AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Les lauriers sont coupés (1)

C’est aux alentours du printemps 1930 que le malheur s’invita dans la vie de Jeanne. Ce soir-là, tout en servant la soupe de lentilles, elle chercha du regard l’oeil de son mari. Elle le trouva brillant. Rouge et brillant. « Il est encore passé au café », pensa-t-elle. Cette désastreuse habitude l’excédait !
Celle-là et bien d’autres d’ailleurs.
Raymond trouva le potage aussi fade qu’un dimanche soir. Il grogna. La jeune femme lui passa la salière et s’excusa. En vain ! Il ne pardonnait jamais. Son épaisse moustache perlée de liquide chaud vibrait au rythme d’une excitation proche de la colère. Parfois il s’immobilisait, l’air absent. Ses mains tremblaient, sa lèvre inférieure frémissait. Pas un mot ne sortait de sa bouche. Et pourtant l’épouse eut aimé s’entretenir avec lui du déroulement de leur journée, de la récolte à venir dont on disait au village qu’elle serait magnifique. Du temps. Jeanne adorait parler du temps. Raymond se lançait alors dans des descriptions passionnées, déclamait des dictons paysans, récitait des anecdotes, et si l’ambiance s’y prêtait, racontait les déboires des soldats de Quatorze, embourbés dans un sale hiver. Car aux pires années de la terrible guerre, Raymond avait été fantassin, enterré plusieurs mois durant dans des
-8-
tranchées remplies de cadavres.
Mais aujourd’hui, il avait peu de choses à dire, le vieux ! À Villanove, on l’appelait le vieux !
Il ne se passa rien. Il ne se passa vraiment rien, sinon dans la gorge de Jeanne, les prémices d’une grosse anxiété ! Elle servit néanmoins le rôti de « porc boulanger », une des nombreuses recettes héritées de sa mère.
Raymond en raffolait !
Il piquait de la pointe de son couteau de larges bouts de viande, et les avalait sans même prendre la peine de les mâcher. Il termina son repas dans un silence lourd de sens, avec parfois, à l’adresse de sa femme, un regard emperlé de reproches.
Un regard noir emperlé de reproches.
− La mère Donat est au plus mal, dit Jeanne d’un air contrit.
La santé d’Adolphine Donat ne préoccupait guère Raymond. D’ailleurs, en dehors des mauvais résultats de l’équipe locale de rugby, rien ne le préoccupait jamais. Assis près de l’âtre, il bourrait tranquillement sa pipe. Les flammes orangées jetaient contre la fonte culottée des nuées de bestioles aux couleurs de l’enfer....
Commenter  J’apprécie          140




    Lecteurs (12) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Marseille, son soleil, sa mer, ses écrivains connus

    Né à Corfou, cet écrivain évoque son enfance marseillaise dans Le Livre de ma mère. Son nom ?

    Elie Cohen
    Albert Cohen
    Leonard Cohen

    10 questions
    307 lecteurs ont répondu
    Thèmes : provence , littérature régionale , marseilleCréer un quiz sur ce livre

    {* *}