Je savais ce qui me restait à faire ; des mecs comme toi, j'ai dû en-impressionner toute ma vie, et me montrer heureuse du moindre signe d'attention de leur part. J'étais encore une ado mais savoir comment m'y prendre pour me faire remarquer par des gens dans ta situation, c'était déja une seconde nature chez moi.
Quand la journée était bonne, je traitais les gens de sexistes s'ils condamnaient une femme qui tirait profit de son anatomie. Quand la journée était mauvaise, je me détestais et je détestais mon corps, toutes les décisions que j'avais prises au cours de mon existence n'étaient que des erreurs flagrantes.
Surtout, à vrai dire, je savais que j'étais une personne complète et complexe, qui avait des réflexions à mener, des idées à exprimer, des choses à accomplir. J'avais si désespérément envie de leur prouver à tous qu'ils avaient tort. Le problème, c'était que je n'en avais pas encore eu l'occasion.
J'ai pensé à ce que croyait ma mère, que les espaces gardaient les souvenirs, que les murs prenaient du sens, que les maisons finissaient par nous modeler, au même titre que les gens.
Les hommes ne remarquent jamais à quel point les femmes sont calculatrices. Ils pensent que les choses se produisent "pour je ne sais quelle drôle de raison" alors que les femmes se mettent à entonner des chansons, à faire le poirier et à se lancer dans des danses élaborées pour que, justement, ces choses arrivent.
Quand j'avais vingt ans, il ne me venait pas à l'esprit que les femmes qui tiraient leur force de leur beauté dépendaient des hommes, car sans le désir des hommes, elles auraient toujours ignoré cette force. Ces hommes, c'était bel et bien eux qui avaient la maîtrise de la situation et non pas les femmes que le monde flattait servilement. Accepter la réalité de la dynamique en jeu, cela aurait signifié que je reconnaissais à quel point mon pouvoir était limité - à quel point le pouvoir de n'importe quelle femme l'est quand elle survit dans le monde, même si elle réussit, comme un objet à regarder.