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Critique de topocl


topocl
17 septembre 2014
Je précise tout de suite que je fais un commentaire bien que je n'aie pas fini le livre .

Un écrivain parisien parle .
On va tout savoir. Il s'appelle Eric Reinhardt, il a écrit : Demi-sommeil, le moral des ménages, et Existence, dont il a eu des critiques élogieuses dans le Monde, Elle , etc., que, quand elles sont élogieuses, il affiche sur ses murs. Il écoute aussi les émissions de radio qui en parlent, dont l'une (dont il nous retranscrit l'intégralité), pas élogieuse du tout, mais suffisamment habilement « écrite » pour qu 'on comprenne que tous ces animateurs de France Culture sont des gros connards. Il travaille dans une mansarde de 12 m2, mais le plus souvent au café Nemours où il commande des cafés serrés et drague vaguement des clientes. Il a deux enfants, Leonardo et Donatien, qui partagent le délicieux rituel du petit déjeuner familial. Il a une femme formidable qui s'appelle Margot qui, tel le prince pour Cendrillon, l'a sorti du bourbier pour en faire un homme qui, certes, reste un pauvre type désespéré, mais s'épanouit chaque automne, où il croit retrouver une certaine plénitude.
C'est narcissique à souhait, mais comme bien souvent ces hommes déchirés où côtoient l'infantile et le désespoir, sont plutôt touchant (quoique sans doute impossibles à vivre).

À côté de ce récit, deux histoires parallèles, des productions de l'écrivain suppose-t'on, des images transformées de lui-même (ou de ce à quoi il a échappé?) suppose-t'on aussi, deux hommes falots (comme lui?) incapables de s'affirmer, professionnellement en perpétuel échec, face à leurs femmes tendrement exaspérées. Leur incapacité au monde a marqué définitivement son empreinte sur leurs fils dont on va ensuite suivre les parcours dissemblables.

Donc c'est assez formidablement écrit, plein d'idées ingénieuses, de digressions surprenantes. J'ai souvent été assez admirative, amusée, voire emportée, mais aussi souvent lassée, voire exaspérée face a cette logorrhée créative qui frise parfois le pédant. On a l'impression qu' Éric Reinhardt a participé à un atelier d'écriture où le maître disait : donnez-vous à fond, allez-y au maximum et même plus, rajoutez-en, montrez votre génie, plus il y en a mieux c'est, et surtout ne coupez rien ! On a l'impression que Reinhardt nous dit : regardez comme j'en rajoute,comme je suis un écrivain inventif, qui ne recule devant rien, aucune hyperbole, comme je me roule dans la médiocrité des autres (entre autre) pour en faire mon écrit quotidien le plus brillant.

Reinhardt ne limite donc ni l'incontinence verbale, ni les redondances volontaires, ni tout un panel de figures de style répétitivement appliquées (phrases nominales enchaînées, allitérations, anaphores, accumulations), ni les pages, les pages, les pages qui courent imbues de leur propre qualité mais n'apportent rien l'une à l'autre.

Ah ! Il y met de l'ironie et un humour alternativement pince-sans rire ou carrément basique, mais avec un tel sérieux... C'est brillant, brillantissime, parfois, mais, même si je me dis que cela cache la faille, (ou la béance ?) j'en arrive vite à trouver que cela s'exhibe de façon hystérique. Tout cela est troublant ! oui, c'est vraiment troublant, ce mélange d'humilité et de suffisance, de désarroi et de légèreté, cette accumulation multiple, déchaînée qui, en tout cas, ne peut laisser indifférent.

J'en étais là dans ma lecture et mes réflexions, j'avançais avec l'intention d'aller jusqu'au bout, dans une certaine curiosité qui se partageait entre les personnages du livre et le personnage de l'auteur. Et puis, d'un coup, page 275, j'ai été submergée. Après 10 pages de description du Palais-Royal puis 10 pages d'un dialogue ininterrompu, merveilleusement rendu mais parfaitement inintéressant, j'en ai eu marre, j'ai saturé. Je me suis dit que si ça se trouve, les 300 pages qui me restaient à lire pouvaient n'être que la continuation de ce dialogue, pourquoi pas, encore une trouvaille provocatrice de Reinhardt ? D'un coup, le destin Laurent Dahl et d'Éric Reinardt m'indifférait complètement et je me suis dit que le génie, même torturé, est vain quand il m'ennuie

J'ai fermé le livre. J'ai repris la citation ci-dessous, que j'avais noté page 103, qui montre qu'Eric Reinhardt partage sans doute avec moi un questionnement sur lui-même : est-ce de l'arrogance ou de la sincérité ? Les deux sans doute , beaucoup de questions n'ayant pas de réponse dans la vie.


" - Regarde ! Lis ces phrases ! du brio ! de l'invention ! Une verve authentique ! Des trouvailles ! de l'humour ! Il parle d'une satire survitaminée ! Et drolatique ! Il écrit que ton livre est drolatique ! Et qu'il est brillant ! Il déplore à chaque ligne que tu brilles ! - Et le truc du marionnettiste trop malin ? - Tu vas pas te plaindre qu'il te trouve malin ! - Et formidablement satisfait ! C'est aimable comme observation ? Marionnettiste formidablement satisfait ? - Mais il souffre ! Tu le surprends en pleine souffrance de gourmet littéraire ! Je crois qu'elle est drôle son existence de gourmet littéraire ? Comment veux-tu qu'il accepte que tu prennes du plaisir ? Mais c'est immoral ! Elle est immorale, ta vie, pour la plupart des gens, c'est immoral ce qu'on vit ! Et en plus les provoques, tu les cherches, tu t'amuses en écrivant ! Tu claques les mots et les trouvailles comme d'autres claqueraient du fric et sortiraient leur carte Gold !"
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