Deuxième lecture de ce petit roman et redécouverte totale ! La première fois, j'avais été vraiment déçue par le traitement du personnage mythique de
Merlin. Mon esprit plein de romans
arthuriens, de romans de fantasy n'attendait que le merveilleux de la table ronde. Evidemment, il n'a rencontré que déception avec cette version rationnelle de l'histoire du plus grand enchanteur connu.
Dans ce roman, rien de magique, mais au contraire une vision réaliste, mais qui semble parfois teintée de merveilleux, tant on le cherche dans ce mythe. Au Vème siècle, en Grande Bretagne, les peuples en partie romanisés se font la guerre en permanence et
Merlin est le petit-fils de l'un des plus grands seigneurs de la guerre. A la mort de ce dernier, il devient seigneur à son tour et, par son intelligence et sa sagesse, devient conseiller du jeune roi
Arthur. Viviane,
Morgane, Mordred sont là aussi, jusqu'à leur mort, à tous. En cela, le récit ne change pas des contes traditionnels. Mais tout le surnaturel est balayé d'un geste. La naissance monstrueuse et diabolique ? elle est tristement justifiée par la mère de
Merlin qui lui dévoile ses origines, bien qu'elle-même ne soit pas en mesure de comprendre tout ce que l'enfant et le lecteur perçoivent. L'amour incestueux de
Morgane et d'
Arthur, s'il n'est pas expliqué (est-il explicable ?) il n'est pas diabolisé mais traité sur un mode plus psychologique : les deux jeunes gens ne se connaissent pas, se découvrent à l'âge adulte, beaux, en souffrent et Mordred est conçu. Pas de destin prévu pour ce bâtard, lui-même perdu, meurtri de ne pouvoir saluer son père, et qui ne cherche aucune vengeance mais juste un peu de reconnaissance et d'affection. Pas de pouvoir chez Viviane qui ne comprend pas que son amour pour l'enchanteur est une barrière bien plus efficace que ses gris-gris pour le retenir. Pas de pouvoir non plus chez
Merlin qui n'est qu'un homme sage, intelligent, et dont l'humanisme rationnel en fait plus que jamais un personnage atemporel.
Très bon roman pour qui cherche à dépoussiérer les histoires les plus connues. Très bien écrit, dense, beau.