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Critique de Hemen


Le roman "J'Étais Un Rat! ", rédigé par Philip Pullman et publié en 1999 aux éditions Gallimard dans la collection folio junior, est constitué de 35 chapitres de longueur très variable (le quatrième chapitre intitulé L'orphelinat ne fait qu'une page). Véritable conte fantastique, ce livre raconte l'histoire d'un petit garçon qui frappe un jour à la porte de Bob et Jeanne Doucet en déclarant qu' il était « un rat ». Exceptées cette affirmation et sa proximité avec la princesse qu'il appelle Mary-Lou au lieu d'Aurélia, l'enfant semble n'avoir aucun autre souvenir. le couple sans enfants décide donc de s'en occuper en attendant de retrouver sa famille et le nomme Roger. Bob et Jeanne s'aperçoivent bien vite de son manque d'éducation. Il ne sait pas se tenir à table et mange tout ce qui lui passe sous la main (les crayons étant ses mets préférés). Ils se rendent alors à la mairie, à l'orphelinat (qu'ils évitent en voyant la bâtisse délabrée et la misère dans laquelle semble vivre les enfants) puis à l'hôpital qui s'assure de la bonne santé du garçon. Ce dernier est ensuite inscrit à l'école, mais n'ayant aucune connaissance des règles de bonnes conduites et des normes strictement humaines, Roger subit la punition du proviseur et s'échappe de l'école.
Bob et Jeanne le récupèrent au poste de police mais d'autres péripéties restent à venir : son comportement étrange attire l'intérêt du philosophe royal qui l'examine et provoque sa fuite.
Charlie, un voisin des Doucet quelque peu éméché, croise un jour le chemin du forain Olivier Lachignol et lui parle d'un « Enfant-Rat » qui habite près de chez lui.
Celui-ci part à sa recherche et n'hésite pas à exploiter le garçon en le déguisant en un immonde et énorme rat afin de se faire de l'argent. L'enfant parvient à s'enfuir grâce à Billy, un garçon des rues qui a besoin des talents de Roger pour ses vols.La situation s'envenime lorsqu'un policier le repère en plein cambriolage.
le prenant pour le « Sterminateur » (de rats), l'enfant terrorisé se sauve dans les égouts. La rumeur d'un « Enfant-Rat » habitant les égouts enfle, et le journal le Père Fouettard qui suivait l'affaire depuis un moment attise les craintes de ses lecteurs et grossit ses bénéfices.
« L'Enfant-Rat » est alors pris en charge par des scientifiques.
L'avenir du « monstre des égouts » devient très incertain

Ce qui étonne et emporte aussitôt le lecteur dans l'univers de Philip Pullman, c'est avant tout le mélange des genres dans une même oeuvre. Son roman s'ouvre aussitôt sur une page du journal "Le Père Fouettard" évoquant l'amour du prince Richard et de Lady Aurélia.
Toutes les caractéristiques du journal sont visibles : Les gros titres en gras, les sous-titres, les rubriques, le discours du journaliste, les interviews, les avis de témoins, les renvois de pages, les photographies du couple ou encore les sondages. Les faits décrits dans la presse ne paraissent pas avoir de liens avec l'histoire principale , et pourtant, ces récits enchâssés ont plusieurs enjeux et donnent des indices au lecteur sur la véritable nature de Roger et sur le dénouement.
Les Unes du journal s'intercalent donc régulièrement entre les chapitres afin d'ajouter des éléments qui n'apparaissent pas dans le récit de Roger. "Le Père Fouettard" est une réelle parodie du pouvoir de la presse et de son influence sur l'opinion public. Ce journal ne cesse en effet de retourner sa veste et de jouer la carte de l'hypocrisie pour servir ses intérêts économiques. C'est ainsi que Roger est tour à tour blâmé, injurié, calomnié, considéré comme un monstre par cette presse cruelle et les citoyens qui la lisent pour finalement juger qu'il est un « petit garçon comme les autres ».
Le récit principal comme le journal abordent des thèmes graves, sérieux mais aussi plus léger où se mêle habilement humour cocasse ou non et une tonalité plus acerbe avec une satire des institutions : le gouvernement, les scientifiques, les médecins, l'école, la justice, la société en général subissent de multiples railleries sous la plume « impitoyable » de l'auteur qui n'épargne personne.
Roger, autrefois un rat, tente de survivre dans ce nouveau monde où l'hypocrisie, l'escroquerie, la vanité et la bêtise humaine semblent régner.
Il ne comprend pas ce monde et doit apprendre à vivre comme un être humain et à ne plus raisonner comme un rat.
Or, c'est ce qui lui pose problème tout au long du roman mais c'est aussi ce qui rend le personnage si attachant.
Il a beau avoir un comportement étrange et réagir tel un rongeur, il paraît davantage humain que ceux qui cherchent à l'exploiter et à le nuire. Il est à la recherche d'une identité, à l'instar de Mary-Lou devenue la princesse Aurélia et qui regrette un peu ce choix. Ces deux personnages soulèvent une question qui mérite réflexion : qu'est-ce qui fait de nous un être humain ?

L'auteur s'amuse donc avec les mots et le lecteur : il réussit à le faire sourire en dépit des thèmes assez sombres. Son écriture est fluide, simple, facile d'accès et l'humour est omniprésent de même que les sous-entendus. le jeune lecteur comprendra l'essentiel mais il passera peut-être à côté des indices que l'auteur dissémine au fur et à mesure du texte de manière plus ou moins implicite.
A découvrir en primaire ou au collège, le roman "J'Étais Un Rat" saura ravir tous les âges, notamment les amateurs de contes de fées, car il s'agit bel et bien d'un conte ici : "Cendrillon" revisitée par Philip Pullman ! de nombreux indices le confirment : les escarpins rouges conçus par Bob pour la princesse et qui lui vont parfaitement, Mary-Lou qui est la princesse Aurélia, Raton le rat devenu Roger le page et qui devait l'accompagner au carrosse pour qu'elle se rende au bal, ou encore la « belle dame » et sa « baguette magique ».
Le choix de la mise en page au sein de l'ouvrage est aussi intéressant. le journal et l'affiche du bonimenteur Lachignol ne représentent pas les uniques illustrations du livre.
En effet, chaque chapitre contient son lot d'images correspondant à des petites scénettes évoquées dans le texte. Les illustrations de ce roman ne possèdent pas qu'une fonction esthétique, tout en étant parfois empreintes d'humour, elles sont aussi chargées d'un enjeu pédagogique.


"J'Étais Un Rat !" est donc un ouvrage amusant et agréable à lire qui peut faire l'objet d'un travail scolaire.
Certaines écoles basent d'ailleurs leurs cours sur ce livre et en proposent la lecture à leurs élèves.

Philip Pullman est l'auteur de la trilogie "A la croisée des mondes" (1995-2000). Il a aussi écrit "La Mécanique du Diable" (1996), "La Magie de Lila" (1999) ou encore la série "Sally Lockhart" (2003-2004).
Peter Bailey, quand à lui, est un illustrateur de livres pour enfants. Il a illustré "Calypsia et son secret", "Le garçon dans la boîte à biscuits" en 2008 ainsi que "L'épouvantail et son valet" de Philip Pullman (2010) et plus récemment "La Mécanique du Diable" (2013).
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