Je me demande si, par la convocation dans ce lieu, c'est mon avenir que je suis venue chercher ou mon passé que je suis en train de retrouver. Une chose est sûre : je dois à cet homme quelque chose.
Si la réalité me semble décevante, j'ai sur moi de quoi la remanier et faire parler les fantômes. Je fais des histoires de mes histoires, des histoires qui ne réparent rien, mais qui mettent des noms sur les choses.
Les voyageurs des gares disent tout avec le rythme de leurs pas et le volume de leurs sacs.
On a beau souffler sur les plaies, repriser, suturer, rien ne s'efface, la douleur creuse des galeries invisibles dans le fond des coeurs et il y a une zone vive dans la poitrine qui garde les stigmates.
Si la réalité me semble décevante, j'ai sur moi de quoi la remanier et faire parler les fantômes. Je fais des histoires de les histoires, des histoires qui ne réparent rien, mais qui mettent des noms sur les choses. Je découvre que des mots existent pour nommer l'impalpable et je transforme l'absence en langage. Je ne donne pas de seconde chance aux événements, je recycle les débris de nos cœurs, retrouvés après la catastrophe.
Entre frère et soeur, il y a un lien qui n'existe nulle part ailleurs. Il suffit de nous regarder, nous avons en commun la même façon d'aimer.
Certains souvenirs nous consument si on les laisse entrer. Ils se mettent à danser sous notre crâne sans prévenir. [...] On espère que cela passe et que meurent ces minutes fragiles. La mélancolie ne se partage pas, elle se déploie dans le corps comme une méduse.
Je rêvais d'être libraire car je n'avais jamais eu d'autre ambition que de lire des livres et de les présenter au plus grand nombre du matin au soir. Cette révélation commençait à me grignoter le ventre ; elle me brûlerait la tête si je ne changerais rien. J'étais à bout, mais lucide.
Je tire sur mon col et m'emmitoufle dans ma veste en baissant la tête. Mon voisin, toujours le même, scanne mon visage. On me prête d'étranges intentions. Il semblerait que je sois, décalée, complexe, troublée ou troublante. Je n'ai pas le dernier smartphone et je n'ai pas la télé. Je suis une rêveuse. J'habite à côté. À deux, trois dimensions de là. Je vis dans mon monde et j'y crois dur comme fer.