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Critique de Woland


A Guilty Thing Surprised
Traduction : Marie-Louise Navarro

ISBN : 9782702491003

Je vous l'ai déjà radoté je ne sais combien de fois depuis environ deux mois : les livres arrivent chez moi par charretées entières. Ou, plus précisément, ils réintègrent le bercail - qui a un peu changé car, du temps de leur départ, il se trouvait à Noisy-le-Grand, en région parisienne, alors que, désormais, il se situe à Brest, dans le Finistère - mais, un peu dépaysés peut-être au début (- "Tiens, tu as vu, les étagères que MDV avait achetées un an avant la naissance de sa fille aînée tiennent toujours ! Incroyable - Elles doivent bien avoir trente ans, maintenant ? ... - Oh ! Pas loin ! ... - Toujours autant de désordre et de bohème, ici ! Ca ne change pas ! Et cette poussière ! Ah ! On respire enfin ! - Et on est toujours si bien accueillis ! - Ah ! ca fait du bien de se retrouver chez soi ! - Eh ! bien, moi, mesdames, j'ai déjà vécu à Brest avec MDV ! ... - Non ? Mais vous êtres une véritable antiquité, mon cher ! ... - Pensez-vous qu'elle nous trouvera une place à tous ? ... C'est que nous amenons avec nous pas mal de petits nouveaux ... - MDV trouve toujours ! En tous cas pour nous, les livres ... Et patati, et patata ...") Bref, ça bruisse de partout, c'est rangé n'importe comment (quand vous dépassez un certain nombre de livres, de toutes façons, à moins de posséder une vénérable bibliothèque dans le plus vaste des châteaux, c'est impossible d'obtenir un minimum d'ordre - à peine trois ou quatre livres se rangent-ils sagement par ordre alphabétique avant de retourner à leur joyeuse anarchie), ça prend ses aises et ça se pousse sournoisement de la tranche pour que je relise celui-ci avant celui-là.

Je suis donc tombée sur Rendell et "Et Tout Ca En Famille", l'une des première aventures de l'Inspecteur Wexford. Ma chère mère avait détesté : vous comprendrez donc que ce livre m'est doublement - qu'écris-je ! triplement, quadruplement - cher !

Avec l'inspecteur Wexford, il est rare que l'action se situe à Londres ou dans une grande ville. Non, Wexford et son collaborateur, l'ineffable inspecteur Mike Burden, c'est du local, du rural pur sang. du rural assez cossu, tout vert, que Wexford vénère parce qu'il allège probablement beaucoup du stress de son métier, et pourtant, Dieu sait s'il s'en commet, de belles, à Kingsmarkham ! Ainsi, le roman "Et Tout Ca En Famille !" met en scène une famille de riches citadins embanlieusés, Quentin Nightingale et sa femme, l'éblouissante, l'incomparable Elizabeth, au parler doux et à la distinction si incroyable qu'elle semble forcée. Dans un coin de leur superbe propriété - Nightingale est très, très riche - ce couple modèle a mis à disposition du frère d'Elizabeth, Denys Villiers, grognon, ronchon, peu aimable, professeur au collège du coin pour des raisons alimentaires mais en réalité membre de l'Aristocratie hautaine des Biographes (particulièrement des lakistes), un adorable pavillon où il a emménagé plus ou moins en traînant les pieds et pour ainsi dire sans remercier, avec à son bras son épouse Georgina, laquelle ne paie pas de mine, a une tendance certaine à s'habiller comme l'as de pique et à se mettre régulièrement en froid avec sa belle-soeur mais qui, nul ne se risquerait à le nier, adore à la folie son beau et romantique époux.

Ah ! oui, n'oublions pas la fille au pair, une Hollandaise qui vit à cent à l'heure la révolution sexuelle de ces années heureuses, Katje (ce qui, prononcé à l'anglaise, donne à peu près "catcher" ), Mrs Cantrip, l'impeccable et digne gouvernante dont pas un seul cheveu ne dépasse du chignon, ce grossier hurlurberlu de Sean Lovell que Mrs Nightingale, toujours si bonne, a le tort d'encourager à s'imaginer un bel avenir de chanteur "pop" et puis, silhouette puissamment dessinée qu'on verrait admirablement interprétée par Christopher Fry dans ses meilleurs jours (et ceci bien que le personnage ne soit pas homosexuel), James Marriott, l'un des collègues De Villiers et l'une des gloires locales en raison de son entregent, de son bonne humeur et de sa disposition à offrir des fêtes gratinées à qui aime bien s'amuser - attention ! gratinées mais de bon ton, si les deux peuvent se conjuguer.

Comment se fait-il donc que, au milieu de toute ce petit monde tournant plus ou moins rond, soient obligés de s'imposer un Wexford suspicieux et un Burden toujours plus raide qu'un passe-lacet ? Eh ! bien, c'est que la belle, l'incomparable, la généreuse, l'inégalable, la merveilleuse Mrs Nightingale a été assassinée dans la forêt où elle avait sans doute donné rendez-vous à quelqu'un. Parce que, rechercher un foulard ou une boucle d'oreille, en pleine forêt, torche ou pas, vers les 23 h, ça paraît un peu tiré par les cheveux ... Certes, on est anglais, on est bien élevé et on sait ce que l'on doit à la gentry ... Mais enfin, faudrait tout de même pas pousser Grand-mère et les forces de Police, dont Wexford et Burden, dans les orties !

L'enquête commence. Avec ce choix délibéré de l'auteur pour la mise en valeur des détails psychologiques des uns comme des autres, morts et vivants, détails menus, voire infimes, qui finiront par rétablir le tableau final dans toute sa vérité. Si sanglante - si choquante qu'elle soit ...

Si l'on peut trouver, au vu de ses ouvrages futurs, que Rendell tâtonne ici encore un peu, ou alors se montre, malgré l'ambiguïté de la situation que je vous laisse le plaisir de découvrir , un peu trop "sage", "Et tout ça en famille ..." contient l'essentiel de ce qui fait la marque de cette grande "reine du crime", aujourd'hui disparue : l'ironie cruelle, parfois digne d'un implacable rouleau-compresseur, le désir d'aller toujours voir ce qu'il peut se cacher "derrière" tel ou tel caractère et comment, justement, cela peut jouer sur un meurtre alors que, en bonne logique, rien n'aurait dû se passer comme ça, un art serein et quasi machiavélique de décrire des victimes qui n'ont peut-être récolté que ce qu'elles méritaient ... Toute la subtilité de l'Age d'Or des Ruth Rendell - laquelle avait tout de même pas mal baissé en ces dernières années - prend ici forme, avec son rictus aigu et pervers, son amour de la provocation et ce mépris larvé pour la morale - oui, la fin doit être morale mais dans le fond ...

... Est-ce si nécessaire ? ...

Et puis, c'est si banal ... :o)
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