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Pour les aventuriers de la littérature !
Liste créée par LaBiblidOnee le 12/04/2023
46 livres. Thèmes et genres : roman

Si nous lisons pour vivre mille vies, certaines sont plus aventureuses que d'autres.

Voici quelques expériences originales de lectures, destinées aux baroudeurs littéraires désirant sortir des sentiers battus pour explorer différentes formes de récits : Dans ces romans, la forme (construction, écriture...) n'est pas seulement décorative mais sert le fond.

Attention : Chacune de ces excursions livresques peut s'avérer risquée (lecture ardue, incompréhension, migraine, sont des effets secondaires possibles) ! Mais n'est-ce pas justement ce qui fait le piquant de l'aventure ?

Derrière chaque possible difficulté de lecture, ennui, abandon se cache peut-être la pépite qui brisera votre routine, suscitera votre intérêt, votre émerveillement, voire même, pourquoi pas, un coup de coeur digne de l'île déserte...

J'allongerai cette liste au gré de mes pérégrinations et de mes réminiscences. Pour info, j'ai très approximativement essayé de placer les plus faciles à lire en début de liste pour arriver progressivement aux plus fous, histoire de vous aider à vous y retrouver (sans les avoir vraiment "classés" à proprement parler puisque j'essayais aussi de les regrouper par thème^^). N'hésitez pas à y ajouter vos propres chemins de traverse en commentaires : ils pourraient intéresser d'autres aventuriers ;-)



1. Mrs Dalloway
Virginia Woolf
3.83★ (8296)

Commençons en douceur notre expérience littéraire, en jouant avec les points de vue et la temporalité : L'histoire en elle-même n'a rien d'extraordinaire puisqu'elle est constituée d'une seule journée de la vie de Mrs Dalloway, une femme élégante de la bonne société londonienne, épouse d'un homme politique qui s'épanouit en donnant des réceptions. Mais en seulement 260 pages, l'auteure parvient à nous décrire chaque personnage et leurs vies à travers à la fois la perception qu'ils ont d'eux-mêmes et du monde, et la perception que les autres ont de chacun d'eux. Pour ce faire, l'auteure nous livre les monologues intérieurs de chaque personnage qui croise la route du lecteur (et il y en aura de toutes sortes !) : On fouille donc dans l'âme de chacun, puis on les voit de l'extérieur avec les yeux des autres et ainsi de suite pour chaque personnage jusqu'à tous les retrouver le soir à la réception, où s'accentue encore la différence entre pensées intimes et paraître extérieur. La rédaction de ce roman est donc un fondu de souvenirs et d'impressions qui se mélangent, appartenant alternativement à chaque personnage secondaire et qui mettent en lumière le personnage principal éponyme. La lecture donne l'impression de regarder un film dans lequel la caméra ferait un bout de chemin avec chaque personnage qu'elle croiserait au gré des rencontres. Quel classique, quelle plume, quel confort et même temps quelle claque !
2. Madame Bâ
Erik Orsenna
3.95★ (1352)

Jouons maintenant avec la forme du roman : L'histoire d'un formulaire administratif en forme de conte africain... A priori, deux styles que tout oppose ? Eh bien non ! Orsena les rabiboche grâce au personnage de Madame Bâ : Son petit fils a été embarqué en France par des recruteurs de football et elle cherche à le rejoindre en France. Seule solution : remplir le formulaire 13-0021 pour une demande de visa - et remplir ses nombreuses cases, trop petites pour contenir ses réponses ! Inadmissible : L'administration française tient à savoir qui entre sur son territoire mais ne laisse pas de place à ces personnes pour se présenter vraiment dans les formulaires ! Qu'à cela ne tienne, Madame Bâ rédigera donc une longue lettre – que dis-je, un roman, c'est le cas de le dire ! - au chef de la France, afin de se présenter et de demander à venir. Dans cette lettre, elle reprend point par point les questions du formulaire et y répond par chapitres entiers. A la demande de son nom, encore faut-il préciser d'où il provient, à quoi et à qui il est associé, sans quoi il ne la représenterait pas vraiment. A l'occasion de la case « métier », c'est encore tout un pan de Madame Bâ qui nous est dévoilé et, avec elle, du Mali tout entier ; et ainsi de suite. Nous découvrons au fil des pages la beauté de ce pays, mais aussi ses malheurs et ses turpitudes. Son administration corrompue, les quelques bonnes volontés, les traditions, etc… Bref : un conte africain contenu dans un formulaire administratif. Aussi improbable que pertinent, pari réussi.
3. Inconnu à cette adresse
Kathrine Kressman Taylor
4.24★ (15289)

On explore toujours l'adéquation entre la forme et le fond tout en restant dans un ensemble facile à lire puisqu'il s'agit cette fois d'une nouvelle intégralement épistolaire. Sa petite taille n'a d'égal que son poids et son intensité. C'est en 1938 que, s'appuyant sur quelques lettres réelles, Kressmann Taylor imagine cette histoire. Fiction elle était, fiction elle n'est plus. Un allemand et un un juif américain, amis de longue date, entretiennent une correspondance professionnelle et amicale. Mais au fil des lettres, on sent bien que cette correspondance avec un juif enchante de moins en moins l'allemand, surtout lorsque l'ami juif américain lui demande d'héberger sa soeur, de passage en Allemagne pour son métier... L'ami allemand essaye de ne plus répondre mais les lettres continuent d'arriver car l'ami juif, entendant des rumeurs sur un certain Hitler en Allemagne, craint pour la vie de sa soeur ; L'allemand essaye de faire comprendre à son amis juif que les courriers peuvent être lus et qu'il ne serait pas bien vu pour lui de correspondre avec un juif... Mais le juif américain en veut à son ami de ne pas lui rendre ce service alors qu'il s'agit de la vie de soeur, et il insiste. On sent alors monter la haine de l'allemand pour son ami juif, et pas seulement parce qu'il insiste : On sent derrière cette haine l'installation de l'idéologie nazie. Mais bientôt, les lettres de l'américain à sa soeur lui reviennent "inconnu à cette adresse"... Il doit se venger de cette trahison, et pour cela il utilisera contre son ex-ami allemand la seule arme à sa disposition, le plus redoutable... La seule qu'il lui a défendue ! A la fois surprenant, palpitant mais également machiavélique, ce roman indispensable dépeint - et par anticipation ! - la montée du nazisme et l'installation tranquille de son idéologie. Une oeuvre sublime et visionnaire qui vous fera certainement frissonner, mais permettra également une réflexion intéressante aux plus jeunes sur ce thème. A lire, relire, faire lire, offrir... Et faire étudier à l'école (lycée) !
4. Avec Maman
Alban Orsini
4.18★ (245)

Voici un livre original mais facile à lire et même attendrissant : Une fiction entièrement constituée d'échanges SMS. Rassurez-vous, ils sont écrits en bon français puisque les personnages principaux sont deux adultes. C'est l'histoire d'une mère poule qui apprend à se servir d'un téléphone portable et des SMS pour rester proche de son fils unique, parti travailler dans une autre ville. Il y est donc question d'adaptation aux technologies mais, au-delà de ça, de l'adaptation à une nouvelle vie pour la mère et son fils, de leurs histoires d'amour, de santé, de vie quotidienne, de travail, de voisinage, etc… Quand je l'ai lu à sa sortie en 2014, j'ai immédiatement pensé aux SMS de ma maman avec mon frère ou moi. Un scenario simple qui peut concerner tout le monde – on s'attache donc rapidement aux personnages - et met en lumière son contenu, bourré d'humour et de sentiments.
5. Quand souffle le vent du nord
Daniel Glattauer
3.77★ (4504)

Là encore, la forme rejoint le fond puisque ce roman est uniquement constitué d'e-mails qui se trouvent être, dans l'histoire, le seul lien entre deux personnages : Tout ce qu'ils savent et perçoivent l'un de l'autre se trouvent dans leur correspondance et le lectetur est donc au même niveau qu'eux, les découvre comme ils se découvrent, sent monter les sentiments en même temps qu'eux. Une dangereuse liaison par correspondance électronique… entre deux personnages qui ne se sont jamais vus. Emmi est mariée, a une vie heureuse et des enfants. Pour se désabonner du magazine « Like », elle envoie un mail. Mais l'adresse étant erronée, ce mail parvient à Léo « Leike ». Il lui répond une phrase ironique et polie pour l'informer de l'erreur, à laquelle Emmi-qui-ne-se-laisse-pas-démonter répond sur le même ton. Un échange minuscule et insignifiant, qui aurait pu s'arrêter là - ou même aboutir à une belle amitié pouvant passer, si affinités, de virtuelle à réelle. Mais au fil des mots se tisse une toile complexe de sentiments… J'ai cru ouvrir une bluette plaisante et originale mais je me souviens finalement avoir pris une grande claque de sentiments.
6. 54 x 13
Jean-Bernard Pouy
4.22★ (87)

Voyons maintenant comment la simple mise en page du phrasé peut accentuer l'immersion dans le récit... Lors d'une étape du Tour de France, et à l'encontre de la tactique de son équipe, un coureur dunkerquois s'échappe du gros de la troupe avec une telle hargne qu'il va faire le trou. À quoi pense un homme seul dans l'effort et la douleur qui monte ? C'est la question que pose Jean-Bernard Pouy, adepte de l'oulipo, dans ce roman. Pour y répondre, il va adapter le flot de pensées du coureur à son souffle en fonction de l'effort qu'il fourni au court des paysages qu'il traverse ! Aussi la forme de la mise en page suit le contenu du récit, ce qui nous fait vivre le texte : de longues phrases sur le plat, des phrases hachées, par lignes de deux mots, lorsqu'il n'a plus de souffle en montée. Pendant 4 heures, le coureur pense pour oublier la douleur : au maillot, aux primes, à l'équipe, à sa famille, au dopage, à la télé, au massage, au contrôle, à l'entrainement, à son chrono, au paysage, etc... et nous fait pénétrer les coulisse du Tour à hauteur de roue. Alors je lis et Je m'essouffle avec lui trouve un rythme pour m'aider trouve un rythme pour le suivre dans ses échappées en pensées pour oublier cette douleur dans ses mollets « je relance en danseuse Georges vient me dire que j'mollis que ça traîne que je rêvasse que les autres les deux autres reviennent un peu. Ils sont à quatre minutes en gros. Je relance j'ai mal aux reins trop trop mal je me rassois la selle fait presque du bien ».
7. Polices !
Sonia Chiambretto
4.00★ (7)

Continuons de jouer avec la structure du texte pour mettre en valeur son propos : « A GENOUX TOUT LE MONDE OUI A GENOUX A GENOUX dans le salon A GENOUX dans la salle de bain A GENOUX dans le couloir A GENOUX dans la chambre des… » etc… On s'y croirait. Et pour cause : Issu du SPOKEN WORD - ces écrits pour la parole, où la parole devient action grâce à son incantation - POLICES ! de Sonia Chiambretto nous donne matière à réfléchir sur les actions répressives de nos gouvernements. Avec ce thème POLICES !, celles d'écritures sont également exploitées, et même le pluriel du titre est intéressant. On sent un vrai MILITANTISME, dans l'utilisation du SPOKEN WORD. D'ailleurs, les textes de l'auteure sont également mis en scène par des chorégraphes et performés par elle-même dans des lieux alternatifs. Pour bouger les consciences et attirer l'attention sur les dysfonctionnements qu'elle perçoit, l'auteure, dans ce livre, CRIE théâtralement pour mettre en valeur la violence des forces de l'ordre, puis (chuchote) des poèmes pour évoquer les « victimes » de ces diverses « agressions » policières, puis, ensuite encore, cite un bon vieux faits divers qui fera pleurer dans les chaumières. En mêlant savamment les genres donc, ce petit ouvrage de 100 pages amène de manière aussi poétique que théâtrale des propos en réalité éminemment politiques. Aucune objectivité dans le propos évidemment, ce n'est pas le but et ça peut en être l'écueil, mais des écrits qui littéralement "parlent", et un mélange qui finit par faire sens dans une polyphonie entêtante, qui reste.
8. Chroniques de Tahiti, tome 1 : L'arbre à pain
Célestine Hitiura Vaite
3.83★ (459)

Pour nous échauffer encore un peu, explorons gentiment l'effet du jeu de langage sur le récit : Ici l'auteure nous raconte le quotidien d'une famille tahitienne prise entre traditions îliennes et modernité capitaliste. Mais si les anecdotes sont truculentes et les personnages attachiants, il s'agit surtout d'un roman d'ambiance : L'auteure nous transporte dans cette île qu'elle connaît si bien en plongeant sa plume dans le phrasé des autochtones, leur vocabulaire, leurs expressions et attitudes, leur accent, leur nonchalance. Tout cela transparaît à la lecture et l'on entend littéralement les voix des personnages grâce à l'écriture parlée. Un voyage littéraire où la forme rejoint le fond mais avec douceur et simplicité. A lire sur la plage l'été, histoire de se mettre dans l'ambiance, pour les aventuriers mais pas trop ;-)
9. La dernière neige
Arno Camenisch
3.62★ (45)

Quand le langage fait partie intégrante du roman, ça donne un récit fait par un ancien d'une station de ski, qui raconte sa vie dans le patois du canton : Paul et Georg ouvrent tous les jours cette cabane qui sert de station dans les Alpes suisses. Tout en accomplissant les gestes routiniers, ils pensent, papotent, mettent en route, servent les skieurs et se rappellent qu'une année, « y en a même un qu'a foncé dans notre belle cabane, plaf, une peur bleue qu'on a eu tous les deux, mêmes qu'on en a renversé la soupe sur nos genoux, on aurait dit qu'il allait passer à travers tellement qu'il est arrivé vite çui-ci, il s'est cassé quelques dents, le poverino, alors que n'importe quel bougre sait qu'il faut se mettre à freiner dès que la cabane elle t'apparaît en ligne de mir, évidemment si tu te jettes contre, la cabane ça te freine aussi, mais c'est pas choli choli ». Une douceur comme on n'en fait plus où l'on dévale, au gré des flux de pensées des personnages, les phrases longues comme des pistes de ski ; à savourer l'hiver en attendant la dernière neige !
10. Des fleurs pour Algernon
Daniel Keyes
4.35★ (18148)

Poursuivons notre aventure en modulant l'expression des personnages : Algernon est une souris de laboratoire dont les scientifiques viennent de décupler l'intelligence. Les savants tentent alors, avec l'assistance de la psychologue Alice, d'appliquer leur découverte à Charlie Gordon, un simple d'esprit employé dans une boulangerie. C'est bientôt l'extraordinaire éveil de l'intelligence pour le jeune homme. Il découvre un monde dont il avait toujours été exclu, et l'amour qui naît entre Alice et lui achève de le métamorphoser. Mais un jour, les facultés supérieures d'Algernon déclinent. Commence alors pour Charlie le drame atroce d'un homme qui, en pleine conscience, se sent retourner à l'état de bête... Charlie va-t-il aimer sa nouvelle vie avec une intelligence dite "normale" ? Va-t-il devoir - et pouvoir - retrouver sa vie d'avant ou que va-t-il se passer pour lui ? L'originalité de ce récit est que nous lisons en direct les comptes-rendus que les scientifiques demandent à Charlie d'écrire quotidiennement pour se rendre compte de l'évolution. La rédaction nous est retranscrite exactement : Ces ta dir o dépar avec une ponctuassion dècorative ! et des, faute ki son omnipresante, pui qui disparaissent au fur et a mesure que progresse l'intelligence de l'homme que Charlie devient. Une narration bouleversante qui nous plonge au coeur de l'expérience, mais pas trop fatigante non-plus du fait de l'évolution de l'écriture. Une belle réflexion sur la normalité et la science.
11. Enig Marcheur
Russell Hoban
3.60★ (245)

Augmentons la difficulté, et poussons l'exercice à son paroxysme : Ici nous sommes dans un monde post-apocalyptique depuis tellement longtemps qu'on a oublié ce qui s'est réellement passé. Les peuplades semblent quasi primitives : Par incapacité à progresser de nouveau ou par peur de reproduire le passé ? Et cette peur, serait-elle entretenue par quelques-uns qui détiennent la mémoire, pour maintenir le nouveau monde tel qu'il est ? Comment font-ils pour dissuader la population de rechercher la vieille vérité enfouie ? Pourtant l'homme étant ce qu'il est, des rumeurs circulent encore sur le temps d'avant ; et si des spectacles « officiels » propagent la bonne parole, des légendes populaires se forment comme pour conserver l'amer moir… Seulement voilà, lorsqu'une civilisation périclite, le langage aussi, alors les concepts sont plus difficiles à appréhender, pour les personnages comme pour le lecteur… Car le narrateur est un enfant de 12 ans en quête de vérité et pour l'amer moir, il écrit son histoire… dans son jus. "Ils perdir l'amer moir de ce quété la nuit. Ils voulur just le jour toul tant et ils allé le fer avec les Chants Bardes" Attention, l’intégralité du texte est écrit ainsi : Alors autant la forme est extrêmement pertinente par rapport au fond, autant la lecture est ardue. Perso elle m'a donné mal au crâne et je ne me suis pas trouvée assez récompensée de mes efforts par la fin. Mais même si j'ai eu du mal à y prendre plaisir, c'est une sacrée expérience.
12. Le bruit et la fureur
William Faulkner
3.99★ (7174)

Pour une lecture d'une intensité de difficulté entre les deux précédentes, celui-ci fut un coup de coeur. Jamais un roman n'a aussi bien porté son titre. C'est une histoire typique du sud de l'Amérique, avec cette ambiance particulière des grands romans américains. A l'enterrement de la grand-mère de la famille, la mère demande à la bonne noire de mettre les enfants à l'écart pour les épargner, mais aussi pour s'épargner elle-même. Car parmi les trois enfants, il y a Benjy. Benji est attardé, ne comprend jamais tout ce qui se passe, tente de s'exprimer par des cris perçants et ses pleurs infinis qui le rendent insupportable aux yeux de beaucoup. Tout cela l'isole encore plus et le rend furieux, ce qui amplifie ses incontrôlables et bruyantes colères. Or, il se trouve que l'auteur débute l'histoire en nous mettant dans la tête de Benjy, pleine à elle seule de bruit et de fureur. Et la prouesse est extraordinaire de parvenir à nous faire reconstituer l'histoire par le biais de ce personnage qui, lui-même, ne comprend sûrement pas tout, en accumulant par flashes les informations que son cerveau enregistre et rediffuse aléatoirement, de manière pas forcément chronologique. Cette construction rend la narration intrigante et passionnante dès le départ : C'est un puzzle dont le lecteur tente de recoller les morceaux pour comprendre l'histoire. Pour être lui et le comprendre, il faut accepter de baigner un moment dans un flot d'informations qui peut paraître, au départ, sans queue ni tête. L'expérience est passionnante, il suffit d'accepter de faire confiance à l'auteur et de poursuivre l'aventure avec lui : Par la suite les narrateurs plus classiques bouchent les trous de cette histoire, et nous font plonger plus avant dans les drames de cette famille.
13. Belle du Seigneur
Albert Cohen
4.02★ (17504)

Explorons d'autres horizons littéraires et approfondissons celui de la reproduction des pensées des personnages. L'histoire est classique qui implique un couple où le mari fonctionnaire semble très occupé à ne pas faire grand chose, tandis que sa femme s'ennuie à la maison. Quand son mari lui présente Solal, un collègue, les pensées des personnages s'agitent avec leurs palpitant, et redistribuent les cartes. Mais cet amour tout neuf sera-t-il plus performant que le précédent ? Rien n'est moins sûr, nous nous en rendons compte en épluchant le fatras de pensées lancinantes se bousculant dans les têtes de chacun. Une œuvre magistrale qu'il faut du temps pour lire et aussi pour digérer : 1100 pages d'écriture foisonnante et non calibrée, au style variant selon le personnage dans la peau duquel on nous plonge ; Une expression parfois non ponctuée lorsque, durant plusieurs dizaines de pages, l'auteur exprime les pensées en pagaille d'un personnage. C'est donc un roman riche mais qui se mérite. Cette forme d'écriture met en valeur le fond du propos et les sentiments qui se bousculent de manière frénétique dans la tête de chaque personnage, notamment des amants. Il n'est pas dépourvu de stéréotypes, mais ces clichés sont un moyen pour l'auteur de montrer où le bât blesse dans la logique des personnages. Et si les personnages sont stéréotypés, leurs personnalités sont extrêmement fouillées, et on les découvre grâce à divers points de vue : celui du narrateur omniscient, leurs propres pensées intimes ainsi que le regard et les pensées des autres, ce qui nous donne énormément d'informations sur chacun d'entre eux, tout en nous dessinant leur histoire. Attention à l'indigestion sur la longueur, mais très bon souvenir de lecture !
14. G. A. V.
Marin Fouqué
3.01★ (144)

Si vous aimez fouiller dans les pensées de vos personnages, ce roman vous plongera tour à tour de chaque gardé à vue de ce commissariat, où les policiers recherchent le détenteur de l'arme qui a tiré deux coups de feu la nuit dernière. Est-il l'un d'entre eux ? Et si oui, pour quoi faire, et comment en être arrivé là ? Pour le savoir, il faudra subir les raisonnements intimes de chaque gardé à vue. Et subir est parfois le terme. Car tous ici trompent l'ennui en tentant de faire le tri dans ce flot de mots et d'images mentales que personne ne peut arrêter. Avez-vous déjà essayé d'arrêter de penser ? Leur vie défile sous nos yeux et nous fera entrevoir ce qui les a amenés entre ces murs inhospitaliers. L'auteur nous fait vivre l'expérience de la garde à vue en nous plaçant dans leurs têtes : On se retrouve seuls avec leurs pensées, enfermé physiquement mais aussi mentalement puisque, sans distraction, il n'y a plus moyen d'occuper les réflexions autrement qu'en les laissant se dérouler, révélant le plus profond des êtres. Elles prennent alors toute la place, une place démesurée, rebondissant contre les murs de la cellule et contre les parois de notre cerveau, vomissant rage, impuissance, idées politiques, histoires personnelles... Par chance, le style de l'auteur s'adapte à ses personnages, rompant régulièrement la monotonie qui pourrait s'installer. Une fois entré en G.A.V., le lecteur n'a donc plus d'autre choix que de subir les règles du commissariat, les bruits des cellules d'à côté et les méditations de chacun sur ce qui les a amené ici. Un lecteur enfermé pendant 400 pages dans les idées des autres qui, pour s'en libérer, doit les écouter jusqu'au bout, les démêler. Les comprendre. C'est parfois long, de laisser la pensée s'écouler, mais c'est en cela que la forme rejoint le fond, et que ce livre fait sens.
15. La Cour des mirages
Benjamin Dierstein
4.16★ (455)

Attention, ça dépote ! Pour ceux qui voudraient écouter les pensées des personnages pour être au plus proche d'eux, mais tout en conservant une structure de récit classique, La cour des mirages est le roman idéal... A condition toutefois de ne rien avoir contre les histoire abordant les violences sur des mineurs. Il s'agit d'un roman policier, le troisième d'une trilogie mais qui se lit très bien isolément, comme je l'ai fait. Ecrit comme un roman policier classique, il a pourtant un rythme effréné et nous offre un réalisme implacable, mêlant une action débridée aux considérations politiques et syndicales d'un commissariat parisien sous Sarko. Vous vivrez forcément ce roman de l'intérieur car la plume de l'auteur s'adapte à chacun de ses personnages... Or, d'une part ils sont tous survoltés à l'adrénaline, et d'autre part... l'un d'entre eux est sous médoc le rendant paranoïaque et immaîtrisable ! J'ai été fascinée par la faculté de l'auteur à faire monter la pression du lecteur juste en rendant son écriture de plus en plus psychédélique au fur et à mesure que ce flic principal perd la boule. Violent, mais tellement plus intense et vivant que tous les romans policiers que j'ai pu lire jusque là ! Je me souviendrai longtemps de cette lecture.
16. P.r.o.t.o.c.o.l.
Stéphane Vanderhaeghe
4.12★ (77)

Dès la première page, il y a ce suspense en filigrane : On tente de reconstituer le trajet d'un suspect précédant une catastrophe dont on ignore encore tout. C'est en écoutant tour à tour des personnages sans lien apparent que la vérité se dévoilera dans son entièreté. Mais plus on tourne les pages, plus on se rend compte que la manière de raconter de l'auteur est plus importante que cette vérité. D'ailleurs il n'y a pas une seule vérité mais bien une myriade, autant que de personnes pour la percevoir, la ressentir, la vivre, la raconter… Alors il m'est arrivé une chose très étrange : j'ai eu l'impression que le personnage principal de ce roman devenait… la plume de l'auteur. Une vraie « plume à papotte » pour les fans d'Harry Potter, qui écrit plus vrai que nature les pensées de ceux qu'elle laisse s'exprimer, quitte à cautionner leur extravagance, les faire enfler, prendre de l'ampleur et même toute la place. C'est une plume qui suit ses personnages un peu comme dans G.A.V. (de Marin Fouqué - même genre de titre aussi !), mais qui m'a parue plus pointue, précise et digeste. J'ai juste adoré ce moment..
17. La dernière porte avant la nuit
Antonio Lobo Antunes
4.50★ (107)

Tant qu'à explorer les pensées (je change de registre après^^), autant finir en apothéose avec Lobo Antunes : Cinq personnes (2 collecteurs de dettes dont l'un jouant au billard, un avocat, son frère et l'herboriste) impliquées dans un crime et rongées par leurs consciences -ou plutôt par la peur d'être pris - laissent tour à tour, au fil de l'alternance de chapitres qui leur sont consacrés individuellement comme une farandole d'apparence sans fin ni queue ni tête, libre cours à leurs pensées les plus profondes, secrètes, inavouables, dans un flot de conscience tellement ininterrompu (avez-vous déjà essayé d'arrêter de penser - ou même de noter tout ce qui vous passe par la tête durant 5 minutes ?) qu'aucun point ne vient reposer les neurones du lecteur, pourtant parfois en surchauffe devant les sauts spatio-temporels de leur intimité dérangée, avant la fin de chaque chapitre. En les écoutant se torturer les méninges, nous en apprenons un peu plus sur les circonstances du crime : ses causes, sa réalisation, ses intervenants et ses conséquences mais de là à savoir s'ils se feront prendre, l'herboriste à eux - pas de corps pas de crime, il faudra vous farcir chacune de leurs pensées pour le découvrir tout cela étant bien sûr noyé dans un gloubi-boulga de surgissements intempestifs de souvenirs d'enfance, de traumatismes expliquant ou non leurs personnalités, de dialogues d'aujourd'hui mêlés aux résurgences d'hier qui résonnent dans leurs actes et réactions actuelles. J'ai trouvé très amusant de reconstituer l'histoire avec cet embroglio de bribes. Par ailleurs la plume de l'auteur offre de très belles fulgurances. Dommage pourtant que rien dans le ton, l'expression ni le vocabulaire ne viennent différencier les personnages alors même qu'il est écrit qu'ils s'expriment différemment : ça m'a rendu le récit un peu monotone parfois.
18. La nébuleuse de l'insomnie
Antonio Lobo Antunes
3.60★ (100)

Proposé par @berni_29 : "C'est l'histoire contée par un idiot qui soliloque évoquant la trajectoire décadente d'une famille, une histoire brisée, presque incohérente à première vue, fragmentée avec des flux de conscience qui naviguent entre passé et présent. Ici, la forme du texte est un récit qui hésite, balbutie, se lance, s'arrête, entremêlé de voix intérieures, interrompu par la clameur du paysage et des bêtes, des images foisonnantes s'invitent dans ce dédale inextricable qui nous fait cheminer sans cesse à quelques encablures du vide, au bord de la rupture avec la réalité. Perdre pied dans des lambeaux de souvenirs? C'est une histoire de générations, dominée par la figure imposante, brutale, autoritaire du grand-père qui écrase tout de sa stature. Nous sommes dans la campagne portugaise. Il y a un côté addictif dans ces scènes répétitives. Des rideaux qui s'agitent, une horloge sans chiffres, le tremblotement d'une tasse de thé, une lèvre qui tressaute, un cheval qu'on détache de son attèle pour aller à la ville? Il en ressort une écriture puissante qui donne en effet forme au contenu, mais dont le contenu, c'est-à-dire les mots mais surtout le sens des mots s'entrelacent dans cette polyphonie insensée pour finir par nous toucher au coeur."
19. Acid test
Tom Wolfe
3.73★ (793)

Et puis, il y a le gonzo ! "En 1964, le journaliste écrivain Tom Wolfe s'embarque avec un groupe de marginaux californiens, les Merry Pranksters, dans leur bus scolaire conduit par Ken Kesey (auteur de Vol au-dessus d'un nid de coucou) et Neal Cassady (qui inspira le héros de Sur la route de Jack Kerouac). Organisation de concerts-happenings (les Acid tests) et consommation de LSD au coeur du voyage, les rencontres avec les Beatles et Tim Leary, confrontations hilarantes avec la police et trips divers se télescopent ensuite dans un joyeux chaos." Mais comment se contenter de quelques articles de journal, quand on pourrait littéralement écrire un roman de cette folle aventure ? D'ailleurs, écrire un roman est bien la seule façon de faire pénétrer le public dans l'histoire, afin de lui faire véritablement comprendre - vivre ? - ses tenants et ses aboutissants. A condition que le mode d'écriture le permette - Mais qui mieux qu'un auteur de cette vague de « nouveau journalisme » émergeant pourrait créer ce rendu subjectif et percutant ? Ajoutant à ses investigations les témoignages des principaux intéressés, et à son récit une véritable plongée stroboscopique dans les visions déformées, les pensées « éclairées » et les ressentis décousus peints au Day-Glo de cette communauté de camés, Tom Wolfe offre ainsi « une vue kaléidoscopique de l'Amérique depuis un bus conduit sous acide ». En ayant l'impression que l'auteur écrit en voyant et ressentant ce qu'il décrit, et donc en étant sous acide, nous avons nous-même l'impression d'y être aussi ! Une aventure unique et un récit bien barré, difficilement oubliable.
20. Et quelquefois j'ai comme une grande idée
Ken Kesey
4.24★ (1723)

Proposé par @anhj : "Le verdict est sans appel, j'ai aimé ce livre, avec un curieux sentiment d'être séduit malgré moi par cette écriture incroyable dans laquelle l'auteur use et abuse des italiques, des parenthèses, des majuscules pour indiquer plusieurs plans de narration (présent et passé, et passé composé à plusieurs, et personnalités multiples, petites voix dans la tête et j'en passe...), mais les mélange joyeusement tout de même, passe d'un narrateur à l'autre parfois au milieu d'une phrase, souvent dans un paragraphe, et continue son interminable litanie sans trop se soucier de savoir si le lecteur (le) suit. le lecteur se rebelle d'abord devant ce manque évident de savoir-vivre, puis se rend compte qu'il faut un peu lâcher prise, accepter d'être perdu, de ne plus savoir qui s'exprime ou quand, pour voir se dessiner le tableau d'ensemble de cette fresque déjantée, humide, gratte-poil et réjouissante." -------------- (Alors que la grève installée à Wakonda étrangle cette petite ville forestière de l'Oregon, un clan de bûcherons, les Stampers, bravent l'autorité du syndicat, la vindicte populaire et la violence d'une nature à la beauté sans limite. Mené par Henry, le patriarche incontrôlable, et son fils, l'indestructible Hank, les Stampers serrent les rangs...Mais c'est sans compter sur le retour, après des années d'absence, de Lee, le cadet introverti et rêveur, dont le seul dessein est d'assouvir une vengeance.)
21. Confiteor
Jaume Cabré
4.27★ (3684)

Proposé par @Oli2020 : "La forme rejoint le fond sur le fait que l'auteur joue complètement avec les règles de la narration, mélange les lieux, les époques, les protagonistes, allant jusqu'à changer le sujet au cours d'une phrase, reflétant la mémoire vacillante de son personnage principal, le tout formant un gigantesque puzzle qui s'assemble progressivement dans l'esprit du lecteur et laisse bouche bée... Il est inoubliable. Vous voyez ces dessins sur lesquels on ne voit rien d'autre qu'un amas très serré de taches, formes et couleurs, et sur lesquels il faut "loucher" d'une certaine manière pour voir apparaître une image en 3D ? C'est exactement ce que j'ai ressenti avec ce livre. Quelque chose de très difficile à décrire, à expliquer ou même à comprendre. Mais quelque chose d'extrêmement fort. Et c'est la conjugaison de toutes ces histoires, de tous ces liens, et même (et surtout) de ces bizarreries narratives de plus en plus présentes (l'auteur en vient à violer toutes les règles de la narration et de la logique, passant du "je" au "il" dans une même phrase, sautant d'une époque à l'autre dans une même scène... Ça demande un certain lâcher-prise à la lecture !) qui crée cette "chose" d'une autre dimension. Comme dans un rêve (ou dans un film illustrant la folie ou l'azheimer "de l'intérieur"), où les contours du réel vacillent, où les choses perdent de leur sens, de leur texture, mais où vous "comprenez" intimement ce que ça veut dire, ce que ça exprime. "
22. L'obscène oiseau de la nuit
José Donoso
4.18★ (112)

En faisant cette liste, j'ai failli oublier cet OLNI inclassable, extraordinairement labyrinthique ! Versez dans un chaudron des « vieilles » que les agissements secrets pourraient bien faire passer pour des sorcières, abritées dans un couvent latino-américain. Ajoutez-y une plume interactive qui possède tour à tour chaque personnage et situation - ou est possédée par eux : Vous obtenez une mixture de 640 pages des plus étranges ! Ce récit onirique, qui laisse planer le mystère, m'a immédiatement rappelé Les Sorcières d'Eastwick : Si j'avais préféré encore la plume de John Updike, j'ai peut-être préféré cette histoire, au procédé narratif impressionnant. Elle paraît d'abord contenir au moins deux récits miroir entremêlés, un passé et un présent. On les mire en reflet dans de longues phrases qui semblent mêler les temporalités, être commencées par un narrateur et finies par un autre, alors que c'est le même qui ressent tout, entend tout. Comment est-ce possible ? C'est un délire fiévreux que ce roman, dans lequel se mêlent non-seulement présent et passé, mais aussi les rêves, fantasmes et peurs irrationnelles du narrateur. Qui est ce narrateur, vous demanderez-vous tout au long de ce récit ? le sait-il lui même ? Est-il fou ou malade ? Muet ou Sorcière ? Secrétaire ? Amant ? Monstre ? Ecrivain…? Ses complexes personnels sont aussi exploités que le contexte économique et de légendes de cette société latino-américaine, où tentent de cohabiter l'aristocratie et le peuple, les gens normaux et les monstres, les reclus et les gens libérés. Sont-ce les mêmes personnes que le délire paranoïaque du narrateur, et les déformations inhérentes aux histoires racontées, font passer de réelles à fantasmées, ou s'agit-il de deux récits séparés par les années, que les circonstances, similitudes ou conséquences font se superposer dans ce récit, montrant leurs lien et ressemblance ? le doute vous habitera jusqu'à la fin, tant l'auteur distord l'espace et le temps, et même les caractères physiques et moraux de ses personnages jusqu'à l'extrême. Une plume qui reflète le réalisme magique du pays, à découvrir absolument si vous n'avez pas peur de l'étrange ni de vous perdre.
23. Alors Carcasse
Mariette Navarro
4.00★ (33)

Proposé par @berni_29 : "Alors Carcasse est un texte beau et insolite qui m'a cueilli au bord d'un seuil. Mariette Navarro nous invite à la rencontre de Carcasse, étrange personnage dont on ne sait s'il est une femme ou un homme, s'il est un enfant, un adulte ou un vieillard, un être humain sûrement, une sorte de silhouette croisée au bord d'un seuil... Personnage tour à tour drôle et tragique, au nom improbable, à l'absence d'histoire, de fonction, mais qui nous apparaît intense, vivant intensément au bord de ce seuil, ressentant intensément les choses... Le texte nous entraîne au bord de ce seuil. Mais quel est ce seuil ? Est-ce une invitation, le bord d'un précipice, une ligne de partage des eaux, le passage entre deux mondes, un seuil réel ou simplement symbolique... Le texte se révèle être à lui seul une expérience insolite, audacieuse, frôlant l'exercice de style sans l'être du tout, bien au contraire. Bien sûr la forme du texte est tout d'abord déroutante. Plusieurs paragraphes se succèdent, comme des litanies, scandées dans une clameur qu'on pourrait imaginer théâtrale, chaque paragraphe devient une variation, c'est une lecture qui permet de déplacer les points de vue, un point de vue différent dans l'immobilité et le silence de Carcasse. On peut tout imaginer à partir de rien, à partir de nos points de vue, de nos représentations, de notre propre expérience de l'existence. C'est en cela que ce texte a une portée personnelle, touchant à l'intime et résonnant malgré tout dans l'écho universel."
24. Ce que j'appelle oubli
Laurent Mauvignier
3.89★ (552)

... maintenant que vous êtes échauffés, je vous propose une lecture en apnée mais courte, promis, elle parle d'un "fait divers", un vigile ayant tabassé à mort le client d'une supérette, un fait que tout le monde a oublié et je suis sûre que vous trouvez ça révoltant mais personne n'était là pour lui lorsqu'il était encore en vie, personne ne l'entendait penser lorsqu'il mourait, quand sa propre vie l'abandonnait, tandis qu'il se faisait tabasser « pour ça », pour rien, alors heureusement qu'il y a Laurent Mauvignier, le seul à pouvoir faire parler les morts en une phrase de 60 pages, une seule phrase comme une seule vie par personne mais dans laquelle les voix et les actes de chacun s'intriquent, ont des répercutions dans la vie de tous, c'est ça qu'il fait Mauvignier, écouter les pensées discourir sans discontinuer, nous les restituer sans les censurer, les édulcorer, les arranger, parce que même si je ne suis plus très objective quand il s'agit de cet auteur, cette forme a du sens, une seule phrase comme un seul regard qui englobe tout, un seul tout formé de multiples actes dont les causes de certains trouvent leurs origines bien avant les faits et d'autres en seront les conséquences bien après, sans qu'il n'y ait de début ni de fin, juste la vie qui coule, qui s'écoule de l'un et se poursuit ailleurs, une seule pensée sans début ni fin, sans majuscule ni point, un hommage à la victime et à sa famille, car cette histoire est un tout, un amas inextricable d'actions, une suite de moments qui ont amené à cette situation dans une communauté où l'on peut mourir « pour ça », pour rien, une seule phrase qu'une fois lancée on ne peut plus arrêter, exactement comme le déroulement insensé de cette tragédie à l'issue inéluctable, que personne n'est venu interrompre avant la fin, mais la fin pour qui ? cette seule phrase comme une trainée de poudre, seul souvenir d'une mort qui déjà s'évapore comme toutes celles qui, chaque jour, traversent le temps mais jamais ne le marquent, alors pour ne pas que cette tragédie tombe dans « ce que j'appelle l'oubli », Mauvignier est peut-être le seul à pouvoir nous faire ressentir, pêle-mêle, autant de sensations et pensées, nous faire souffrir avec la victime mourant en silence de cette injustice criante, entrer dans sa tête « quand il y avait cette voix qui continuait et répétait, pas maintenant, pas comme ça, jusqu'à ce qu'elle se taise elle aussi et s'efface dans un chuchotement, trois fois rien, un sifflement, sa voix à lui qui continuera dans sa tête à murmurer, à répéter toujours pas maintenant, pas maintenant, pas comme ça, pas maintenant » -
25. La Route des Flandres
Claude Simon
3.86★ (679)

Proposé par @manuwinnie -----> description extraite de la critique de JacquesBonhomme : "S'immerger dans quoi? Dans la fièvre. le chaos de la fièvre. L'esprit à sauts et à gambades. La fièvre qui abolit les distances et le temps. La fièvre qui replie les dimensions. La fièvre. Tout cela est servi par un style déconcertant, syntaxiquement éclaté, une narration kaléidoscopique et attentive à la sensation (une touffe d'herbe au pied d'un mur au premier plan sera bien mieux décrite qu'une sentinelle allemande entraperçue furtivement.) Pour cet ouvrage de 1960 j'ai oui dire que c'était alors la période formaliste et Nouveau Roman de Claude Simon. Je sens déjà le lecteur potentiel engager la procédure de secours, la main sur la poignée d'éjection. C'est normal. Mais attendez. La forme est omniprésente (il y a tellement de travail que le travail ne se voit pas), mais elle est efficace et emportera celui qui acceptera de se laisser glisser. Je ne décris pas plus cette forme. Voyez éventuellement quelques citations. Mais en gardant à l'esprit que ce roman est probablement à peu près incitable, dès lors que - s'éloignant radicalement des critères du bon goût ordinaire (sujet, verbe, complément, une situation, des personnages, un temps un lieu, une action) - il se présente comme un écheveau narratif qui pourrait presque faire passer Proust pour Gérard de Villiers et Jacques le fataliste pour un rapport circonstancié de gendarmerie. La mer toujours recommencée: rouleaux, lames, vagues, vaguelettes, toujours au moins clapot. Notons également que si dans cette histoire de fièvre il y a du drame, du sexe, mais aussi de l'humour (une fois le récit bien lancé). Un vrai humour de roman avec une gourmandise pour la narration et même les racontars."
26. Tè mawon
Michael Roch
3.69★ (225)

Proposé par @HordeDuContrevent : "Nous avons entre les mains un roman cyberpunk afro-caribéen dans lequel, dans un futur pas si lointain, fin du 21ème siècle, une mégalopole, Lanvil, est au centre du monde, ville tentaculaire, gigantesque couvrant les Caraïbes, depuis Cuba jusqu'au Venezuela, ville bétonnée aux rayons de soleil et aux paysages artificiels. (…) Les personnages fomentent un plan pour se soulever et découvrir la terre de leurs ancêtres qui se cache sous la surface de la ville. Creuser, creuser, retrouver les racines, celle de la Tè mawon (Terre marron). Quel tour de force a réussi Michael Roch avec ce livre ! Quelle audace ! Avec « Tè mawon », ce jeune auteur non seulement explique mais surtout prouve que nous pouvons dépasser l'obstacle du langage et réussir à se comprendre les uns les autres. En effet, ce roman choral est une véritable expérience de littérature car parole est donnée à différents personnages qui ont tous leur langage propre, singulier, voire leur propre dialecte. Un certain nombre d'entre eux parlent créole mais, nous le comprenons peu à peu, ils n'utilisent pas tous les mêmes mots, certains en inventent même. Pas la peine de vous dire que ce livre est exigeant, je me suis vue murmurer, revenir en arrière, lire plusieurs fois certains passages, comprendre certaines expressions à force de les rencontrer… L'exigence de cette lecture le dispute à la curiosité, voire l'excitation, que nous avons d'avancer dans le roman, de résoudre l'énigme de la Tè mawon, du Tout-monde, progression et résolution possible pour nous uniquement en faisant l'effort de comprendre le langage de chaque personnage. Cette façon d'embarquer le lecteur et de le rendre actif est bien vu et réjouissante ! « Faut te demander à quel moment, dans ta tête, ta langue écrase l'autre. A quel moment tu oublies que tu appartiens au monde entier, et à quel moment tu acceptes de t'enfermer dans une seule partie de l'humanité », tel est le message que désire nous transmettre ce livre polyphonique et polyculturel."
27. Le Déchronologue
Stéphane Beauverger
3.90★ (1861)

Nous n'avions pas encore joué avec le temps ---> réparons cela grâce à la suggestion de @gatsbi : "Stéphane Beauverger nous livre une fresque flamboyante de la flibuste caraïbe du XIIe siècle, à travers les notes (le carnet de bord) du capitaine Henri Villon : avec son background fouillé, son esprit et son éloquence, ce narrateur de haut vol porte le récit avec maestria et pour notre plus grand plaisir de lecture, sans compter une recherche linguistique que je n'ose même pas imaginer, tant la prose concoctée par l'auteur est riche, colorée, imaginative, parfois hilarante, et surtout à propos. (...) Et l'uchronie dans tout ça ? Plusieurs thèmes classiques de la SF liés au temps sont exploités dans ce roman. Ainsi, tout au long de l'histoire, de mystérieux artefacts appelés maravillas issus d'époques étrangères se retrouvent catapultés dans l'univers de nos flibustiers, suscitant bien vite convoitise et commerce. Ce thème est omniprésent dans le livre, et très richement travaillé par l'auteur. (...) 25 chapitres déchronologisés, c'est aussi ça, le Déchronologue… Pour ma part, j'ai pu avaler les 100 premières pages assez facilement avant d'avoir trop de trames à retenir. Les 100 dernières aussi, boosté par l'envie de connaître le dénouement. Pour le reste (quand même 350 pages), ce fut une longue traversée du désert. Avant d'entamer chaque nouveau chapitre, je devais relire systématiquement les dernières pages du chapitre précédent, ou du moins du dernier chapitre situé avant chronologiquement parlant. (...) l'auteur a voulu jouer et faire écho avec son univers en mélangeant ainsi les chapitres de son roman. En tout cas, et c'est à mettre à son actif, il ne s'est évidemment pas contenté de simplement mélanger les chapitres chronologiques : il a dû les retravailler astucieusement de manière à ménager l'intérêt du lecteur en évitant de divulguer précocement certaines informations. "
28. Marelle
Julio Cortázar
4.14★ (964)

Proposé par bobfutur : Un défi fantastique à relever, ce « Livre dont vous êtes le héros », premier du genre, parent littéraire du fameux « Labyrinthe de la Mort », ou autres aventures du Loup Solitaire… Sauf que celui-ci n'a pas de règles bien établies. … On ne peut pas tricher — garder le doigt sur la page précédente, afin d'y revenir si la mort, cette abrupte fin, se présente après un mauvais choix — il faut juste choisir si l'on veut le lire dans sa linéarité, ou bien plutôt suivre ses renvois au gré d'une apparente anarchie.
29. Le Chemin des forçats
Alexandre Soljenitsyne
3.00★ (13)

Et si la forme poétique pouvait aussi avoir un rôle à jouer avec le fond de ce qu'elle raconte ? Quand SOLJENITSYNE compose ce texte, dans les années 1950, il vient d'être transféré au bagne parce que certaines de ses correspondances, jugées dissidentes, ont été interceptées. Retenant la leçon, il formule alors cet immense poème en prose pour raconter son histoire… Ce récit est destiné à être retenu et transmis, sans comporter pour lui le risque de laisser une trace écrite compromettante. Par son contenu autant que par sa forme, ce texte démontre donc entre autres choses les dérives d'un Etat de censure, et constitue finalement la résistance de son auteur au nom de sa liberté d'expression et de la liberté d'informer le monde de ce qui se passe sous ses yeux. Lire SOLJENITSYNE, c'est donc encore méditer sur cette liberté d'expression que nous défendons en France aujourd'hui, celle qui fonde la démocratie : « Qui saura tout cela, qui pourra Jamais l'écrire ? Il faut l'écrire. Avec clarté, pondération, sans haine, Maintenant ! (...) Je le ferai en vers : Peut-être grâce à la mesure et la musique je saurai Sauvegarder en moi la parole apparue ! Alors libre à vous de me fouiller au corps : Me voici, tout à vous. Pas un papier, pas une ligne ! En ce miracle de Dieu, notre mémoire indestructible, Sera hors de portée de vos mains de bourreaux ! »
30. Les Frères Lehman
Stefano Massini
4.13★ (804)

Proposé par @MaggyM : "Entièrement écrit en vers sans rime, le roman raconte le fabuleux destins des "Lehman Brothers", de la banque du même nom qui a fait faillite début des années 2000. Le style donne un vrai rythme, on a envie de lire d'une traite alors qu'il y a plus de 900 pages en poche... Il y a un passage sur la guerre de Sécession, on croyait entendre les canons juste par la sonorité des vers et leur répétition. Une vraie expérience littéraire." ------------- (11 septembre 1844, apparition. Heyum Lehman arrive de Rimpar, Bavière, à New York. Il a perdu 8 kg en 45 jours de traversée. Il fait venir ses deux frères pour travailler avec lui. 15 septembre 2008, disparition. La banque Lehman Brothers fait faillite. Elle a vendu au monde coton, charbon, café, acier, pétrole, armes, tabac, télévisions, ordinateurs et illusions, pendant plus de 150 ans.)
31. Fictions
Jorge Luis Borges
4.07★ (4428)

Proposé par @HundredDreams : "Le recueil de nouvelles "Fictions" de Jorge Luis Borges est une expérience littéraire aussi inattendue qu’unique. Ses textes au style dense, complexe et érudit, sont à la frontière de plusieurs genres, et utilise entre autres, l'ironie, l'allégorie, la parodie, la narration non linéaire, les récits imbriqués et les jeux de miroir, les labyrinthes de sens. Son style est également marqué l’utilisation fréquente de références littéraires, philosophiques et mythologiques. L’auteur, avec un talent rare, entretient ainsi la confusion entre le réel et l'irréel, la réalité et le rêve, le possible et l'impossible, le vrai et le faux, le visible et l'invisible, un monde fini et infini. Ses récits sont fascinants et font réfléchir, offrant une exploration de thèmes philosophiques et métaphysiques complexes, tels que l'identité, l'illusion de la réalité, la nature du temps et de l'espace, la connaissance."
32. Microfictions 2018
Régis Jauffret
3.73★ (202)

Proposé par julienraynaud : "Livre hors-normes, proposant 500 microfictions de deux pages chacune. Jauffret a fait le coup au lecteur en 2007, puis en 2018, puis en 2022. Au lecteur de réussir le challenge de les lire au rythme de leur publication. Pour ceux qui ignorent ce qu'est une microfiction sauce Jauffret, on peut prendre l'exemple du texte "Crache, ma fille, crache" (p. 149). Un couple et leur fille. La femme est adultère, et pour un mot du mari, elle se jette sur lui pour lui arracher les yeux. Il la frappe, elle tombe à terre, la fille lui crache dessus pour la réveiller. La mère se jette sur sa fille pour lui faire du mal. Le père intervient et finalement le gratin est réchauffé pour terminer la soirée "cahin-caha". Voilà l'ambiance Jauffret, mais c'est tellement bien écrit qu'on éclate de rire et qu'on se convainc que tout le reste de la littérature française n'est que fadeur. Dans chaque microfiction, le style est le même. Notamment, une utilisation atypique des tirets, qui donne l'impression que les personnages témoignent, donnent une interview. Une manière pour l'auteur de s'éloigner de ces monstres ? Sauf qu'on a aussi beaucoup de je et de nous, qui font disparaître toute distance. Le lecteur est donc bien enrôlé dans ce tourbillon de meurtres, de coups bas et d'infamies. Donc c'est bien pour les aventuriers de la littérature !"
33. Les Furtifs
Alain Damasio
3.90★ (5516)

Proposé par @Michel69004 : "Ce livre est une vraie expérience, qui nécessite un certain effort. Mais accepter de ne pas tout comprendre de suite est aussi une option. Ce n'est pas une dystopie, ni une uchronie plutôt un roman d'anticipation politique et poétique. Appréhender la furtivité à travers cette belle histoire d'amour et de parentalité n'était pas chose facile. C'est parfaitement réussi. Les inventions typographiques et le recours à la linguistique ne doivent pas faire oublier qu'il s'agit d'un formidable livre d'aventure avec des séquences d'anthologie ( bataille des toits, fugue des calanques, traque des furtifs en parc d'attraction). J'ai beaucoup aimé les personnages aussi. Fragiles et héroïques. Cela va beaucoup plus loin que Black Miror par exemple car tout converge vers une merveilleuse allégorie politique. A lire d'une traite. "
34. La Horde du Contrevent
Alain Damasio
4.35★ (15482)

Proposé par @Thesauruskatinite : "les pages sont numérotées à l'envers (commence à la page 500 et quelques, finit à la page zéro), pour montrer que les protagonistes se rapprochent du but de leur quête. Par ailleurs, l'histoire se déroule dans un monde qui ressemble au nôtre, et en est pourtant différent, ce qui est mimé par l'écriture : c'est du français, mais assez inventif, la syntaxe n'est pas rigoureusement respectée, il y a des mots inventés, etc."
35. Crafouilli
Serge Rivron
4.20★ (9)

proposé par @Thesauruskatinite : "c'est l'histoire d'un peuple inventé (les Crafouillis), depuis son apparition au bord d'un ruisseau d'Auvergne, jusqu'aux temps modernes (télévision, suprématie médiatique, tourisme...) en passant par les temps anciens légendaires et un passé aux allures historiques. L'écriture, pour le coup, est très inventive, bien plus que celle de Damasio : une sorte d'ancien français à la Rabelais, mélangé à de l'argot à la Céline, avec beaucoup d'inventions, ce qui rend bien compte de l'évolution du peuple crafouilli, sa découverte du langage, etc."
36. La tristesse est un esprit de feu
Manfred Resveur
4.50★ (13)

Proposé par @Thesauruskatinite : "la langue est assez classique, cette fois, mais adaptée aux personnages : l'un des personnages passe plus de temps au milieu des livres qu'avec les gens, ce qui est rendu par des introspections assez fouillées, et par le fait que ses phrases sont souvent des citations de livres (ce qui au passage fait découvrir quelques bouquins que je ne connaissais pas) ; un autre personnage n'a aucune confiance en lui et se détermine par rapport aux autres, alors son langage est fait de phrases toutes faites entre guillemets, comme s'il était incapable de parler spontanément et qu'il ne faisait que répéter ce qu'il entend. Etc. Il y a aussi un moment où le narrateur s'efface devant un personnage, ce qui fait que la narration passe de la 3e personne à la 1ère."
37. Les hauteurs béantes
Alexandre Zinoviev
3.90★ (81)

Proposé par @Thesauruskatinite : "Zinoviev alterne entre des passages romancés, des analyses linguistiques et sociologiques, des théories logiques et philosophiques, et même de la poésie, selon ce qui convient le mieux à ce qu'il a à dire. Il y a aussi le fait que les personnages n'ont pas de nom, mais seulement une fonction ("le chanteur", "l'écrivain", etc.), pour montrer la déshumanisation imposée par le totalitarisme soviétique, et en même temps pour donner une portée plus générale aux analyses de Zinoviev. "
38. La Caverne des idées
José Carlos Somoza
3.86★ (865)

Proposé par @Oli2020 : "Des petites notes en bas de page du traducteur, qui prennent de plus en plus de place, et finissent par devenir une intrigue à part entière, qui vient ensuite s'entremêler au récit principal, les récits s'emmêlent, comme une mise en abîme, des poupées russes, les lignes se brouillent et le lecteur est confus... Le genre de lecture totalement atypique et qui marque." -------------- (Un éphèbe est retrouvé mort dans les rues d'Athènes. Son ancien mentor à l'Académie sollicite les services d'un fin limier : Héraclès Pontor, le Déchiffreur d’Énigmes. La joute philosophique se superpose à l'investigation policière, tandis que les crimes s'enchaînent.)
39. Illuminae, tome 1 : Dossier Alexander
Jay Kristoff
4.21★ (1229)

Proposé par @MaggyM : "C'est une trilogie SF "jeunesse" (mais que j'ai quand même adorée en tant qu'adulte). Le premier tome est vraiment bluffant car on a la surprise de la découverte de la forme du récit (on n'a plus de surprise pour les autres tomes bien sûr mais ça reste de même qualité). Donc, on est dans un vaisseau spatial, quelque part dans l'espace, avec un équipage et une IA. La mise en page colle au récit à chaque instant, on reconnait le personnage de l'IA rien qu'avec la police utilisée et le fond de page, on a parfois des extraits de rapports, quand le vaisseau est en difficulté, le texte s'enroule sur lui-même, quand il y a une explosion, le texte est éclaté sur la page, si l'IA bugge, il manque des mots... Vraiment c'était hyper immersif (et je l'ai déjà conseillé des dizaines de fois pour des ados qui commencent à aimer la lecture mais qui restent prudents dans leur choix car je suis certaine que s'ils aiment la SF, ils vont juste adorer ce bouquin et se rendre compte que la littérature, c'est plein de choses étonnantes)."
40. Le Quatrième Roi mage
Antonio Exposito
3.59★ (97)

Proposé par Golthlay : "Ce petit livre ne contient pas un roman, ni une pièce de théâtre, un conte ou encore un poème. Ce qui se trouve disséminé dans ces quelque 500 pages est un croisement bizarroïde, un truc se trouvant au carrefour de ces genres, il emprunte à chacun et pourtant s'en distingue à chaque fois. Je n'ai jamais lu d'ouvrage qui pourrait se comparer à celui-ci. C'est une odyssée épique et tragique, un conte qui raconte la naissance d'une légende contemporaine et commerciale à partir d'un mythe et d'un background religieux."
41. Étraves
Sylvain Coher
3.29★ (126)

Proposé par @HordeDuContrevent : " Coup de coeur pour ce récit maritime aux allures de conte servi dans une langue tout à fait étonnante, totalement créative, inventive, empruntant à l'argot, aux récits maritimes classiques, à la technique marine, aux expressions que l'auteur tord et déforme à sa guise, aux néologismes surprenants. Cette lecture est une vague rafraichissante et romanesque qui sort des courants battus. J'en suis encore sonnée et éblouie, les orbites en cale sèche à les maintenir grandes ouvertes tant mon admiration fut immense : comment Sylvain Coher a-t-il pu imaginer et écrire tout un livre de la sorte, avec cette plume si singulière, et faire de son livre une magnifique aventure de littérature ? Chaque phrase, lue à voix haute pour ma part, m'a donné l'impression d'une perle trouvée dans une huitre tant chacune d'elles est taillée au cordeau, irisée, subtile, élégante et imprévue. C'est à la fois drôle et poétique, cru et éclatant, suranné et ultra-moderne… Dans un futur lointain, la mer recouvre désormais toutes les terres depuis l'avènement de « l'Inondoir » durant lequel « toute la flotte contenue dans la terre s'est retrouvée d'un coup sur la terre ». Quelques rares ilots subsistent où vivent les derniers « culs-terreux », des « Pousse-caillloux » désireux de garder jalousement ces derniers arpents de terre, éloignant avec violence toute tentative d'abordage de cette masse grouillante de marins, de claque-dent, de matafs, de Sang-salés, qui survivent comme ils peuvent sur leurs rafiots moisis. Tout l'équipage du Ghost a été fait prisonnier par des Terriens et un marin, Blaquet, raconte comment et pourquoi ils sont arrivés ainsi proches des côtes interdites. Soliloque haut en couleur et courageux dans lequel nous suivons l'histoire d'un jeune marin d'une quinzaine d'années, Petit Roux, qui s'oppose au reste de l'équipage."
42. Et dormir dans l'oubli comme un requin dans l'onde
Steven Hall
3.62★ (105)

Est-on dans un simple roman d'aventure fantastique ? Dans le cerveau d'un malade ? Dans un conte métaphorique sur le langage ? Ou encore un remake modernisé du mythe d'Orphée et d'Eurydice, où Orphée ne peut sauver sa belle et la remonter des ténèbres (encore un mot indice dans le texte) à cause de son action ? Ou même d'un mélange de tout cela ? Orphée… Comme le bateau qui prendra corps sous les yeux d'Eric pour le mener vers la fin de son histoire. N'étant a priori pas une fan de littérature fantastico-onirique, j'aurais pu mettre 4/5 à ce roman mais j'ajoute une demi étoile car l'intrication habile des genres (mythique, psychologique) m'a fait non seulement aimer, comprendre, mais aussi m'amuser à chercher le sens et l'issue de ce texte : J'ai adoré suivre la piste des indices semés par l'auteur dans ses textes (objet ou action, formulation, clins d'oeil - il joue aussi avec lui-même). Explorer le dédale de l'esprit humain. Comme dans La Maison des feuilles, je m'attendais à ce que l'auteur nous laisse avec notre propre interprétation mais il a finalement pris la peine de nous offrir une très jolie fin, moins ouverte que Danielewski mais malicieuse… Une imbrication réussie de mythes, de psychologie, d'imaginaire, d'amour, et aussi de mise en page qui aide encore à l'immersion et à la compréhension du processus décrit par l'auteur. La mise en page, que j'avais trouvé sans intérêt par exemple dans "Charognards", fait ici sens et sert la lecture, comme dans "La Maison des feuilles". Même si j'avoue avoir laissé le personnage se débattre avec les passages codés qui me paraissaient complexes, l'auteur nous met en succès avec des détails parlant qui se recoupent dans les différents récits (j'ai beaucoup aimé le verre d'eau par exemple, la façon dont les idées poisseuses prenaient vie). C'est une lecture moins extraordinairement foisonnante que La Maison des feuilles : Elle peut donc souffrir de passer après cet OLNI. Pourtant, elle demeure une oeuvre à part entière d'une vraie originalité, intéressante pour le savant mélange des genres opéré par l'auteur.
43. La ville est un échiquier
John Brunner
3.62★ (136)

Proposé par bdelhausse : l'auteur développe un polar qui reproduit une partie d'échecs réellement disputée.
44. La Maison des feuilles
Mark Z. Danielewski
4.09★ (3043)

Bon, là on est clairement dans le haut du panier des expériences littéraires, qui joue avec toutes les données précédentes. Ici ce n'est pas seulement que l'auteur nous plonge dans les pensées de ses personnages : Il explore absolument tout ce qui peut faire VIVRE à son lecteur l'expérience qui est décrite dans son histoire. Or, celle-ci raconte l'expérience des habitants d'une maison qui sont totalement désorientés par des pièces qui semblent surgirent régulièrement de nulle part, jusqu'à former un véritable labyrinthe duquel personne ne revient ...! Phénomène explicable, surnaturel, psychologique, métaphorique ou autre ? Comme les perso, vous devrez donner de votre personne pour le découvrir : l'auteur fait de son livre un véritable labyrinthe, avec plusieurs histoires imbriquées, des temporalités différentes, des notes de bas de page qui renvoient comme des passages secrets à des annexes et pièces en fin d'ouvrages et deviennent une histoire parallèle à part entière... Et puis la mise en page suit le mouvement puisqu'elle se met en forme d'escalier quand les personnages en grimpent un, forme parfois un labyrinthe qui vous perdra, autant que les personnages, à force de tourner les pages littéralement dans tous les sens. Enfin, comme les personnages, vous mènerez l'enquête sur ces phénomènes à l'aide d'indices à récolter dans tout le livre (et pas seulement dans le récit^^), bref : une lecture 3D immersive au plus au haut point, mais qui en a rendu chèvre plus d'un ! A ne pas lire quand vous avez envie d'un récit linéaire de détente ;-)
45. La Mâchoire de Caïn
Edward Powys Mathers
3.50★ (762)

Je finis en beauté, pour les plus téméraires d'entre vous, avec un livre tellement spécial sur la forme que je n'ai pas encore résolu son énigme, n'ayant pas eu le temps de m'y pencher vraiment. Ayant seulement entamé... la... lectureconstitution, je vous laisse avec la 4ème de couv : "Six meurtres. Cent pages. Des millions de possibilités… une seule est la bonne. Les pages de ce livre ont été accidentellement imprimées dans le désordre, mais il est possible – avec un peu d’intelligence et de logique – de les remettre dans l’ordre, et de découvrir ainsi qui sont les six victimes et leurs meurtriers. Depuis 1934, seulement trois personnes ont réussi à résoudre l’énigme de La Mâchoire de Caïn : êtes-vous suffisamment fort pour rejoindre leur rang ? Avertissement : cette énigme diabolique est déconseillée aux âmes sensibles." Les plus intrépides d'entre vous savent désormais ce qu'il leur reste à faire !!! Bon courage ! J'espère que cette liste aura pu éveiller votre curiosité littéraire, et que vous m'en ferez découvrir plein d'autres !
46. La Maison dans laquelle
Mariam Petrosyan
4.14★ (1512)

Prenez cette suggestion de lecture comme un bonus : Je n'étais pas sûre que l'on puisse dire que la forme rejoint le fond, ou si tout simplement l'auteure avait su décrire une ambiance fascinante. Mais les babélamis ont à l'unanimité voté pour l'insérer alors je ne me fais pas prier : voici nos éloges polyphoniques pour ce coup de coeur magistral ! @HundredDreams "« La maison dans laquelle » est un roman étonnant. Brillamment construit, c'est une incroyable expérience de lecture, dans laquelle le lecteur fluctue entre rêves et cauchemars, réalité et imaginaire. Le roman est construit comme un échiquier géant en perpétuel mouvement dont chaque pièce déplacée, soulève de nouveaux questionnements, de nouveaux secrets. Et la détentrice de tous ces secrets, la pièce maîtresse de ce récit, c’est sans aucun doute la Maison." @berni_29 "C'est un titre amputé, avec un trou béant laissé devant nous et qu'il reste à combler, à contourner peut-être pour ne pas tomber dedans... Un titre avorté, cabossé, fracturé, piétiné, qu'il reste à reconstruire, imaginer, habiter peut-être... Avortés, cabossés, fracturés, piétinés, ils le sont aussi les pensionnaires de cette Maison, des enfants, - les petits, et des adolescents, - les grands, qui sont entrés un jour dans cette Maison parce qu'ils étaient tous handicapés... Bienvenue les gosses !" @Patlancien "C'est un livre de 1000 pages pour des lecteurs avertis. le nombre de personnages, de lieux, de temps vous entraînent dans un maelström d'histoires et d'aventures. (...)Les chapitres s'entrechoquent en représentant soit le point de vue d'un personnage ou une année écoulée. On passe ainsi du « je » au « il »sans aucune transition, du passé au présent, du jour à la nuit, de l'été à l'hiver. Mais c'est surtout grâce à l'écriture juste et vraie de Mariam Petrosyan que l'on peut évoluer à l'intérieur du livre sans s'épuiser ou pire se perdre.Un roman envoutant et marginal, et exigeant." @LaBiblidOnee : "sous nos yeux s'anime et s'agite tout un imaginaire dans lequel s'ancrent ces enfants pour survivre aux réalités difficiles de leur vie, peuplé de monstres et de gentils fantômes, de passages secrets jusqu'à un « autre monde », d'ombres nocturnes et de contes effrayants qui font office de mythes fondateurs. Des événements se déroulent dans la maison qui flirtent avec le fantastique. Est-ce réel ou l'imagination des enfants, les drogues, les cachets ? Mais le fait d'y croire, n'est-ce pas déjà faire exister cet autre monde, qui les attire et les effraie…? En dévoiler plus serait trahir la Maison dans laquelle… Dans laquelle quoi ? Tout le plaisir du lecteur réside dans cette question, celle que les nouveaux venus se posent et qui tiendra le lecteur en haleine pendant plus de mille pages. N'ayez pas peur de vous y perdre, car le but n'est pas l'arrivée mais le chemin, celui qui mène de l'enfance à l'âge adulte." Nous espérons avoir conquis de nouvelle recrues pour la promotion suivante !
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