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Critique de Desmotsetdesimages


Les Portes de Thèbes, Éclats de l'année deux mille quinze, Mathieu Riboulet. Janvier 2020 posthume. Éditions Verdier.

Quand l'intime et le politique se nouent et se lient pour faire état de éclats des corps des morts victimes de l'ingérence des puissants et de l'auteur atteint d'un cancer du foie dont il est mort. Triste prescience sur son cancer qui l'emportera et des morts qui s'amoncelent toujours plus au Moyen-Orient…

« le corps malade de l'Europe, c'est le mien. Frappez et j'ouvrirai. »

« Je consigne ici la crainte récurrente qui me prend à la gorge : que l'insignifiant drame que constitue, pour moi seul ou presque, l'horizon de ma mort, ici chanté en contrepoint des tragédies tressées qui embrasent le monde où je me suis inscrit, n'incite à la méprise, au vieux soupçon d'orgueil ; car en effet qui suis-je pour poser mon parcours en poids équivalent aux désordres mortels qui broient tant de mes frères ? car qui suis-je en effet pour oser célébrer ces deux naufrages muets en langue densifiée ? C'est que, tout simplement, je ne me résous pas à finir en laideur, autant aurait valu disparaître plus tôt, bien plus tôt, aux jours sombres où pointe la conscience des choses. »

À la fois essai et autobiographie, Riboulet mêle ici les attentats de 2015, les accords franco-britannique de 1916 et sa résignation face à son cancer dont il mourra en 2018. le titre renvoie évidemment à la tragédie d'Eschyle Les sept contre Thèbes mais pourtant jamais l'auteur ne sombre dans le pathos propre à la tragédie. Et dieu sait qu'il en est question ici…

Le pessimisme est absolu mais il est pourtant question de lumière quand les corps se fondent*. Ajoutez-y ce goût pour les malfrats, cette obsession de la mort et la beauté de la prose poétique et vous y retrouvez du Jean Genet dont Riboulet se fait l'héritier.
En effet, la plume est d'une subtilité et d'une beauté comme j'en ai rarement lue. le style, poétique, est absolument saisissant. Alexandrins, poème, chant lyrique et faits historiques s'y déploient remarquablement. Il faut plus que de l'audace pour mêler les évènements de 1916 à ceux de 2015 en plus d'un cancer en mêlant tout à la fois le désir et la puissance des corps. Il faut du génie. Ainsi l'horizon de la mort de l'auteur rejoint les douleurs du monde et de tous ces corps sacrifiés.

*Peut-être certaines scènes de fusion homosexuelle dérangeront-elles certains lecteurs.
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