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Critique de jovidalens


Préa, ce pourrait être un prénom … mais non ; juste une façon de nommer celui qui « a l'invisibilité des choses qui ont toujours été là. » . Un nom commun, celui d'un petit rongeur, même pas un « nuisible ».
Préa n'est que sensation, vue, ouïe, toucher. Pas encore suffisamment humain pour ressentir des sentiments... Jusqu'au jour où un astéroïde va l'impacter avec son magnétisme et sa lumière. Une fille qui revient de la ville. Et malignement on croit deviner la chute ... Préa, celui qui marche à raz-de-terre, dans l'ombre de ce tout petit village dont il n'a jamais franchi les limites, Préa amoureux ? Il ne le sait pas et il constate seulement qu'il se retrouve aveuglé par la lumière de cette fille, sourd a tous les appels, attiré en orbite autour d'elle. Il va se laisser porter par ce tourbillon de sensations de cette sirène qui lui promet son amour s'il grimpe en haut du clocher de l'église pour lui envoyer un baiser … Il réussit et la chute de cette nouvelle nous entraîne lui Préa et moi lectrice dans cette enthousiasme de découvrir du sommet de la croix, son regard libéré qui découvre l'horizon , tout le vaste monde qui s'offre à lui.

Il suffit à Maria Valéria Rezende de trois pages pour nous mener à ouvrir notre regard sur le « Vaste Monde ».
Où ais-je entendu cette phrase : « une goutte d'eau contient un monde et le monde n'est qu'une goutte d'eau. » ? Amusant comme cette phrase s'applique si bien à ces quelques nouvelles.
Toutes et chacune de ces nouvelles ont pour cadre Farinhada, village du Nordeste brésilien. Ne cherchez pas : Farinhada n'existe que dans l'imaginaire de l'auteure et au fil des pages, il s'enracinera dans celui du lecteur. Mais Farinhada est implanté dans le Nordeste, partie du Brésil particulièrement somptueuse mais où la misère l'est aussi in-temporellement : c'était vrai hier et ça l'est de nos jours. Parce que ces nouvelles nous parlent de ce temps, le nôtre : quelques détails contemporains le rappelle.. Les hommes sont toujours les mêmes : les puissants et les pauvres, les aventuriers et ceux qui resteront les semelles collées à cette terre.

Maria Valéria Rezende donne la parole à LA Terre, notre Terre : comme une mère qui reconnaît rien qu'à la foulée ses enfants et leurs personnalités et leurs états d'âme. Comme une mère, elle sait qu'ils partent et reviennent («  le monde est vaste, et je les veux libres, même si je dois en souffrir. »). Et comme chacun de nous elle éprouve la « saudade » : à écouter le récits de ses enfants ; elle aussi se demande : « La vie est-elle ce que l'on voit, ce dont on rêve, ce que l'on raconte, ce dont on se souvient, ou ce qu'on oublie ? ». Et ce sont ces trois réflexions de la Terre qui organisent le livre. Même pas vingt nouvelles de quelques pages pour nous attacher aux habitants de ce village ; on en croise certains, reconstituons des parentés, des amitiés, des parcours de vie – pas mieux, pas pire que les nôtres - avec des coeurs battants, des espoirs et des revers.

Ces nouvelles sont toujours cocasses et pourtant, elles tordent le coeur. Maria Valéria Rezende a une belle écriture et un style sobre et généreux. La violence des rapports humains n'est pas éludée mais, comme La Terre mère (?) son regard est toujours emprunt de tendresse et de compréhension.

Je me suis beaucoup amusée à l'histoire de Dona Eulalia qui fut heureuse, et ses citoyens aussi, quand son tyran de mari fut contraint à lui lâcher les rênes.
Dans la nouvelle « Le joueur » l'héroïne ,que le mari expose à la fenêtre pour attirer ceux qu'il va plumer, sera aimée pour de vrai et son amoureux combattra avec les armes du mari pour l'emporter dans son beau camion rouge ; et j'imagine comment Fellini aurait pu transposer en image cet bel amour.
Et j'ai bien failli pleurer à l'histoire de Ramiro, l'ami de Préa : « Il faut rêver ».

Lisez, lisez ces nouvelles : je vous espère autant d'émotions que de sources de réflexions.

Merci à Babelio et aux éditions AnaCona, de m'avoir offert ce merveilleux moment de lecture, où les nouvelles sont accompagnées des très belles illustrations de Mauricio Negro. Cette maison d'édition apporte un grand soin pour que les livres qu'elle édite soient aussi de beaux objets : couverture aux couleurs de terre (bien sûr), au toucher doucement granuleux qui s'ouvre sur des pages douces au toucher. C'est cela aussi le plaisir de lire : tourner les pages, la main effleurant le papier, le regard glissant sur la page d'un chapitre à une belle image...Et oui : les liseuses c'est pratique, mais un livre...c'est vraiment plus...sensuel !
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