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Citations sur Crafouilli (3)

Puis vinrent les pluies, et leur ambiance mouillée. Un matin, au sortir de chez soi, un rideau d'eau a remplacé la vue. Les mares se remplissent, puis les étangs, les lacs, les sentes, la chaussée. Où que tu ailles, ce n'est que boue, que flache, que flotte. On monte les meubles à l'étage, on sort les barques. Il pleut. Les digues rompent, les arbres embâclés sonnent à ta porte, sur ton tapis humide gît un vieillard noyé, tu croises en nageant des cadavres boursouflés, des gens méconnaissables accrochés à ton pain. Partout ça dégouline. Partout ça suinte. Partout ça ruisselle. Partout ça poisse. Partout ça colle. C'est la mousson, le monde liquide. Les baobabs refont des feuilles, blottis au fond des cases les indigènes trempés vivent de potage et de mets mous.
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Cette époque incroyable où le chemin de pierres que tu voyais passer à l'horizon de ta maison, ton grand-père l'avait vu et son grand-père, et le grand-père encore de ce der à l'infini de leur mémoire, identique à l'ornière près, au buisson de mûres en haut de la côte, et tu croyais que tes enfants en cueilleraient aussi les baies, pauvre gland. Je te le mentionne maintenant que le fin fond d'aucune sierra d'aucun trou du cul de la planète n'est dispensé de se voir en quinze jours transformé en aquacentre, parc Astérix, cité internazionale, carrefour nodulaire des technopoles associées. Le binz. L'incertitude. Le carnage de l'étant.
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Énarques et socles, donc, multipliaient sur fond d’indifférence dans Crafouilli re-né (Gontran fut plus marrant, mais nul n’eût entamé). S’estimant seuls, ils s’ébaubissent doucement le vaniteux de leurs soi-disant succès sur les forces maniaques, mirobolant bientôt jusqu’à plus soif, repeignant, via Crafouilli, l’univers de leurs pinceaux à poils ras, bougeant debout. Rien d’assez farfelu ne les comble : un an font arracher les arbres auprès des routes pour ne pas enrouler leurs voitures, l’autre les font remettre pour ralentir les voies. Un an décrètent obligatoire la culture des mangues à l’hectare qu’on n’a jamais goûtées, le suivant distribuent des subsides à les échanger contre des potagers entre quatre murs à rebâtir. Inventent la télévisive, où ils s’invitent. Distribuent d’ici les bons points, les trophées, les brevets. Captivent le monde avec des sorbets, des vanilles, des feuilletons. À coups d’images choc et de couleurs vulgaires, distillent émerveillés des trampolines à leur lubie d’embritraver le vif, rebaptisé social. Veulent contrôler, prévoir, gérer, organiser, réglementer. Interdisent la pratique des métiers à ceux qui n’ont pas reçu les brevets. Interdisent la remise des brevets par ceux qui n’ont pas les médailles. Soulèvent l’opinion sur les dangers. Interdisent les cigarettes parce qu’elles fument, le vin parce qu’il enivre, les toboggans parce qu’ils glissent, les récréations parce qu’elles écorchent les genoux, les taudis parce qu’ils s’effondrent, les pauvres parce qu’ils puent, la neige parce que c’est l’hiver, l’hiver parce qu’il enrhume, le rhume parce qu’il est interdit. L’un butant un matin sur un bord de trottoir, interdisent les trottoirs. L’un tombant d’une échelle, interdisent les échelles. L’un s’étranglant au noyau d’une cerise, interdisent les noyaux dans toutes sortes de fruits. Décrètent la sécurité parfaite, le revers imparable de la cicatrice, la vie garantie vie.
Si le monde s’en porte peu ou prout, on voit bien nonobstant que le climat Crafouillis n’est guère sain à ce rythme. À force radotages sur le point d’avanir, on craint terriblement. Un rien détraque. La santé fait peur. La loi et ses décrets mijorent, ce qui n’est bon, quoi qu’on s’en touche. On y pense, on ressasse. La dialectique socle fait des émules. Quiconque revendique un arpent aurait bien tort de ne pas le draper d’une ombre d’un chantage à la sécurité, il l’a. « J’exige un passage souterrain de ma porte à la cantine, il en va de la vie de nos enfants ! » — accordé. « Je veux un extincteur à friture à tous les porches ! » — accordé. Insensiblement l’angoisse sourd, muette. On se replie, on calfeutre. La folie sanitaire des énarques et des socles impuisse le corps social. Un autre pas et ce sera le faux… Et là, c’est l’hallali !
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