Et soudain il s'était rendu compte que cela faisait longtemps qu'il était seul.
Il s'était aussitôt demandé depuis combien de temps exactement, mais n'avait obtenu aucune réponse. Tout est perdu, c'est ce que son instinct lui avait dit, avec une clarté irrévocable. Seulement ces trous mots: tout est perdu. Le reste était incompréhensible.
La vipère ferma à nouveau les yeux et revit toutes les étapes de l'alignement de Karen. Il recommença plusieurs fois, étape par étape, détaillant l'ensemble du processus auquel il avait soumis celle qui allait devenir l'alignée zéro.
Et il comprit. L'évidence de l'explication éclairait la loi de l'alignement elle-même.
L'élève avait tout simplement dépassé le maître. Karen avait porté au point le plus haut son degré d'alignement. Jusqu'à son équinoxe.
L'enfant pensa à la solitude et à la mort, qui étaient les deux seules armes qui peuplaient désormais sa vie. Ce serait difficile. Alors il comprit qu'il venait d'entendre la voix de l'unique survie possible.
Il fallait devenir un être au-delà du réel et du simulacre, dans une réalité de son choix et de son invention. Au-delà des mots et des mensonges.
Et pour cela, il était prêt à se faire dépouiller de toute réalité. Comme il l'avait toujours secrètement souhaité, en définitive.
Cette ambiance décuplait l’énergie de Wolf. Et également son calme. Il avait le cœur qui débordait de napalm, comme rarement par le passé, mais il en avait également le contrôle total. Et ça, c’était inédit, du moins à cette intensité-là de fureur. Il aurait pu broyer une poignée d’air et la réduire en poudre azotée. Il savait aussi que c’eût été tout à fait inutile.
Ne me dis pas que tu te demandes encore qui je suis, Wolf. Je suis la Vipère, je suis une hybridation entre le réel innommable et l'imagination infinie. Exactement comme la réalité. Pour partie universel, pour partie soliptique. Étant, tout en n'étant pas.