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Critique de jucoq


Depuis quelques temps déjà, Eric Reinhardt ausculte la vie des couples confrontés à un événement difficile qui remet en question le quotidien et la routine patiemment construite. C'était ainsi Nicolas face au cancer de sa femme Mathilde dans "La Chambre des époux", roman en partie autobiographique ; ou encore Bénédicte Ombredanne confronté à un mari violent psychologiquement dans "L'Amour et les forêts", récemment porté à l'écran de façon convaincante par Valérie Donzelli. Ici, dans Sarah, Susanne et l'écrivain, Eric Reinhardt prend un certain plaisir à utiliser les tropismes de quelques-uns de ces précédents livres.

Notre héroïne s'appelle Sarah, ou alors Susanne, on ne sait plus bien. L'auteur prend le pari de dédoubler son intrigue. D'un côté celle de Sarah, qui serait vraie et aurait valeur de témoignage, mère de deux enfants venue trouver l'écrivain pour conter son incroyable destin. de l'autre, celle de Susanne, histoire romancée de la vie de Sarah (« Vous m'aviez prévenue, il y aurait des variations, vous inventeriez des scènes et des péripéties, Susanne ne serait pas Sarah mais une sorte de double ou de soeur jumelle. Une héroïne à la Janus bifrons : d'un côté de sa tête, mon visage, de l'autre, celui de Susanne. »). Au début du roman, Susanne découvre qu'elle a un cancer. Entièrement remise de sa maladie, elle ne peut s'empêcher de se poser des questions sur le sens à donner à sa vie, et sur la relation qu'elle entretien avec son mari, bien que parfaitement heureuse dans son couple. Ne supportant plus les fréquents séjours de son mari à la cave, et découvrant qu'elle ne possède qu'un quart de la maison familiale, Susanne décide d'aller vivre ailleurs pour quelques temps afin de faire réagir son mari.

Histoire en elle-même passionnante (la descente aux enfers d'une femme persuadée que sa décision va conduire à un heureux dénouement), la réflexion autour du dédoublement de l'héroïne Sarah/Susanne ne m'a que moyennement convaincus, tant le procédé semble ici artificiel. le dialogue entre Sarah et l'écrivain peut paraît redondant, et l'exercice de style type khâgne n'apporte finalement que peu de profondeur à ce qui est raconté (libre à chacun de s'interroger, lorsqu'il lit un roman, sur la part du réel). On s'interroge également sur la dichotomie réalisée par l'écrivain : la femme semble pure, et le mari représentant le mal. Mais au fur et à mesure de l'avancement de l'intrigue, l'absence de révolte de Sarah/Susanne face à une situation intenable questionne : sans avoir besoin de relire La Boétie, c'est ici la servitude volontaire qui est mise en avant. Sarah/Susanne accepte passivement sa situation, nous conduisant à éprouver moins d'empathie pour l'héroïne. Si le roman convainc en partie, c'est avant tout par la si belle langue d'Eric Reinhardt, toujours là, aux phrases classiques sculptées précisément.
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