des moteurs du ferry qui montaient dans les tours, l'augmentation vertigineuse du pouls. Elle sourit, amère. En un sens, c'était ça: cette nuit enveloppante était l'utérus qui la retiendrait encore quelques heures, jusqu'à ce qu'elle accouche d'une nouvelle vie, d'une nouvelle elle.
"Tu es aussi sympa que l'arrivée des règles un premier jour de vacances à la mer, tu sais?"
- Arrête de m'appeler comme ça, dit-elle en détachant l'étui attaché à sa ceinture. (Elle glissa le pistolet dans un tiroir et sans se retourner, ajouta:) J'ai besoin de prendre une douche et de dormir quelques heures.
La magie fournit depuis toujours aux gens des instruments pour affronter des moments critiques que les seules forces humaines ne suffisent pas à surmonter.
Moi je crois plutôt que l’homicide brise un équilibre vital, et que si cet équilibre n’est pas rétabli d’une manière ou d’une autre, le défaut de justice crée des ondes chaotiques qui se répercutent sur nos vies à tous : policiers et victimes. Le mal qui n’est pas cautérisé génère un mal nouveau , dans une spirale infinie.
Les vétérans ressortaient souvent l’histoire de celui de trop : ils soutenaient que dans la carrière d’un enquêteur il y a un seuil de morts à ne pas dépasser ; pour certains c’étaient dix, pour d’autres cent, pour les cœurs les plus accrochés deux cents, et c’était bien là le problème : ne pas savoir quel était le seuil au-delà duquel la noirceur vous étreignait pour vous emporter.
L’esprit humain est diabolique : souvent nous pardonnons sans sourciller celui qui nous blesse, mais il nous est impossible de pardonner celui des nôtres qui s’est laissé blesser sans sourciller.
- Tu es aussi sympa que l’arrivée des règles un premier jour de vacances à la mer (Rais à Eva)