Je recomposais le devenir de sa peau. Je lui inventais un âge mur et nous trouvais des connivences, des complicités de silence. Je l'entendais ne rien me dire.
S'il en revenait il faudrait que je meure ou bien que je le tue.
La mienne bien serrée sur la crosse guillochée et le canon pointé au sortir de la manche, nu et vrai comme un corps. Extraordinaire sentiment de force, de puissance. De beauté. Non, mieux encore : d’appartenance. De connivence.
Tous les moi que je suis, enchâssés l'un dans l'autre depuis le tout premier. Toutes mes innocences dès le premier mensonge. Chacune enchevêtrée à chacune des autres. Tous les mensonges enchevêtrés d'innocence. Toutes les innocences érodées de mensonges, usées, flétries, et toujours aussi nues, fragiles, vraies, les mains croisées sur la poitrine frêle. Tous les moi ingénus, transparents, obscurs, anciens, impurs, intacts. Ils sont tous là. Tout le temps, tous les jours. Chacun parle, chantonne, ment, crie, joue, triche à son tour et simultanément. L'adulte qui est en moi en sait plus sur l'innocence que l'enfant qu'il sera jusqu'à la fin. Et l'enfant sait tout du mensonge, et d'abord de celui qu'il se fait, depuis le début, à lui-même, de celui qu'il est. L'enfant sait tout du mal.