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Critique de PhilippeCastellain


Il plane sur Henri de Régner un ennui doux et poli, nourri de sa propre nonchalance. L'homme est un rêveur. Il vit au milieu des songes et des chimères, sachant combien peu de gens autours de lui partagent les mêmes passions, conscient que son monde court sur sa fin et que bientôt, ces derniers passionnés de l'art du grand siècle auront cédé leur place à la modernité. Mais ce serait déjà abdiquer que de se lamenter là-dessus, ou de tenter d'y changer quoi que ce soit ! Et ces trois histoires, toutes écrites à la première personne mais sinon assez différente, illustrent chacune à leur façon cette vision du monde.

Premier tableau. le narrateur est un homme solitaire et à la santé chancelante. Pour se rétablir, il se réfugie dans la ville qu'il aime plus que tout : Venise… Il trouve à se loger dans un ancien palais presque abandonné, dont quelques pièces seules ont gardé la splendeur intact. Dans ce cadre magnifique et miraculeusement préservé, il s'adonne à de longues rêveries. Un évènement les excite : au musée de Venise, le buste d'un noble inconnu arrivé dans les collections on ne sait trop comment, en est reparti tout aussi mystérieusement. le visage de pierre ironique commence à le hanter…

Deuxième tableau. Cette fois, le récit est celui d'un historien affairé. Ses tentatives de retracer la vie d'une belle comtesse du XVIIème se heurtent à un mur. Dans le parc du château où elle vécut, un pavillon regroupe son seul portrait et tout ce qu'elle avait aimé. Mais le petit pavillon a été tenu fermé depuis et son dernier descendant maintient obstinément l'interdit…

Troisième et dernier tableau. Cette fois, nous avons affaire à un homme marié, et guère heureux dans son ménage – une pointe à son épouse, la fille du poète Heredia, dirait-on. Elle n'apprécie notamment pas son goût dispendieux pour les objets d'art ancien. Quand, pris d'une soudaine obsession, il fait l'achat pour un prix indécent d'un petit théâtre de marionnettes vénitien – encore Venise – elle explose littéralement. Mais ces petits bonshommes de bois semblent étonnamment vivants…

En 1665, Francesco Mocchi réalisa une statue du baptême du Christ qui montre à quoi aurait pu ressembler la statuaire classique si son grand rivale, le Bernin, n'y avait pas imprimé sa marque indélébile. Là c'est un peu pareil : on découvre ce qu'aurait pu être la littérature fantastique sans Edgar Poe. Quelque chose de dépouillé, d'un peu froid et d'élégant, sans chauves-souris ni gorilles tueurs, et se terminant invariablement sur une note haute.
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