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Critique de Apoapo


Apoapo
19 septembre 2023
Quatre figures du fils se succèdent en un peu plus d'un siècle : d'Oedipe à l'Anti-Oedipe, de Narcisse à Télémaque. Beaucoup plus qu'un essai sur la fonction du père, voici une pensée sur les attentes du fils, c-à-d. sur la détresse de la jeunesse.
Massimo Recalcati est un psychanalyste italien : encore plus que je ne l'avais ressenti à la lecture de Luigi Zoja, il restitue de la psychanalyse transalpine cette saveur irrémédiablement conservatrice, voire traditionaliste, lacanienne jusqu'à la moelle, posant comme postulat incontestable le déclin du père ; la Loi de la parole (avec majuscule) est peut-être un peu structuraliste et linguistique, mais elle est d'abord et surtout nourrie de références grecques antiques et biblico-évangéliques. « Enfant, j'avais deux héros : Jésus et Télémaque » (incipit de l'Épilogue). L'Institution et les idéaux, eux aussi déclinants et regrettés, ça va sans dire, ce n'est pas l'État ou l'engagement dans la cité, mais plutôt l'Église catholique et le militantisme au Parti communiste... Parmi les références savantes, autant que les philosophes allemands, figurent les grands noms du cinéma d'auteur italien : Pasolini, Moretti, Tornatore... le vieil enfer, c'est le fascisme de Salò et sa représentation pasolinienne, le « nouvel enfer », la perversion du néocapitalisme consumériste, décrit – et là, pour le coup, je me reconnais et j'adhère parfaitement – dans les tons presque apocalyptiques de Dany-Robert Dufour.
Qu'est-ce que cette perversion ? Un fantasme de liberté sans règles ni contraintes, dans la jouissance insatiable sans désir ; la disparition de la figure paternelle dans le cadre d'une « confusion des générations ». Quels sont ses horizons ? Une métamorphose de la transgression à l'appel à la Loi, de la part d'une jeunesse en dépression, en manque de repères, précoce et privée de modèles d'adultes responsables ; un questionnement assez élaboré sur la notion d'héritage, qui peut échouer « par la droite », en assimilant un tel héritage à la pure répétition de ce qui a déjà été, ainsi que « par la gauche », en rompant tout lien avec le passé, en rejetant la mémoire, en effaçant la dette symbolique inhérente à la filiation, dans un « fantasme d'auto-engendrement ».
Des opinions tout aussi « modérées » et de « bon père de famille » sont également exprimées sur le travail, la non-exemplarité des hommes politiques, les écrans et autres objets technologiques, la sexualité et la violence féminicide...
En somme, ce qui est le plus original dans ce livre, c'est l'idée contenue dans le titre. Une bonne réflexion sur les pages homériques relatives à Télémaque et Ulysse fera parfaitement l'affaire !
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