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Critique de Tricape


Retrouver dans un exemplaire déjà vieux d'un demi-siècle des marques de son propre passé, déchiffrer des commentaires que l'on a soi-même griffonnés dans la marge, surprendre des passages que l'on a soulignés, tenter de remettre les pas dans les pas de sa raison ou de son humeur, être surpris que les traces laissées comme autant d'indicateurs ne conduisent plus nécessairement à la même conclusion, redécouvrir une réflexion faite par un autre moi --celui précisément de sa jeunesse-- c'est tout le charme et l'intérêt qu'offre la relecture d'un livre ressorti d'une caisse de Livres de Poche ayant survécu à de nombreux déménagements.

Les Souvenirs d'enfance et de jeunesse d'Ernest Renan sont une compilation de plusieurs articles parus dans le Revue des Deux Mondes entre 1876 et 1882 quand l'auteur avait passé la cinquantaine. le premier article rapporte une histoire qui aurait pu être écrite par Maupassant : une jeune femme s'éprend du vicaire de son village ; lui feint ne pas s'en être aperçu ; vous lirez la suite. le deuxième article rapporte la violence de l'émotion ressentie par le jeune Ernest devant l'Acropole et dresse le portrait de divers personnages de sa famille dans le cadre de sa Bretagne natale. Cette première partie de l'ouvrage est d'une lecture agréable mais au contenu hétéroclite.

Les quatre derniers chapitres constituent un ensemble beaucoup plus cohérent. Ils décrivent le parcours d'Ernest Renan au travers de trois séminaires jusqu'à ce qu'il renonce au sous-diaconat qui l'eût engagé dans les ordres sacrés. Il s'agit donc d'une explication donnée à ses contemporains sur "certaines nuances de sa pensée". Ainsi, issu du Trégor et de ses traditions chrétiennes ancrées depuis des siècles, il décrit la "lutte sombre, pleine de raisonnements et d'âpre scolastique" qu'il mena au nom de la raison et de la liberté de penser pour s'affranchir de la doctrine enseignée par l'éveil de la conscience et la recherche de la vérité. On peut simplifier ce combat en considérant (comme le fait Renan lui-même) que sa foi a été détruite par la critique historique.

Oserais-je rapprocher le parcours de Renan de celui décrit par Shulem Deen dans "Celui qui va vers elle ne revient pas" ? La même forte influence du milieu de l'enfance sur l'enracinement dans la religion prédominante, la même démarche de questionnement sur les convictions ainsi acquises par infusion, le même choc de la confrontation à un tout autre monde que celui de son adolescence, le même besoin d'expliquer à ses contemporains qui traitent de renégat celui dont le parcours spirituel ne peut pas être taxé d'avoir été subi.

Du point de vue du consentement ou non à la religion de son enfance, les souvenirs de Renan gardent, tout leur intérêt et pourraient, aujourd'hui encore, être transposés sous d'autres cieux.
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