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Critique de Presence


Ce tome fait suite à DEADLY CLASS Tome 3 (épisodes 12 à 16). Il faut avoir commencé la série par le premier épisode pour espérer comprendre quelque chose aux enjeux et aux liens qui unissent les personnages. Il comprend les épisodes 17 à 21, initialement parus en 2016, écrits par Rick Remender, dessinés et encrés par Wes Craig, et mis en couleurs par Jordan Boyd.

À la fin du tome précédent, Maître Lin a annoncé que l'examen de fin première année est d'exterminer les rats, c'est-à-dire les étudiants ayant reçu un carton les désignant comme tel. Marcus Lopez-Arguello fait partie des rats. Il court dans les couloirs avec ses poursuivants sur les talons, et il y a déjà de nombreux cadavres dans les parties communes. Un assaillant se rapproche et va pour le frapper pour venger Alma del Diablo, Chico et Maria. Marcus tue son assaillant en lui tirant dessus à bout portant, sans rien ressentir. Il recommence à courir, mais il est cette fois-ci rejoint par un groupe d'une demi-douzaine d'étudiantes en rollers et en tenue de pom-pom girls. Petra l'aide à se relever et ils parviennent à fuir et à se réfugier dans un placard à balais. Dans une autre partie de l'établissement, Viktor massacre Mike Ratner, un rat, à grands coups de coup de poing américain. Shabnam est présent sur les lieux : il demande à bénéficier d'un demi-point pour avoir dénoncé Ratner, et il propose une alliance à Viktor. Il lui fournit des armes à feu, et il lui assure pouvoir lui dire où se trouve leur ennemi nicaraguayen : Marcus Lopez-Arguello.

Marcus et Petra sont toujours dans le local à ménage : Marcus a cassé un manche de balais en deux pour s'en servir comme arme, Petra est en train de mélanger des produits de nettoyage. le quarterback Durp Flumpdunger fonce sur la porte en tenue de footballeur américain, mais Marcus l'ouvre juste avant l'impact et il termine le visage dans l'évier, brûlé par les produits chimiques. Petra balance le bidon du mélange de produits sur les Pom-pom girls, et Marcus et elles font une sortie pour s'enfuir. Dans une autre partie de l'établissement, Stephen est également poursuivi en tant que rat et il est sauvé par Kendal qui, lui, n'est pas un rat. Kendal l'embrasse sur la bouche et lui dit de fuir, pendant qu'il s'occupe de ses poursuivants avec une hache. Shabnam continue de recruter : cette fois-ci Dan, un autre adolescent avec un arc, un ami de Lex. Dans un autre couloir, Kyle est à califourchon sur Jess en train de la poignarder : Billy éclate la tête de Kyle avec un grand coup d'extincteur. Saya et Billie font irruption dans la pièce et sauvent Billy de Jess. En sortant dans un autre couloir, le trio croise Marcus & Petra qui proposent également à Billy de venir avec eux, ce qu'il fait.

Dans le tome précédent, les créateurs avaient montré au lecteur que leur narration ne se cantonnait pas à un registre réaliste, mais qu'ils mettaient à profit le principe d'une école d'assassin pour passer dans un registre éloigné de toute plausibilité, pour mieux exploiter le potentiel métaphorique de leur histoire. Il en va de même dans ce tome. L'examen de passage constitue un ordre de massacre au sein de la promotion et les élèves mettent du coeur à l'ouvrage, autant les rats pour survivre, que les chasseurs pour mettre en oeuvre ce qu'ils ont appris en cours, dans ces travaux pratiques grandeur nature. le scénariste pousse jusqu'à l'extrême (jusqu'à l'absurde) le concept de cette école : seuls les assassins les plus émérites doivent survivre, morts aux autres. Il est difficile d'imaginer un ou des parents inscrivant leur enfant dans ce type d'établissement avec une forte probabilité qu'il n'en sorte pas vivant, et ce dès l'issue de la première année. L'entrain de Wes Craig passe au niveau de la fougue pour les différents affrontements. le carnage dans les couloirs de l'école fait peur à voir : des cases de biais pour rendre compte de la rapidité des mouvements, de la force des coups, des combattants déstabilisés. Des tâches de sang appliquées avec soin et retenue, sans qu'il n'y en ait partout dans des quantités impossibles, ce qui les rend plus plausibles. Des coups d'une extrême violence, souvent à bout portant : balle tirée en plein visage à 50 centimètres de distance avec le recul de la tête sous li'mpact, succession de coups portés au visage avec un coup de poing américain dans une suite de cases de petite taille, pour montrer la rapidité et le nombre. Visage rongé par l'acide avec victime en train de hurler de douleur, coup de hache en plein front, poignard enfoncé dans l'oeil, crâne éclaté par un extincteur… et tout ça rien que dans le premier épisode.

Comme dans les tomes précédents, il est facile pour le lecteur de se laisser porter par les dialogues et les flux de pensée, avec quelques commentaires du narrateur omniscient, au point de ne pas prêter attention à la narration visuelle. le lecteur retrouve les cases sans bordures encrées, ainsi que le goût du dessinateur pour les visages en gros plan, et l'utilisation avec modération des arrière-plans vides pour focaliser l'attention sur les personnages. Il note que Jordan Boyd réalise une mise en couleur toujours impeccable : majoritairement des aplats de couleurs sans dégradés, un nombre de teintes limitées par séquence pour leur donner une identité chromatique, quelques changements de palettes (plus vives quand Marcus fume une cigarette qui fait rire augmentée au PCP, en lavis pour deux séquences de souvenirs). Avec la troisième page, le lecteur sourit en voyant arriver les pom-pom girls sur leurs rollers et en jupette. Il retrouve des touches d'humour visuel discrètes de temps à autre : l'étudiante en minishort avec une chemise à carreau en train de faire une bulle bien rose avec son chewing-gum, la tête du vendeur de Tower Records quand un client achète un disque qu'il juge minable, la tête de Viktor qui n'arrive pas à bander, l'exagération des lambeaux de nuage tourbillonnant au-dessus de Saya Kuroki alors qu'elle s'élance avec son katana brandi, etc. Wes Craig réalise des dessins nuancés pour les moments intimistes : Shabnam souriant quand Kelly Grogda lui prend la main affectueusement, Shabnam savourant une barre chocolatée, un puceau touchant la poitrine d'une fille, un adolescent subissant le rejet d'un groupe en soirée, un moment de sérénité à regarder des cygnes sur un lac.

Comme à son habitude pour cette série, Rick Remender écrit de manière dense, avec une prépondérance de l'action du fait de cet examen final, sans oublier l'évocation en creux de la fin de ces années 1980, ni ses personnages. À plusieurs reprises, la complicité entre artiste et scénariste saute aux yeux du lecteur : il est évident que Remender connaît les points forts de Craig et que ce dernier comprend parfaitement la tonalité de chaque scène. Outre les exemples déjà cités, le lecteur n'est pas près d'oublier Saya Kuroki avec son teeshirt de Punisher bondissant katana brandi dans une contreplongée dans l'épisode 2, ou simplement deux yeux dans un bocal. Il note en passant les rapides références ponctuelles aux années 1980 : ce teeshirt du Punisher, une discussion sur la valeur artistique du groupe The B-52's, les magasins Tower Records et dans un autre registre celle à Sa Majesté des Mouches (1954) de William Golding, la blague sur les chemises rouges (Redshirt dans Star Trek). L'examen final sous forme d'exécution des rats aurait pu constituer une copieuse intrigue à lui seul, mais il prend une toute autre dimension grâce à l'épaisseur et la complexité des personnages.

À plusieurs reprises, le lecteur ressent l'intensité des dialogues, les émotions du scénariste transparaissant au point qu'il acquiert la certitude qu'il y a une part d'autobiographie dedans. Au cours de l'épisode 21, Willie Lewis et Marcus Lopez-Arguello ont une longue discussion (6 pages) au cours de laquelle le premier indique qu'il va se suicider (canon sous le menton pendant tout le temps), et l'autre fait tout pour l'en dissuader. Évidemment, il s'agit d'une scène dramatisée, intégrée au cours de la chasse à l'homme, mais dans le même temps l'honnêteté et la candeur des propos convainc le lecteur que l'auteur s'est déjà retrouvé dans une situation similaire (la chasse à l'homme en moins). Il perçoit comment les conventions de genre du récit (récit d'adolescence + école d'assassin + violence débridée) permettent de faire ressortir des composantes ordinaires de la vie. Avec ce dispositif narratif, le lecteur voit s'exprimer la cruauté de l'homophobie de principe, la violence de la vie grâce à une métaphore à base de tapis roulant (un tapis roulant qui avale des trucs vivants et qui recrachent des os), les comportements des parents traumatisant les enfants (et définissant ainsi une partie de leur vie), la force des principes (Viktor mène sa vie sur le principe de suivre les règles et de s'entraîner plus), la dynamique d'un comportement social (un groupe créant du lien entre ses membres en excluant tous le même individu), l'horreur de la désensibilisation par absence d'empathie (Petra regardant Willy dans les yeux pour s'assurer qu'il est bien en train de passer de vie à trépas, un autre indiquant que c'est la première fois qu'i ne ressent rien en tuant quelqu'un).

Ce quatrième tome tient toutes les promesses faites dans les précédents : une intrigue haletante, un carnage de grande ampleur entre les élèves pour l'examen de fin d'année, des adolescents avec des comportements à risque, une narration visuelle inventive sèche et intense, des adolescents se démenant pour sortir du cadre dans lequel leur histoire personnelle les a placés, des combats brutaux et violents, des adolescents fougueux et téméraires.
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