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Critique de Kirzy


Kirzy
05 septembre 2019
°°° Rentrée littéraire 2019 #15 °°°

Dans la famille « Dévorés par la musique », je demande :
- le père, Claessens, chef d'orchestre international, un monstre boursouflé de narcissisme et despote familial
- la mère, Yael, soprano jadis brillante et solaire, désormais décrépite et à moitié folle
- le fils, David, violoniste absolu fuyant prématurément la vie, reclus en ermite dans un bunker
- la fille, Ariane, pianiste star, flamboyante narratrice qui va dénouer sous nos yeux souvent stupéfaits l'écheveau familial telle l'héroïne grecque éponyme dans le labyrinthe du Minotaure

C'est elle qui nous fait plonger dans le psychodrame familial dès le premier chapitre, une première littéralement scotchante qui m'a happée sans préliminaires : une basilique genevoise, l'enterrement du père, une assistance recueillie qui attend qu'Ariane entame la marche funèbre traditionnelle, la stupéfaction lorsque ce sont les notes du concerto de Chostakovitch pour violon qui s'élèvent de son piano.

Ce fameux Opus 77 est en fait la clé, la pierre angulaire pour comprendre cette famille, ses excès de passion qui l'ont détruite, ses comportements obsessionnels qui confinent à la folie, ses actes terribles car irréversibles.
On assiste alors à une véritable mise à nu des Claessens, orchestrée brillamment à travers la voix sans filtre d'Ariane. C'est d'une telle crudité, d'une telle violence que cela laisse souvent le lecteur abasourdi. Comme un combat total pour dominer l'autre avec au coeur, la filiation et plus précisément la relation père-fils. Dans ce chaos des sentiments, le personnage d'Ariane apparaît vite comme exceptionnel, celui d'une femme dont la puissance se déploie à la fois en tant qu'artiste, soeur et fille. Fascinante.

Entre la richesse de l'histoire et celle des personnages, ce roman avait tout pour me séduire. La force de l'écriture d'Alexis Ragougneau a fini de m'emballer, une écriture qui a de la personnalité et du souffle, les mots claquent, sidèrent le lecteur à mesure que les souvenirs d'Ariane remontent et que le passé s'écorche. D'autant plus que l'auteur a choisi une composition de haute volée, le récit étant rythmé par les 5 mouvements du concerto qui forment autant de chapitres ( nocturne – scherzo – passacaille – cadence – burlesque ). Chacun traduit l'émotion qui traverse le récit à ce moment-là, comme une dramaturgie révélée crescendo, celle de l'individu face au rouleau compresseur de la famille et plus généralement des attentes de la société.

Nul besoin d'être musicien ou même mélomane pour apprécier ce roman, même si dans mon cas, ce magnifique m'a donné une envie furieuse de découvrir l'opus 77 de Chostakovitch. Ce que j'ai fait. Je n'en applaudi que d'autant plus la virtuosité de cet écrivain.

Une lecture qui reste et vit en mois plusieurs semaines après l'avoir achevée.
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