Elle avait des seins hésitants et conjecturaux; son cul était en revanche un fait accompli et, en mouvement, irréfutable.
Comme les adolescents, les vieux se retrouvent brusquement enfermés dans un corps différent et inconnu, dans lequel ils se sentent maladroits et qui les fait se cogner aux meubles; ils souffrent d'altérations du caractère et d'un intérêt trouble (et souvent compulsif) pour le sexe, méprisent les adultes (leurs parents ou leurs enfants) et ressentent autant de curiosité que de peur envers ce qu'il y a devant eux. Le début et la fin de la vie adulte se ressemblent, mais déformés, comme s'ils se moquaient l'un de l'autre.
On éduque les enfants pour qu’ils ne s’approchent pas de tout ce qu’ils peuvent casser: comment, adultes, n’allons-nous pas avoir peur de l’amour?
[Alejandro, à propos de son couple après 20 ans de mariage:]
Pourquoi l'amour était-il toujours aussi déplacé, se demandait Alejandro. Il entrait dans l'équation quand on en avait le moins besoin. Nous étions si heureux, se disait-il. Nous serions si heureux, sans cet amour qui est en train de nous séparer, ce besoin que ce qu'il y a entre nous soit de l'amour.
Toutes ces années à être unis par le plaisir, par la conversation, par la compagnie. La seule chose qui s'immisçait entre eux comme un coin de bûcheron était l'amour, ce visiteur gênant qui débarquait à point d'heure, alors qu'ils étaient en pyjama sur le point d'aller se coucher, sans rien à offrir au nouveau-venu, sauf les restes du dîner, de la viande froide, l'eau du robinet, l'intérêt, le confort, l'habitude; mais l'amour, comme tout visiteur qui surgit sans être attendu, se contente d'un rien.
Souvent Alejandro se le demandait: s'ils n'avaient pas besoin de s'aimer, ne vivraient-ils pas plus heureux?
Il n'y a pas de mystère plus grand que le fait que personne ne soit content de son corps, pas même les plus belles créatures ailées, alors que tout le monde s'estime satisfait de son esprit, se considère intelligent et en possession de qualités morales (...). Tout le monde reconnaît ses défauts physiques. Et quand il n'en a pas, il s'en invente. Mais y a-t-il quelqu'un capable de voir sa cellulite morale, sa culotte de cheval éthique, l'obésité de son intelligence ou les bourrelets de son âme ?
Il n'y a pas de mystère plus grand que le fait que personne ne soit content de son corps, pas même les plus belles créatures ailées, alors que tout le monde s'estime satisfait de son esprit, se considère intelligent et en possession de qualités morales, y compris le violeur assassin qui jouait aux échecs en prison avec Alejandro Urrutia. Tout le monde reconnaît ses défauts physiques. Et quand il n'en a pas, il s'en invente. Mais y a-t-il quelqu'un qui soit capable de voir sa cellulite morale, sa culotte de cheval éthique, l'obésité de son intelligence ou les bourrelets de son âme? A l'intérieur, nous sommes tous nous-mêmes; mais notre corps, au contraire, nous paraît toujours étranger, construit par le regard des autres, par le désir des autres, par le jugement que d'autres nous imposent.
- Tu crois que les gens veulent vraiment l'égalité ?
- Non, pas en ce moment. On lutte tous pour défendre nos privilèges. On ne les considère même pas comme des privilèges, mais comme une chose qui nous est due.
Lui (un personnage écrivain), Muñoz Molina, Javier Marías et un ou deux autres sont indiscutables : l'Académie les attend, ainsi que les prix et la gloire (dont ils diront que cela n'a jamais été leur ambition).
Les couples d’amis étaient devenus quelqu’un au début des années 80, ils s’étaient rangés (…) et ils avaient l’impression de faire partie de quelque chose de plus grand qu’eux, du cours de l’histoire, du courant qui façonnait l’avenir. »
On éduque les enfants pour qu'ils ne s'approchent pas de tout ce qu''ils peuvent casser : comment, adultes, n'allons-nous pas avoir peur de l'Amour?