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Critique de JeanLibremont


Ce roman raconte par la bande romanesque la maniere dont l'affaire Clearstream - la banque Shark dans le roman - fut médiatiquement et politiquement étouffée dans la réalité. L'auteur est celui-la meme qui, en tant que journaliste d'investigation, révéla l'affaire. Cette révélation aurait du changer le fonctionnement -ou plutot dysfonctionnement - de la finance mondiale et, par conséquent, assainir sensiblement le fonctionnement de l'économie libérale mais ce ne fut pas le cas, en particulier du fait du silence complice des médias ainsi que de l'apathie des magistrats et des politiques.

Le roman est aussi un dialogue entre Klébert, le journaliste d'investigation ayant levé le lievre Shark, mais dont les révélations sous forme de livre ont fait long feu, et son ami psychiatre a qui il s'en remet pour réécrire le livre de maniere a ce que ses révélations réussissent a couler Shark. Klébert et son ami le psychiatre incarnent bien-sur tous deux Denis Robert. le dialogue entre Denis Robert et Denis Robert tourne, d'une part, autour de la question du pouvoir de la vérité a changer un systeme toxique malgré les proces, le barrage des médias et l'indifférence feinte de la politique. La fin du roman offre une réponse optimiste a cette question: "Les livres sont des barrages. On les construit de nos mains, face a la houle des idées convenues et répétées si souvent qu'elles semblent avoir faconné un monde immuable. Alors que pas du tout. le monde est transformable. Sa domination par un petit groupe d'initiés n'est pas une fatalité si on perce un a un leurs secrets." C'est le message du livre: la vérité peut vaincre le secret et le mensonge.

Apres des années d'attaques judiciaires en réaction a son enquete, Denis Robert a fini par avoir gain de cause devant les tribunaux (oui, la démocratie francaise fonctionne), mais ses révélations ont fini dans la mer des Sargasses des vérités dérangeantes. Si donc, littérairement, ce roman peut paraitre anodin, je le considere comme un élément du travail de l'auteur pour sauver de l'oubli la cartographie de la pointe émergée d'un iceberg financier franchement toxique du fait des sommes astronomiques qui se trouvent ainsi soustraites aux circuits de l'économie réelle au bénéfice d'une économie virtuelle qui finit par étouffer la premiere.

L'avantage d'un roman, c'est qu'on peut y dire ce que l'on ne pourrait pas dans une enquete journalistique a moins de disposer de preuves précises. Ainsi, la banque de compensation luxembourgeoise du roman - la bien nommée Shark ("requin") - apparait protégée depuis les USA, ce qu'il serait juridiquement (et peut-etre meme autrement) dangereux de prétendre sans preuves (naturellement inaccessibles) dans une enquete journalistique. Partant de la, on peut se douter que Shark est inféodée, d'une maniere ou d'une autre, au renseignement américain...

La fin de ce roman qui n'en est probablement pas un est plutot gratinée puisqu'on y apprend que Shark est, a l'origine, la création d'un mouvement évangélique pacifiste - l'Église de la Réconciliation (est-ce l'International Fellowship of Reconciliation dont fit partie, notamment, Martin Luther King ?) - qui monnaie cherement et a tout vent (sans se préoccuper de la nature des fonds ainsi occultés) ses services d'évasion de capitaux afin de financer ses programmes caritatifs mais aussi anticommunistes (en Amérique Latine, Afrique et Europe Centrale)... Pure fiction ou clé de la véritable affaire, celle de Clearstream présente en filigrane a travers tout le "roman" ? Une clé tellement énorme que Denis Robert n'a jamais voulu - ou pu, faute de preuves - la révéler dans ses écrits d'investigation journalistique ?

Au bout de tout ca, en supposant que le roman, dans ses révélations fictives sur l'affaire Shark, est en fait la face cachée de l'affaire Clearstream, la question qui me vient a l'esprit est: toute vérité est-elle bonne a dire ? Si les révélations de Denis Robert avaient réussi en son temps a "laminer" (comme dit l'auteur) Clearstream, le monde en aurait-il été, en serait-il meilleur ? Si vraiment tout au sommet de Clearstream il y a ceux que l'auteur met derriere Shark dans son roman, cela m'évoque le fameux symbole du yin et du yang sur la dualité des choses. Meme en faisant abstraction de la relativité des notions de "bon" et "mauvais", rien n'est tout bon ou tout mauvais. Dans notre monde soumis aux aléas de la matiere, il y a invariablement du bon dans le mauvais et du mauvais dans le bon. Comment juger de la part de l'un et de l'autre dans le cas Clearstream ?
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