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Critique de Lucilou


"A moi forban que m'importe la gloire
Né fils de roi et de prostituée
Sur des cadavres j'ai chanté la victoire
Et dans un crâne j'ai bu la liberté"

Qu'on se serve un godet de rhum, et qu'on chante! Qu'on arme le navire et qu'on hisse le pavillon! Qu'on boive encore! Qu'on parte à l'abordage et puis qu'on mette le cap sur "La République des Pirates"!

Depuis toute petite, j'aime les récits d'aventures, les romans tout pleins de fracas et de péripéties, les héros hauts en couleurs, en noblesse et en courage et si j'ai le coeur mousquetaire plus que de raison, les pirates n'ont pourtant jamais de mal à me conquérir. C'est qu'ils ont le panache, la séduction, l'insolence, le romantisme, les décors pour ça. Ajoutez à cela leurs destins de légendes mâtinés de tragédie et leur soif de liberté et me voilà rendue comme un galion espagnol... C'est donc assez logiquement que je me suis jetée dans les bras du roman de Jean-Marie Quéméner, d'autant plus que le gravité de mes dernières lectures et la fin de l'été m'ont donnée de furieuses envies d'évasion, d'actions, de réjouissances et d'océan (et de rhum. Mais c'est moins avouable).

Levez l'encre et larguez les amarres: ce roman est un régal -pour peu qu'on ne souffre pas du mal de mer-, un banquet de rhum, de boucané et de vanille que j'ai dévoré malgré le tangage et le roulis. Et j'en redemande.

Yann Kervadec est un jeune breton qui a grandi auprès d'un père aimant quoique original. Parce qu'il devient un homme et parce qu'il rêve d'autres choses que du granit des menhirs de Carnac, son père le fait engager à bord d'un navire en partance pour la Guadeloupe avec escale africaine au programme. Si Yann se découvre le pied marin, il comprend aussi bien vite la triste réalité du commerce auquel son navire et capitaine prennent part. Plutôt que des'y habituer et de se taire comme on le lui conseille, il préfère donner de son eau aux esclaves à moitié mort de tout et entassés dans la cale jusqu'à la Guadeloupe où c'est la cruauté de trop qui le conduit à commettre l'irréparable. Contraint de fuir, il prend à nouveau la mer mais n'ira pas très loin. Les Caraïbes sont infestés de pirates et Yann atterrira auprès de plusieurs d'entre eux à Providence, terre légendaire des non moins légendaires Calicot Jack, Barbe Noire, Charles Vane, Ann Bonny et Mary Read! Ici les pirates sont rois, le rhum coule à flots et l'or des navires espagnols est à tous. Ici, c'est l'aventure, la liberté, les duels, les bateaux et les fiers pavillons; c'est la terre de ceux qui s'affranchissent des règles du vieux monde et qui se taillent un destin à la mesure de leurs rêves.
Ici, enfin, Yann trouve sa place, une famille et l'amour d'une belle créole. de pirate à chefs d'expédition, le jeune homme va goûter à l'ivresse du sang et du grand large, louvoyer entre les intrigues et les trahisons, croiser le chemin des plus grands pirates et se lancer à la recherche d'un trésor enfoui. Au terme du voyage, peut-être qu'il rentrera chez lui, d'autant plus que les anglais entreprennent la reconquête de Providence et qu'ils ont juré qu'ils feront danser les fiers flibustiers au bout d'une corde. Un nouveau monde est en train de naître tandis que meurt la République des Pirates dans une agonie désespérée. Pour Yann et les siens, il faudra quitter ce monde qui se déchire avant qu'il ne soit trop tard.

"La République des Pirates" est un roman d'aventures, un vrai, qui ne laisse aucun répit à son lecteur tant qu'il n'est pas arrivé à la dernière page: la narration est fluide, rythmée et la plume est élégante et bien tournée, comme sans doute les étaient-elles au XVIII°siècle... Elle ne manque pas d'humour non plus, ce qui en accentue les délices. Les personnages sont attachants (mention spécial à Finn et ses citations du grand Will!) et bien campés pour la plupart bien qu'on puisse regretter qu'ils ne soient pas plus approfondis parfois. A cet égard, j'ai trouvé bien léger -par exemple- le traitement de Calicot Jack et de ses deux compagnes qui auraient mérité mieux. Idem pour Medeline, certes jolie mais pas assez active. le cadre et le contexte sont soignés, bien présentés et plutôt documentés, mais là encore, j'en aurai voulu plus. Il me semble que cela aurait été intéressant d'en savoir davantage sur l'histoire de Providence et de ses habitants, de même que j'ai regretté que la fin de la ville soit sabrée si vite. Cela aurait mérité plus de gravité, de tragique... Mais je chipote.
Quant aux différentes péripéties, c'est vrai qu'elles s'enchaînent vite et que le roman ne nous épargne aucun des lieux communs propres aux romans de pirates mais ils sont tellement bien écrits, tellement prenants qu'on se fiche qu'ils soient communs et puis, j'aurais été déçue qu'ils n'y soient pas. Par ailleurs, certains passages sont à mourir de rire ou simplement magnifique (tout ce qui relève de la fin de Vane m'a sonnée!): comment alors faire la fine bouche?

"Pendu au mât d'une barque étrangère
Mon corps un jour servira d'étendard
Et tout mon sang rougira la galère
Aujourd'hui fête et demain le hasard
Allons esclaves, debout mes braves
Buvons l'ivresse et l'orgie à grands flots
Aujourd'hui fête , demain peut être
Mon corps ira s'engloutir dans les flots"

Ainsi, ce matin, j'ai quitté le port et j'ai le coeur un peu lourd de savoir ce que devient Providence livrée aux infâmes soldats en rouge.
J'ai débarqué de l'Oroun ce matin et l'équipage me manque déjà... Mais il parait qu'ils vont bientôt reprendre la mer, je devrais pouvoir me débrouiller pour me faire une petite place sur le pont, hein capitaine Kervadec?

"Si par hasard par un coup de fortune
Je capturais l'or d'un beau galion
Riche à pouvoir décrocher la lune
Je m'en irai vers d'autres horizons
Là vénéré tout comme un gentilhomme
Moi qui ne fut qu'un forban qu'un bandit
Là je pourrais peut être tout comme
un roi dormir dans un bon lit."



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