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Critique de ecceom


Pour Raspail, il faut changer à Nation

Le titre du livre est tiré du XXème chant de l'Apocalypse, le Camp des Saints étant la destination des nations venues des 4 coins de la Terre, qui égalent "en nombre le sable de la mer" et partiront en expédition sur la surface de la Terre.

Le récit débute le matin de Pâques sur les côtes du Sud de la France où un vieux professeur nommé Calguès, observe depuis sa maison, la mer se couvrir de bateaux contenant des milliers de personnes. C'est le début d'une invasion "pacifique" dont le point de départ se situe en Inde. En effet, le Consulat de Belgique qui a trop ouvert les portes du pays aux immigrants, ne veut plus délivrer de visas au départ pour les "enfants du Gange" attirés par le "mythe du Nouveau Paradis". Mais ces derniers, conduits par un bonimenteur coprophage, vont passer outre et s'embarquer pour le "Royaume des Saints". Comme des milliers d'autres pauvres, partout.

Revenons en France. Calguès, à la fois résigné et déterminé, est prêt à se battre. Car il faut choisir entre ouvrir le feu sur ces "boat-people" ou les accepter. Dans ce cas, l'Occident sera submergé et sa civilisation, anéantie.

Mais, dans un nouveau Munich, les individus, les gouvernements, les organisations internationales, les armées' vont tous faillir. L'armée française est mise en déroute, seuls quelques "grognards" décident de résister sur la plage, dans un baroud d'honneur.

L'invasion se produit, les femmes blanches sont violées ou consentantes car ayant "perdu l'orgueil de leur peau".
FIN.

Voilà à gros traits, le contenu du livre.

Je dois dire que je m'attendais eu égard à sa renommée, à lire un récit un peu plus subtil, plus dérangeant. de ce point de vue, c'est une grosse déception, voire une incompréhension.

Ce livre est tout simplement...pénible.

Au niveau stylistique, c'est une invraisemblable pièce montée, une boursouflure chargée des symboles les plus lourdauds, un ramassis de thèses, non pas visionnaires, mais au contraire toutes plus datées les unes que les autres, tous les vieux chromos de la droite royaliste, catholique et réactionnaire. Certes, le texte a 40 ans, mais quand même !

C'est parti pour l'enfilage de clichés (le texte entre guillemets est de Raspail):

- La France est belle et éternelle
La maison de Calguès date de 1673, c'est gravé sur une vieille porte en chêne qui est toujours restée ouverte. Vous avez saisi le symbole ? C'était le temps de la Vraie France, celle d'avant, des maisons familiales qui se transmettaient de générations, qui était "chez elle".

- La culture blanche c'est quand même autre chose !
Face aux mélopées qui s'élèvent de la plage, Calguès allume la radio qui diffuse non plus du "jazz de nègres", mais du Mozart. Et Raspail, enfonce le clou : " les croisés avaient fait le tour de Jérusalem en chantant, les trompettes de Jéricho ont fait s'écrouler les murs et la radio joue "Mozart, ce qu'il y a de plus occidental, de plus civilisé, de plus achevé."

- Heureusement qu'il reste des hommes qui en ont !
Il reste des" hommes de coeur", mais ils sont trahis". Dans les premiers temps, Calguès voit venir chez lui un jeune gauchiste (la preuve : il a craché dans l'oeil de son père ! Là encore, parti comme ça, on se dit que Raspail va le faire coucher avec sa mère) qui lui annonce qu'il va guider les étrangers chez lui et qu'ils saccageront sa bibliothèque (c'est à dire le refuge de la culture occidentale -les "autres" n'ayant pas de culture sans doute), faire caca sur sa terrasse (les "autres" sont des animaux c'est bien connu) et "brûler sa porte" (vous vous rappelez le symbole). Alors Calguès tue son visiteur, sans haine, mais en s'imaginant "avec Charles Martel lardant dans la chair arabe", avec Godefroi de Bouillon", en train de tuer "quelques nègres dans les rangs du Ku Klux Klan", il est solidaire de ces batailles (je m'attendais à trouver dans la litanie, une référence aux contre-révolutionnaires vendéens ou aux soldats de Thiers face à la Commune, mais non. Peut être dans une prochaine édition ?).

- On ne peut pas aimer tout le monde quand même ?!
Le Consul de Belgique qui lutte aussi (un autre "homme de coeur") ne se reconnaît pour frères "aucun de ces milliers de martiens".

- Ce n'est pas parce que les autres sont pauvres qu'il faut s'empêcher de boire dans des verres de cristal.
"Faut il vulgairement ne plus aligner de verres parce que le Sertao meurt de soif" ? Et puis, "en amour, on ne partage pas et on se moque du reste du monde". Bien sûr, l'idée qu'on puisse partiellement et pour mille et une raisons, corréler le niveau de vie occidental à celui des pays pauvres, n'a pas sa place ici.

- L'Occident se suicide et décline inéluctablement.
Les soldats français se défilent car ils n'ont pas le "mépris populaire des autres races, la supériorité consciente, la joie triomphante de se croire ce que l'humanité avait jamais produit de mieux" et leurs cervelles sont affaiblies par "le monstre cancéreux installé au coeur de la conscience occidentale", cet "excès maladif et contagieux de sensibilité". L'Occident meurt de sa faiblesse, de son remords. le "1/3 monde s'est fait mouton et le loup ne veut plus être loup".
Des moutons carnivores ? Sans doute la principale prophétie du livre, Raspail a anticipé la "vache folle" carnivore.

Ceux qui ont tenu jusque là l'ont compris : j'ai vraiment souffert pour aller au bout de ce fatras. le monde de Raspail est pourtant facile à comprendre : chacun chez soi.

Ce n'est pas par méchanceté ou racisme. Pour lui, les noirs et blancs se "sont détestés dès qu'ils se sont vus"; "Ils se méprisent depuis qu'ils se connaissent" (message transmis aux Rois Mages). Chacun sa couleur : les arabes ont pour certains, des femmes blanches et chrétiennes "seuls étrangers admis" puisqu'elles sont dévorées "corps et âme".

D'ailleurs, les étrangers, Raspail les plaint souvent. Ainsi, à Paris, il nous montre les "pauvres noirs et arabes confinés aux basses besognes en France, transparents aux yeux des autruches parisiennes", "enfouis dans des ghettos aussi ignorés de la population qu'en leur temps, Ravensbruck et Dachau par les Allemands". Les immigrés comparés aux prisonniers des camps ? Décidément, Raspail a la formule mesurée !

Bon, en même temps, ces pauvres ne sont pas vraiment des hommes, mais plutôt"un fleuve de sperme" qui roule vers l'Occident".

Etc.

Vous avez saisi le message : nous sommes foutus et la race blanche va disparaître.

Ce ne sont même pas les idées qui me gênent. Je peux comprendre après tout, qu'on y adhère et qu'on se pose la question de la confrontation des cultures, de l'intégration au sein d'un pays qui s'est bâti par couches successives autour de certaines valeurs. "Le Camp des Saints" ressort aujourd'hui avec une nouvelle préface de Raspail, intitulée "Big Other", c'est à dire la mauvaise conscience occidentale face à "l'autre". Cette idée d'inadaptation de la pensée moderne occidentale est d'ailleurs la plus intéressante du livre.

Mais pourquoi habiller cette réflexion d'atours aussi empesés, d'images aussi pesamment démonstratives et caricaturales tels qu'ils apparaissent dans ce livre ? Dans une de ses (intéressantes) interviews, Raspail revendique un "rôle d'Estafette". Ici, j'ai plutôt eu l'impression d'une Panzer Division.

Evidemment, aujourd'hui encore et surtout, Raspail est considéré comme un écrivain visionnaire qui dit tout haut, patati patata...Dans l'ambiance actuelle, la qualité des propos et celle de l'écriture ne jouent plus qu'à la marge. Il faudrait maintenant se déterminer.

Alors, faîtes vous votre opinion et rendez vous dans 40 ans.

A l'ombre des minarets ?
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