Citations sur Un profond sommeil (100)
Je ne faisais confiance à personne. J'aimais mon frère, je le respectais, mais je ne lui faisais pas toujours confiance. Comme tout le monde, il avait trop de secrets. Maman, mamie Clem, Willet ; ils me cachaient des choses et se les cachaient entre eux.
Mais ma mémoire était-elle fiable, au fond ? Je me rappelais un monstre dans les bois, et Willet disait que les monstres n’existaient pas. Je me souvenais que maman chouchoutait Pansy, mais maman avait nié avoir jamais fait de favoritisme. Je me rappelais le feu d’artifice, l’odeur de soufre et la soirée d’été parfaite, mais Bubba affirmait que ça ne lui disait rien du tout. Et quoi que je me rappelle, ou quoi que j’imagine, ça ne changeait rien au fait que le corps de papa avait été retrouvé dans ce motel dégueulasse.
Le temps est la seule chose qui rende le deuil supportable, non parce qu’il vous fait oublier, mais parce qu’on apprend à vivre avec l’absence
Maman parlait comme si Pansy allait revenir et que tout redeviendrait comme avant. C’était une illusion. Même si Pansy parvenait à revenir, je savais que rien ne serait comme avant.
je me suis reconnue en toi. Quand j'avais ton âge, j'avais la vie dure. On s'habitue au malheur quand on ne connaît rien d'autre. Je ne voulais pas que tu t'y habitues. Après la disparition de ta sœur et de ton père, je voulais que tu connaisses autre chose que la tristesse et le deuil. Je suis venue te chercher parce que je pensais pouvoir t'aider à échapper au chagrin.
J'avais tort.
On ne peut jamais sauver une autre personne de son deuil. Je n'aurais pas dû essayer. Le temps est la seule chose qui rende le deuil sup-Portable, non parce qu'il vous fait oublier, mais parce qu'on apprend à vivre avec l'absence.
Elle devient une partie de nous.
Les femmes étaient invisibles, du moins on l'aurait cru, puisque les habitants de ces demeures parlaient de tout en leur présence, comme si elles ne s'étaient pas tenues là, oreilles aux aguets. C'est ainsi qu'elles apprirent que des esclaves se soulevaient et reprenaient leur liberté par la force. C'est ainsi qu'elles découvrirent l'existence d'une communauté d'anciens esclaves installés au fin fond des Everglades, en Floride, où aucun homme blanc n'aurait osé poser le pied, sous peine d'être abattu à vue.
Désormais, je savais qu’une histoire pouvait prendre une nouvelle vie a force d’être racontée, reracontée et réimaginée.
Pourquoi leur mère ne pouvait-elle pas rester assez longtemps pour leur apprendre à voler? Pourquoi ne pouvait-elle pas les aider encore un petit moment ? Il le savait, pourquoi. Les oiseaux ne voleront pas s’ils n’y sont pas obligés. Les oiseaux, comme les enfants, ne quitteront leur nid douillet qu’en tout dernier recours.
Toutes sortes de femmes venaient voir Clementine et Ora : des riches, des pauvres, des Noires, des Blanches, des jeunes, des vieilles. Elles avaient toutes des histoires à raconter. Clementine et Ora ne posaient jamais de questions, mais les femmes se sentaient comme obligées de révéler leurs secrets. Il écoutait les histoires et les recueillait. Il entendait des récits sur des hommes cruels, sur le désir et la trahison. Le monde n’était pas un lieu sûr pour les femmes, apprit-il. Le monde n’était tendre envers personne, mais visiblement, les femmes souffraient davantage que les hommes.
Les gens croient ce qu'on leur dit de croire.