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Critique de Cyril_lect


Quand on sonde le fond de son coeur dans le silence de la nuit on a honte de l'indigence des images que nous nous sommes formées sur la joie.
Je n'étais pas là la nuit où j'ai été conçu. Une image manque dans l'âme. On appelle cette image qui manque « l'origine ». Nous cherchons cette image inexistante derrière tout ce qu'on voit.
Je cherche à faire un pas de plus vers la source de l'effroi que les hommes ressentent quand ils songent à ce qu'ils furent avant que leur corps projette une ombre dans ce monde.
Si derrière la fascination, il y a l'image qui manque, derrière l'image qui manque, il y a encore quelque chose : la nuit.
Il y a trois nuits.
Avant la naissance ce fut la nuit. C'est la nuit utérine.
Une fois nés, au terme de chaque jour, c'est la nuit terrestre. Nous tombons de sommeil au sein d'elle. Comme le trou de la fascination absorbe, l'obscurité astrale engloutit et nous rêvons en elle. Et si c'est par la nuit qui est en nous, interne, que nous nous parlons, c'est dans la nuit externe, quotidienne, qui semble à nos yeux venir du ciel, que nous nous touchons.
Enfin, après la mort, l'âme se décompose dans une troisième sorte de nuit. La nuit qui régnait à l'intérieur du corps se décompose à son tour dans un effacement que nous ne pouvons anticiper. Cette nuit n'a plus aucun sens pour s'aborder. C'est la nuit infernale.
Ainsi y a-t-il une nuit totalement sensorielle qui précède l'opposition astrale du jour et de la nuit. Nous procédons de cette poche d'ombre. L'humanité transporta cette poche d'ombre avec elle, où elle se reproduisit, où elle rêva, où elle peignit. Elle pénétra irrésistiblement dans les grottes obscures où elle tourna son visage vers des écrans blancs de calcite sur lesquels des images involontaires surgissaient et se mouvaient par la projection de la flamme d'un flambeau. Des millénaires passent. Elles continuent de défiler dans des salles étranges, édifiées dans le sous-sol des villes, où la ténèbre n'est plus divine mais produite artificiellement.

Je ne le fais pas souvent, mais j'ai remis la 4e de couverture qui est elle-même issue de l'avant-propos de Pascal Quignard.
Parce qu'elle dit avec assez de justesse l'ambition de l'ouvrage, et qu'elle donne à voir l'écriture de Pascal Quignard. Une écriture dense mais pas inaccessible, une écriture complexe qui nécessite de prendre le temps, celui de se laisser imprégner par un texte aux ramifications conceptuelles foisonnantes. Chaque phrase semble retourner le sens commun et implique de réécouter chacun des mots et de réenvisager lentement les idées posées sur le papier.
Le format s'y prête d'autant plus que les textes sont courts. Ils permettent des pauses que, de toute façon, l'exploration des chaque image impose, et le vertige qui va avec.

De ce tête-à-tête avec ces images sexuelles, c'est à une introspection que nous sommes invités, à regarder notre propre intimité mentale, de découvrir la puissance agissante de mécanismes qui nous habitent. Que voyons nous lorsque nous regardons ces images ? Qu'y voyons nous ? Qui voyons nous ?
Nous sommes conviés à un véritable dévoilement de nous même, in fine. Ces images comme autant de miroirs, de l'inregardable constamment recherché, de ce manque silencieux qui nous hante. de cette incomplétude inconsolable. de territoires intimes insoupçonnés.

Un ouvrage vertigineux et passionnant.

Bon allez un petit défaut, tout de même : le papier couché est vraiment trop sensible au gras des doigts, même les plus propres.

Lien : http://leslecturesdecyril.bl..
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