"Alors que les feuilles viraient à l'orange dans d'autres parties du monde, teintant le paysage de toutes les nuances du jaune, de l'ocre et du rouge, à Madras,le paysage demeurait vert clair. Un soleil vengeur embrasait le ciel et l'air collait comme du miel."
"En regardant ce corps juvénile immobile sur lequel opéraient mes mains gantées, j'eus la sensation que je lui enlevais sa féminité, que je lui volais ses entrailles avant même qu'elle ait fait l'amour pour la première fois. Mais je me rends compte maintenant que j'avais tort ; tout lui retirer ne l'empêcherait pas d'être femme, une femme vivante et pensante, car ce que nous sommes se trouve à l'intérieur de notre tête et non de notre corps."
Aristote a écrit que la femelle est femelle en vertu d'un certain manque de qualités et que nous devrions considérer le sexe féminin comme affligé d'un défaut par nature. Il pensait également que la terre était immobile et au centre de l'univers. Et il vivait en 300 avant Jésus -Christ.
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"On frappe à la porte, la première patiente vient d'arriver. D'autres suivent, et puis d'autres, telles des fourmis dans un pot de miel. Elles écartent les jambes et m'adressent un regard d'espoir ; j'aimerais, ô combien j'aimerais pouvoir leur donner des ailes"
L'appartement est rempli de fumée. Un feu brûle au centre du salon. Une petite fille dans une jupe de soie verte est assise sur les genoux de son père, qui alimente les flammes de beurre clarifié à intervalles réguliers. Le front de l'homme est oint de cendre, son cordon pend au-dessus des bourrelets de son ventre ; la petite fille pince le cordon entre ses doigts de temps à autre.
C'est son premier anniversaire. Plus tard dans la journée, on percera chacune de ses oreilles afin qu'elles portent les diamants, rubis et émeraudes de sa mère. Un garçon de quatre ans assis à côté de son père fixe les flammes. Il en paraît trois, pas un jour de plus. Il ne semble pas avoir grandi depuis la dernière fois qu'il a observé le feu, lorsque, au lieu de brindilles, on brûlait sa mère.