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Critique de titodupret


À La Grande Librairie sur France 5, Amélie Nothomb affirmait récemment qu'après « quatre heures d'écriture, on est exténué. C'est un sport de haut niveau. » Or, pour Jean-Marc Rigaux aussi, l'écriture est physique. Marathonien très entraîné, il fut un temps où il finissait parmi les cinquante premiers coureurs à l'arrivée de New York. Coureur de fond, il a besoin de pousser ses limites jusques aux bouts : la saturation, l'épuisement voire le rejet. Son nouveau recueil est le résultat de cent relectures.

Sportif ou littéraire, son effort est total et cette fois, il l'a voulu stylistique. Les onze nouvelles sont une série d'exercices et de variations sur un même thème. Il y disperse l'âge, la douleur, le sexe et la situation des personnages. Il joue avec la promiscuité des affrontements, il caresse le sang boueux sapant du fond des tranchées, il s'en éloigne pour lire dans les coeurs des mères et des filles derrière les lignes, il saute les frontières entre ennemis ; frères et soeurs humains.

L'auteur semble écrire avec la plume d'un paon. Frétillante, elle séduit par sa phanie et son désir d'amplitude. Pourtant, ses récits sont tous accrochés à la patte de pigeons-soldats en provenance des combats les plus durs, ceux dont le 11 novembre fête cette année le centenaire de l'armistice.

La Grande Guerre est probablement l'événement historique le plus commémoré, tant il a changé le destin des familles dans tous les villages. C'est cette proximité que l'auteur a voulu observer et faire témoigner. Ses petites histoires paraissent détachées de la grande pour réduire le temps qui nous en sépare. En ignorant les discours patriotiques et politiques d'antan, elles révèlent d'autant mieux l'absurdité, la brutalité des événements.

« Les tranchées valent toutes les expériences mystiques. »

Ces nouvelles venues du fin front du siècle sont des anecdotes, des aventures et des fatalités. Elles forment un sombre kaléidoscope où la sensibilité écrase la raison. Chaque aspect rapporté est une approche isolée, touchante par sa résonance avec la condition humaine que partagent les protagonistes et le lecteur, sous effets d'échos directs et de dominos générationnels.

Il ne faudrait pas grand chose pour que ces nouvelles soient un roman où les héros se croisent. Mais ce n'est pas le propos. L'auteur laisse faire les liens romanesques à qui veut les voir. S'il romançait lui-même l'ensemble, cela affecterait l'humus historique et par là le lourd sentiment de réel et dramatique du terrain. Si c'était un roman, on se dirait que ce n'est qu'un roman.

Or l'auteur s'est rendu partout sur place. À Dom-le-Mesnil, sur la tombe du dernier soldat tombé de la der des Ders. À Kodice, sur les traces de Sándor Márai, auteur qu'il admire par-dessus tous pour ses Mémoires de Hongrie. Parmi tous les morts, Jean-Marc Rigaux recherche le souffle, l'émotion, l'imprégnation. Comme un marathonien entre accélérations et décélérations, il veut courir tout l'espace qu'il s'est investi de couvrir pour comprendre le temps passé. Son style a ce rôle : multiplier les points de vue pour se rassembler et ressembler à la vérité d'alors.

« Vous savez, madame, je ne regrette pas ma guerre.
Quand j'étais parmi les blessés, au son du canon, ma foi s'est fortifiée.
Jamais je n'ai vécu aussi pleinement. Au-delà de moi-même. »
Lien : https://le-carnet-et-les-ins..
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