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Critique de motspourmots


Il y a des écrivains bruyants, tonitruants même, des flamboyants, des bavards et puis il y a les discrets. Mélanie Richoz est de ceux-là. Qui posent leurs mots avec délicatesse et une attention extrême tels des petits cailloux guidant le lecteur. Un savant dosage de petits cailloux car parmi les blancs, de temps en temps, une couleur interpelle, des nuances de rouge qui font monter l'émotion, des tons plus froids qui annoncent le drame... C'est précis, efficace, convaincant et remuant. Si peu de pages, tant d'émotions.

Au milieu de l'effervescence de la rentrée littéraire, cette plume rassure et apaise. Pourtant, le sujet est grave. Frédéric, le narrateur adresse une lettre à Roger, alors emprisonné. Au fil des pages, il dévoile ses failles, ses meurtrissures de l'enfance puis de l'adolescence. Sa relation d'amitié avec Roger, sorte de guérisseur - gourou adulé par des familles entières et surtout par sa mère et sa grand-mère. Cette relation si forte, si spéciale, basée sur la confiance. Comment admettre que cette confiance ait été trahie, que Roger soit un autre ?

Ce que nous fait ressentir Mélanie Richoz avec ce superbe texte, c'est ce fil sur lequel évolue Frédéric, ce "garçon qui court" pour ne pas se laisser rattraper par les drames de l'enfance. Frédéric qui avance dans sa vie d'homme, trouve la paix auprès de Lucile, et remplit le vide en écrivant et en publiant des romans les uns à la suite des autres... Tout en n'ayant encore jamais rien raconté de ce qui s'est passé avec Roger.

"Mais c'était aussi peut-être pour faire durer notre histoire au-delà d'un livre qui enferme les choses dans un espace clos, restrictif, et les ponctue inéluctablement."

Cette lettre est autant pour Roger que pour Frédéric, pour l'aider à poser des mots sur des faits anciens, à y voir clair dans cette relation d'amitié et d'amour mêlés, sur le manque paternel qu'il a fallu combler, sur le manque fraternel qu'il a fallu pallier. Pour l'aider à démêler l'écheveau de ses sentiments enfouis. le fil est ténu. Frédéric aurait pu basculer. On le sent, on le vit. Et sa voix bouleverse d'autant qu'elle est mesurée, à la fois douce et lucide, sans haine, juste l'envie de se libérer une fois pour toutes, de couper les derniers liens qui l'attachent encore à cet homme.

"Oui c'est ça, chacun de mes livres n'est en définitive qu'une mue. Et moi, un phasme qui se meut lentement, de roman en roman, en se fondant dans son environnement et en se camouflant dans la fiction. Jusqu'à perdre ma propre trace."

Cette lettre, pour Frédéric, c'est une renaissance, un retour à la vie. Un texte que le lecteur reçoit en plein coeur, si juste, si mesuré, si effilé. Un concentré d'émotion et de finesse.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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