AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Zebra


Née en 1930, ayant plusieurs dizaines d'ouvrages à son actif, ayant remportée une collection impressionnante de récompenses, tant en Grande-Bretagne qu'aux États-Unis, Ruth Rendell signe en 2008 avec « Portobello » un ouvrage attrayant et un brin surprenant.

Le lecteur est plongé dans « un des plus fascinants quartiers de Londres », Portobello Road, « le plus beau marché du monde » (page 11), quartier où les itinéraires de divers personnages, socialement assez typés, se croisent, s'entremêlent et se télescopent. Parmi eux, il y a Eugène Wren, galeriste de son état, qui tient une place de choix : complètement accroc aux bonbons sans sucre (d'où la couverture du livre) car il essaye ainsi de lutter contre un début d'embonpoint, il tente de dissimuler sa dépendance à ses proches (page 23) jusqu'à mettre en péril son mariage avec sa fiancée, obnubilé qu'il est par la nécessité de tenir sa ‘maladie' secrète (page 82). Il y a Lance Platt, SDF, toujours en recherche d'un coup qui lui rapporterait un peu d'argent, qu'il s'agisse de dérober le chat de la voisine pour exiger d'elle une rançon (page 37) ou de ‘visiter' des appartements en l'absence de leurs occupants ; il cambriolera l'appartement de Wren (page 73). Il y a Ella, la compagne de Wren, docteur de son état, laquelle croise la route de Joël Roseman, un jeune homme dépressif auquel son père n'adresse plus la parole depuis la noyade accidentelle de sa fille (page 140) : schizophrène, Joël rencontre Ella, lui relate son expérience de mort imminente et lui demande de l'aider à se ‘débarrasser' de Mithras, vague fantôme ‘ramené' de l'au-delà. Il y a Gemma, l'ex-compagne de Lance, et son fiston : Gemma vit avec Fize depuis que Lance lui a mis un oeil au beurre noir et lui a cassé une incisive en lui cognant dessus. Il y a Reuben Perkins, ancien berger des Enfants de Zabulon, mort de sa belle mort, en fait d'une crise cardiaque. Il y a Gilbert Gibson, ancien taulard, reconverti en nouveau berger des Enfants de Zabulon, pourchassant tous les pêchés du monde (page 48). Il y a Dorian Lupescu, un roumain qui habite le dernier étage de la maison de Gilbert et qui mourra, intoxiqué par les fumées de l'incendie criminel de cette maison (page 252). Il y a Fize, iranien anglophone et son pote Ian Pollitt, lequel est prompt à dégainer son cran d'arrêt – il tuera Fize (page 370) quand celui-ci lui annoncera qu'il souhaite aller au commissariat pour annoncer que Ian et lui ont mis le feu à la maison de Gilbert. Il y a le père de Joël, richissime gérant de fonds spéculatif, et sa femme, soumise et encore maternelle envers son fils … Ouf, ça en fait du monde !

Les fans de la première heure de Ruth Rendell n'aimeront probablement pas « Portobello » : pas de criminel (si ce n'est Ian), peu de sang, peu de violence et peu de suspense (si ce n'est vers la fin), un récit moyennement captivant (voire banal), pas de réelle intrigue, pas de tension dramatique (le fameux flegme britannique !), une succession de faits divers, au final un ouvrage qui ne fait pas très thriller et à la dimension psychologique plutôt faible. En fait « Portobello » est un roman social : assez noir, bien construit et présentant une belle progression, avec quelques rares touches d'humour (page 222), l'ouvrage nous permet de toucher du doigt (page 67) l'inégalité des classes et la vie troublée (obsessions et désespoirs) de certains Londoniens. L'écriture de Ruth Rendell est précise, rend bien compte d'une atmosphère parfois mystérieuse et qui fait un peu penser aux films de Polanski voire d'Hitchcock ; la description de certains processus émotionnels, sans être fascinante, pourra intéresser le lecteur en ce sens qu'elle concerne peu ou prou un groupe hétéroclite de personnes que rien au départ ne relie complètement. Certains esprits chagrins considèreront que l'histoire aurait pu se dérouler dans n'importe quelle ville du monde (Portobello Road n'apportant pas grand chose à l'histoire), que le côté ‘Guide du Routard' de l'ouvrage est passablement ennuyeux (« If I wanted a lesson on London geography I'd buy a guide book ! ») ; ils trouveront que les personnages ressemblent à des caricatures et ils concluront en disant que « Portobello » est un attrape-gogos fadasse, sans rythme et sans intérêt. D'aucuns apprécieront la complexité et le réalisme naïf de ce télescopage entre des parcours aussi variés, reconnaissant toutefois du bout des lèvres le côté peu risible, pour ne pas dire fastidieux, de ces « constant references to the sugar free sweet addiction » : mais l'auteure l'avait pressenti quand elle affirme (page 202) que cette « affaire dépasse les bornes du ridicule : elle finit par être casse-bonbons ! ».

Sans être un chef-d'oeuvre, « Portobello » reste original. A vous de juger …
Commenter  J’apprécie          231



Ont apprécié cette critique (23)voir plus




{* *}