AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Arimbo



Décidément, je n'en finis pas avec Ramuz, et je suis toujours ébloui par ses romans, leur puissance évocatrice et leur narration absolument originale, sans équivalent, sauf peut-être celle de Céline.
Et celui-là, de roman, je l'avais lu il y a cinquante ans et j'en avais gardé une impression forte, et le souvenir d'une histoire tragique et terrifiante.

A la relecture, c'est toujours aussi terrifiant et noir, ça fait toujours aussi mal, mais et en plus, cette fois, ce que je n'avais pas si bien perçu dans ma jeunesse, il y a l'écriture, incroyable cette manière d'écrire, cette prodigieuse façon de donner à voir, qui m'émerveille à chaque roman, j'en suis au 7ème roman depuis quelque mois, et toujours pas de déception.

Non, Ramuz ce méconnu de nos jours, ce n'est pas l'écrivain du terroir, cet homme qui écrit mal, tel que le voyait à l'époque notre intelligentsia parisienne.
Pas du tout, c'est un écrivain capable de raconter la folie des humains, mais surtout la nature toute puissante, qu'il faut comprendre et respecter, et ne surtout pas vouloir dominer, avec laquelle les hommes doivent composer.

Certes cela se passe, comme toujours, dans cette Suisse que Ramuz connaît bien. Mais ce qui est raconté a une porté universelle et si actuelle pour nous qui voyons toutes ces catastrophes dont tant sont liées aux méfaits de l'activité humaine.

Ici, le registre du roman est celui, terrible, de la tragédie grecque, un destin implacable dans lequel se conjuguent le comportement insensé des humains et la puissance de la nature, étrangère aux préoccupations humaines.

Dans un village de montagne, le « président » de la commune, l'équivalent du maire chez nous, veut que les villageois retournent faire paître leurs bêtes dans un magnifique pâturage situé dans les hauteurs près d'un glacier. Mais cette prairie a laissé un très mauvais souvenir aux anciens, car bêtes et hommes y sont morts il y a une vingtaine d'années et ce lieu a été considéré longtemps comme maudit, habité par le Diable.
Mais tous les plus jeunes se moquent de cette superstition, et veulent profiter du bénéfice que leur procurerait ce lieu pour leur bétail, soutenus en cela par le président et par Crittin, le « Maître » qui possède et a remis en état un chalet de montagne proche du pâturage.
Après un vote, il est donc décidé d'emmener une partie des vaches, et, conduit par le Maître et son neveu, un groupe de sept hommes monte vers le pâturage. Il y a là un ensemble hétéroclite faits de jeunes et de moins jeunes, parmi lesquels il y a Joseph, un jeune paysan amoureux de Victorine et qui compte gagner un peu d'argent en vue de leur mariage.
A partir de là, les catastrophes s'enchaînent, les vaches tomberont malades et mourront, puis ce sera le tour de certains des bergers, d'autres deviendront fous, jusqu'à une catastrophe finale que je ne dévoile pas.

Le tout sur fond de superstitions, de peur du Diable, de pas que l'on croit entendre la nuit sur le toit du chalet, …., et d'une montagne puissante et maléfique.

Et l'auteur nous raconte tout cela avec cette écriture si visuelle et rythmique, que je qualifie de quasi-cinématographique, parce que je ne trouve pas d'autre adjectif pour la qualifier, une utilisation des « on », qui nous font voir ce qui se passe comme si nous étions spectateurs du film, des changements de temps du verbe, d'un rythme qui s'accélère ou ralentit, jusqu'à devenir à la fin une sorte de coda effrénée, puis se terminer par un épilogue très lent. Ça m'a fait penser, bien que ce ne soit pas du tout la même histoire, à la frénésie puis au point final du Sacre du Printemps, n'oublions pas la collaboration amicale entre Stravinsky et Ramuz pour l'Histoire du Soldat.

En conclusion, un roman fort, noir, sans la dose d'optimisme qu'il y a dans Derborence. Mais, pour moi, un incontournable du cher Ramuz.
Commenter  J’apprécie          486



Ont apprécié cette critique (47)voir plus




{* *}