J'avais dix-neuf ans. J'adorais conduire le long de la côte, les vitres baissées, en écoutant de la musique.
J'adorais l'odeur de ma peau quand je m'étais roulée dans le sable après avoir bu trop de sangria, sur la plage avec mes copains. Je mourais d'impatience de rencontrer le genre de gens cool et intelligents que je croyais pouvoir le trouvais à L.A. si je gagnais suffisamment d' argent pour m'y installer; excitée par le monde des adultes, et où j'allais pouvoir trouver ma place et qu'est-ce que j'allais pouvoir faire ? Tu t'en souviens, toi, à quoi ça ressemble d'avoir dix-neuf ans ?
J'imagine que c'est bien là le cycle de vie d'une muse : être découverte, se retrouver immortalisée par l'art sans être jamaise payée en retour et mourir dans l'anonymat.
D'une certaine manière, cette surexposition de mon corps m'a toujours paru l'option la plus sûre. Se mettre de soi-même à poil, ainsi personne d'autre ne pourra le faire à votre place ; ne rien cacher, afin que personne ne puisse utiliser vos secrets pour vous faire du mal.
Et pourquoi tout ce que font ces femmes, tout ce qu'elles portent et tout ce qu'elles postent, cela provoque-t-il autant de réactions ?
Je suis prête à révéler toutes mes erreurs et mes contra-dictions, pour toutes les femmes qui ne peuvent pas en faire autant, pour toutes les femmes qu'on a traitées de muses sans même connaître leur nom, dont le silence a toujours été interprété comme un consentement. Pour en arriver là où je suis, c'est sur leurs épaules que je suis montée.
Maintenant, je pense à son profil grave, à peine éclairé, et je comprends. Ce qu'elle avait dû vivre avec des hommes tels que toi pour acquérir cette sagesse que je n'avais pas encore.
Les coiffeurs sur le plateau de Gone Girl m'ont prévenue qu'il était temps d'arrêter les shootings toute nue maintenant que je n'étais plus seulement une muse et un mannequin - mais leurs conseils étaient déroutants : n'avais-je pas décroché ce rôle, du moins en partie, parce que je m'étais déshabillée pour des hommes tels que toi, Steve ?
Maintenant, je suis en colère, pas seulement par rapport à moi mais pour la « fille en Russie » et toutes les jeunes femmes et les filles qui te voient comme un dragon devant lequel elles font la queue pour être jugées comme baisables ou pas.
Je veux dire à ces filles que je ne suis pas sûre que ça vaille le coup - pas plus l'argent que l'attention obtenue.
Je mentirais si je disais que la célébrité ne va pas de pair avec des cadeaux : qui prendrait la peine de lire ce que j'écris si je n'avais pas su impressionner des hommes comme toi?
Mais la situation n'avait pas vraiment changé. J'étais toujours une jeune femme qui déposait son estime de soi entre les mains d'hommes tels que toi.
Je me demande combien de femmes tu as sous-estimées dans ta vie, passées en pertes et profits parce que tu considérais qu'elles n'avaient rien à offrir au-delà de leur apparence physique.