Dany-Robert Dufour vous présente son ouvrage "
Le Dr. Mabuse et ses doubles ou L'art d'abuser autrui : essai" aux éditions
Actes Sud. Entretien avec
Jean Petaux.
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le-dr-mabuse-et-ses-doubles-ou-l-art-d-abuser-autrui-essai
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On a bien sûr le droit de reprocher à autrui des gestes ou des actes inappropriés, cela nécessite en revanche un cadre argumenté, rationnel, symbolisé. Or, nous assistons à un déferlement passionnel et pulsionnel généralisé. Chacun a sa petite ligue, qui attaque et dénonce. C'est très préoccupant.
L'homme n'est pas une femme, le parent n'est pas l'enfant, l'être humain n'est pas l'animal...

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Si Marx avait lu Sade, il n'aurait pas commis une lourde faute : ne pas avoir vu que toute l'économie est aussi une affaire passionnelle et pulsionnelle. Si Marx avait lu Sade, le monde en aurait été changé. Nous aurions évité la création de monstres froids que furent les économies socialistes tenant pour suspecte toute passion, sauf celle pour le chef. Nous n'aurions pas eu cette division hautement dommageable entre Marx d'un côté pour l'économie des biens et Freud de l'autre pour l'économie libidinale - scission fautive dès le départ qu'aucun freudo-marxisme, fût-ce celui de l'école de Francfort, n'a jamais pu régler. Si Marx avait lu Sade, nous aurions pu disposer d'une économie générale des passions. Le monde aurait pu se réformer autrement. Nous aurions évité la captation et le fourvoiement des esprits rétifs à la théodicée smithienne dans ces fausses alternatives au capitalisme que furent les économies socialistes, qui ne pouvaient conduire qu'au plus lamentable des fiascos.
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Cela[*] rappelle très étrangement certains discours contemporains où, pendant que le riche gagne en une semaine ce que le pauvre - éventuellement salarié dans l'entreprise que dirige ou possède le riche - gagne pendant tout une vie, le pauvre est instamment prié de se modérer. Et où, après que le riche a instamment demandé et largement profité de la privatisation des gains, le pauvre est appelé à ne pas se donner une injuste préférence en participant généreusement, comme toute la population, à l'épongeage des dettes par la socialisation massive des pertes.
[*L'auteur se réfère à l'une des nombreuses lignes - souvent négligées par les théoriciens successifs de l'économie libérale - rédigées par le philosophe et économiste Adam Smith, considéré comme le grand "fondateur" de la pensée libérale, et citée dans la note précédente, laquelle débute comme suit : «Le pauvre ne doit jamais ni voler, ni tromper le riche, etc.]
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De ce programme libéral/libertin nous avons profité. Pour le meilleur et pour le pire. Sachant que le meilleur nous l'avons probablement déjà consommé. Pour le reste, Sade nous aura assez prévenus que la satisfaction pulsionnelle entraînait la destruction.
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Sade avait vu juste, c'est probablement pourquoi il fallait l'enfermer : les sociétés qui ont placé "l'amor sui" au poste de commande ne peuvent devenir que pornographiques(*).
(*) Note de l'auteur : Dans une passionnante étude, Pierre Klossovski note à juste titre que, dans ces châteaux-usines sadiens, «le principe de la production à outrance exige une consommation à outrance». Klossovski montre dans ce texte comment Sade anticipe sur la «mercantilisation moderne de l'émotion voluptueuse» telle qu'elle se pratiquera lorsque «l'exploitation industrielle deviendra capable de standardiser la suggestion (c'est à dire la fabrication du simulacre) à bas prix».
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[Blaise] Pascal fut le premier des pervers puritains. il le fut avec un génie tragique hors du commun. Tous ses successeurs n'auront pas son talent, loin s'en faut. Il fut l'inventeur et de la science et la technique modernes. L'écrivain ironique fouillant au scalpel l'âme humaine prise entre l'amour de Dieu et l'amour de soi. Le philosophe à l'origine du grand renversement de la métaphysique occidentale. Et l'explorateur d'un nouvel ordre, «admirable», fondé sur la concupiscence, qui allait bientôt s'imposer au monde : le capitalisme.
Nul doute que la grâce, il l'avait.
"Aujourd'hui, nous en sommes à un nouveau contrat qui aligne d'un côté l'hyperbourgeoisie et, de l'autre, non plus le producteur mais le consommateur prolétarisé. Et ce que l'hyperbourgeoisie signifie alors, ce n'est plus "Travaille pendant que je m'occupe des arts", c'est : "Consomme et regarde bien comment, moi, je jouis. Et tâche donc d'en faire autant, dans la mesure de tes moyens !" " (p. 36)
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Un siècle plus tôt, l'époque misait encore sur "l'amor Dei". Puis, elle s'est lancée, non sans angoisses, vers "l'amor sui". Sade sera celui qui aura accompli le mouvement en campant résolument du côté de "l'amor sui". Il en fallait bien un, ce sera lui : il tirera sans frémir les conclusions logiques qui s'imposent, si monstrueuses soient-elles. Il assumera entièrement les prophéties imprécatoires formulées quatorze siècles plus tôt par Augustin à l'encontre de "l'amor sui" : "l'amor sui" subordonnera le bien commun à son propre pouvoir en vue d'une domination arrogante ; "l'amor sui" sera rival de Dieu ; "l'amor sui" exigera tout pour lui ; "l'amor sui" voudra soumettre autrui pour son propre intérêt.
[toutes les locutions latines entre guillemets ici sont en italique dans le texte original]
Si vous cherchez de la reconnaissance et de la fidélité, évitez la politique et achetez-vous un chien (Winston Churchill)