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Critique de Colchik


Grisélidis Réal est décédée il y a quinze ans à Genève après avoir été une figure de la prostitution – elle se présentait volontiers comme la « catin révolutionnaire » – dans son cher quartier des Pâquis, et une militante acharnée de la reconnaissance des droits des prostitués. Son goût de la provocation et sa haine du bourgeois l'ont conduite à réclamer une place dans le cimetière des Rois où sont inhumées les notabilités de la ville pour pouvoir se délecter post-mortem de son épitaphe : Écrivaine, artiste peintre et péripatéticienne.
Affirmer que Grisélidis Réal est une pasionaria de la liberté et de l'amour (pas celui tarifé, bien sûr, mais celui qui l'a conduite sur des voies périlleuses) est une évidence quand on se penche un peu sur sa vie mouvementée. À vrai dire, ce qui m'intriguait était l'enthousiasme de certains sur la qualité de son travail littéraire. La passe imaginaire est un ouvrage constitué des lettres qu'elle a adressées pendant dix ans (1980-1991) à Jean-Luc Hennig, romancier, essayiste, journaliste dont certains écrits apparaissent très sulfureux après la déflagration de l'affaire Matzneff. La quatrième de couverture parle d'une oeuvre maîtresse de l'écrivaine qui nous révélerait ses multiples talents.
J'avoue avoir été déçue. La correspondance énumère la tâche répétitive d'une travailleuse du sexe, le gagne-pain nécessaire, en balayant de façon assez lapidaire le spectre d'une clientèle prolétarienne et frustre, sans nous cacher les trahisons d'un corps vieillissant et fatigué. L'activité militante est à peine entrevue même si les allusions à son déroulement sont récurrentes. La plume est acérée, violente, le verbe est haut, la dent est dure et la sincérité se teinte volontiers de faux-semblants. On sent une volonté de flamboyance, quitte à en faire trop. On découvre une femme prisonnière d'un rôle qu'elle se doit d'assumer jusqu'au bout, même si elle ne croit plus elle-même à son discours.
Il m'a fallu attendre les huit dernières pages du livre, la lettre du chien Gipsy-King et la déclaration troublante adressée à Jean-Luc Hennig, pour voir surgir le talent de l'écrivaine.
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