L'histoire de l'Habitude représente le retour de la Liberté à la Nature, ou plutôt l'invasion du domaine de la liberté par la spontanéité naturelle.
Enfin la disposition dans laquelle consiste l'habitude et le principe qui l'engendre ne sont qu'une seule et même chose; c'est la loi primordiale et la forme la plus générale de l'être, la tendance à persévérer dans l'acte même qui constitue l'être.
La loi universelle, le caractère fondamentale de l'être, est la tendance à persister dans sa manière d'être.
Comme l'effort entre l'action et la passion, l'habitude est la commune limite, ou le terme moyen entre la volonté et la nature; et c'est un moyen terme mobile, une limite qui se déplace sans cesse, et qui s'avance par un progrès insensible d'une extrémité à l'autre.
L'Habitude est donc pour ainsi dire la différentielle infinitésimale, ou, encore, la fluxion dynamique de la Volonté à la Nature. La Nature est la limite du mouvement de décroissance de l'habitude.
Par conséquent, l'habitude peut être considérée comme une méthode, comme la seule méthode réelle, par une suite convergente infinie, pour l'approximation du rapport, réel en soi, mais incommensurable dans l'entendement, de la Nature et de la Volonté.
L'habitude, dans le sens le plus étendu, est la manière d'être générale et permanente, l'état d'une existence considérée,soit dans l'ensemble de ses éléments, soit dans la succession de ses époques.
L'habitude acquise est celle qui est la conséquence d'un changement.
Mais ce qu'on entend spécialement par l'habitude, et ce qui fait le sujet de ce travail, ce n'est pas seulement l'habitude acquise, mais l'habitude contracté, par suite d'un changement, à l'égard de ce changement même qui lui a donné naissance.
Or, si l'habitude, une fois acquise, est une manière d'être générale, permanente, et si le changement est passager, l'habitude subsiste au-delà du changement dont elle est le résultat. En outre, si elle ne se rapporte, en tant qu'elle est une habitude, et par son essence même, qu'au changement qui l'a engendrée, l'habitude subsiste pour un changement qui n'est plus et qui n'est pas encore, pour une changement possible; c'est là le signe même auquel elle doit être reconnue. Ce n'est donc pas seulement un état, mais une disposition, une vertu.
Dès le premier degré de l'existence se trouve réunis : la permanence, le changement ; et, dans le changement même, la tendance à la permanence.