Jean-Marie Quéméner, spécialiste de la Syrie, auteur de Dr. Bachar, Mr. Assad
—Alors, monsieur, que diable venez-vous faire dans ce lieu ? s’étonna-t-il. Ce n’est pas vous faire injure que de dire que vous y êtes aussi déplacé qu’un pet à la table du roi : vous me semblez franc et décidé. Une denrée inconnue dans ces contrées.
L’illusion de la tendresse, elle, est à vendre en contrebas, chez moi. Pas l’amour. Lui ne compte pour rien. Il ne rapporte pas. Il coûte. Mauvaise affaire.
Je n’ouvre pas encore les yeux, mais je ferme déjà mon cœur. La poudre aurifère cristallise les sentiments. L’âge d’or est de fer et de pierre. Rien de très nouveau, seulement la très ancienne alchimie humaine : une pincée de misère, une pleine poignée d’hommes et le goutte-à-goutte de la solitude transforment les lingots jaunes en plomb et l’homme en animal.
Je sais. J’ai mille ans.
Fais en sorte d’avoir l’air le plus stupide et plus imbu de ta personne possible, et tu correspondras à l’idée qu’il doit de faire d’un marchand français.
—Avisez-vous encore de venir me chercher, moi ou ma famille, et je vous tue sans même éprouver le besoin de me confesser après, articula le recteur en se frottant les phalanges.
—Alléluia ! s’écria Finn. Voilà que je me remets à croire en Dieu !
— Voyons cela, dit-il doucement en déchirant ma chemise. Intéressant…Juste un petit trou. Une balle, hein ? Et de très près ! Bon…Tu vas devoir te soumettre à la règle des trois pots. C’est simple : un coup de rhum pour le médecin, il ne tremblera pas. Un coup de rhum pour le malade. Il ne gueulera pas… Après y avoir goûté lui-même, il m’enfourna la louche dans la bouche… —Et un coup de rhum pour la blessure, elle ne pourrira pas… Je criai malgré le deuxième point de sa maxime…
Tous les ans, un navire espagnol quittait Porto Bello, sur les côtes de Carthagène, pour voguer vers Cadix. Fortement armé et accompagné de toute une escadre, ce vaisseau embarquait les trésors d’argent et d’or arrachés au cœur du continent.
- J'exige de rejoindre mes camarades officiers !
- Mais vous n'avez plus rien à exiger, monsieur. Je peux vous abattre ici et maintenant. Me débarrasser de vous une bonne fois pour toutes. Et depuis quand un nègre, un singe, ordonne-t-il quoi que ce soit ? Les animaux ne dominent pas ce monde...
Ntchorere prend le temps de regarder le Luger encore chaud, le tas informe de ses camardes dans le fossé, plus de planter son regard dans celui de son interlocuteur. Il raffermit, puis apaise sa voix :
- En êtes-vous certain, Herr Hauptmann ?
Il soupirait puis s'encourageait de sa voix grasse, chiche en voyelles claires. Sa terre du Nord encore martyrisée, ses trous d'obus et ses tranchées d'autrefois, d'une guerre qui eût dû pour toujours finir la partie, "la der des ders", toujours bien visibles. Les Chleus allaient repartir, encore, "le pantalon baissé, les couilles à l'air, le cul en shrapnel". Il avait cherché un soutien autour de lui. Quelques regards lui avaient souri. Charles s'était levé, lui avait tapoté l'épaule et laissé le peu de pain biscuité qu'il lui restait.
On meurt mieux, le ventre plein.
- Il m'a fallu attendre la bataille de la Marne pour voir des nègres. Et oui, ils étaient plutôt sauvages. et croyez-moi, ils agissaient plus en animaux qu'autre chose...
- Un animal ne partirait pas par patriotisme à l'autre bout du monde, dans le gris, le froid et la vermine. Un animal agit sans sentiment. Un animal ne se bat pas pour une idée.
- Sauf s'il y est contraint. Emmené par ses maîtres...
- La mer, Yann, c’est pas comme ma fille. Tu ne la quitteras pas, elle ne te quittera plus. Elle t’avalera si tu ne la respectes pas. Tu obéis au vent et aux vagues sans te croire le plus malin. Y a des choses qu’on apprend pas dans les écritures. Y a des choses qui n’entendent rien aux belles paroles. Et tu ne dis jamais que tu rentreras au port. Pas de promesse, souviens-toi