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Critique de fayosebasteo


critique pour "Souvenirs Tenus" de Cristian Ronsmans, conférencier dans les domaines culturels et littéraires.

Le basculement poétique consiste à mettre en oeuvre une procédure alchimique bien connue.

La « materia prima » est enfermée dans la gangue de l'infra conscient. Cette « materia prima » va devoir être libérée de ses impuretés pour pouvoir émerger au conscient. C'est le passage, par dévoilement de l'ésotérisme à l'exotérisme. C'est une épreuve très difficile, digne de celle que connaissent les tailleurs de diamant qu'un geste de trop ou maladroit peut définitivement entacher ou blesser. Cette véritable Oeuvre au noir va permettre d'élaborer, par le jeu savant des mots qui ne sont qu'instruments et outils, une poudre de projection, propre à éclabousser la conscience du lecteur.
Le lecteur est à cet instant un métal androgyne en quête de son rubis. La passerelle maintenant entre poète et lecteur est opérationnelle et le transfert énergétique possible.
S'il se passe quelque chose, c'est fort bien, s'il ne se passe rien ce n'est pas alarmant et ne signifie rien.
Avec Cédric Robert, pour ce qui me concerne, j'ai pu me promener sur la passerelle qui nous séparait et entamer avec lui l'Oeuvre au rouge.
J'ai commencé ma lecture dans l'ordre proposé mais je n'ai pas lu volontairement les introductions, exégèses de l'auteur. J'ai toujours considéré que l'oeuvre se suffit à elle-même ou n'existe pas. La surenchère si l'oeuvre existe ne me sert à rien, ne m'apporte rien. Au pire elle peut trahir ma perception sensorielle, celle de mon troisième oeil. Et dans le monde de la poésie, seul le troisième oeil peut lire.
Première partie : Naissance des souvenirs.
Alors qu'on s'attendrait peut-être à entrer dans le dur, on entre dans une délicieuse mélopée de style et de fond qui nous entraine au rythme lancinant des rives d'un Erik Satie dans sa musique d'ameublement à celles de Debussy, Ravel ou Darius Milhaud quand il fait le singe de Satie sur le toit.
Entre l'ébauche du souvenir de A., la pesée de l'Âme, dans un Tout visible (le Un n'est pas encore révélé), une jolie déception amoureuse dans quelques lettres perdues, on sent la préciosité (ce n'est pas péjoratif), la délicatesse de Cédric Robert pour dégrossir la matière première sans mauvais coup de ciseau.

Deuxième partie : Lutte contre l'oubli.
Dans la plaine de l'Alèthéia (légende parménidienne) le sujet en quête de vérité avait le choix entre emprunter le chemin dextrogyre qui conduit à Mnémosyne ou celui, lévogyre qui conduit aux sombres du Léthé.
Cédric Robert conte ici son combat pour échapper au fatalisme et à l'impuissance face à l'inexorable force du Léthé. Si je parlais de musique pour la première partie, on est maintenant plus proche d'Honegger, de Messiaen ou Landowski.

Troisième partie : Marina Tsvétaïeva.
Nous abordons ici la question de l'Ethique. Au sens lévinassien du terme : éthique de l'autre. Prendre l'autre qu'on veut Autre au sens d'être soi comme lui. On le « Trouve » dans une « Saine colère » comme repoussoir hélas de l'autre. Ou encore dans un « tant donné » figé dans le temps d'un seul qui se veut double comme l'envisageait Marcel Duchamp. Une épreuve et une seule : descendre en soi au plus profond dans un « connais toi toi-même » qui n'est autre qu'un « oublie toi, toi-même).
L'asyntonie clôt le débat par son évident constat. C'est comme cela qu'on avance.

Quatrième partie : L'oubli
Nous suivons à présent le poète sur le sentier abrupt dans cette plaine d'Alètheia qui le conduit inexorablement vers le fleuve Léthé.
L'oubli ! L'oubli d'être ou ne pas être. Ce pourrait être la tentation du néant aux quatre saisons des amours mortes, sans cesse renouvelées.
J'entends d'ici les accents d'une pavane pour infante défunte. Avec son lot de sentiments contradictoires. Sentiments d'injustice, de cruauté injustifiée de l'autre et celle aussi qu'on s'inflige. Sentiments de culpabilité refoulée puis exaltée, de regrets étouffés, de remords vains. Jusqu'à une sorte de honte d'aimer. Une honte aux allures proustiennes presque narcissique comme Marcel se regardant vivre dans la société du faubourg. Enfin vient le temps de l'expiation et son catalogue expiatoire. Tout dans cette partie nous renvoie une fois encore au problème de l'Ethique de l'Autre. Où nous sommes trois. Moi, l'Autre et mon autre moi. le poète est en quête d'une éthique de responsabilité et non de conviction. Il faut répondre (responsabilité est « respondere ») de soi, à soi, à l'autre et répondre de l'autre. Non pour l'autre qui vit la même tragédie.

Cinquième partie : Voyage dans le néant.
Où il est question de l'ontologie du néant. En six lettres d'où naitra l'espoir, l'espoir à moins qu'il ne s'agisse d'espérance, on découvre que rien est, existe comme l'être. Je suis ce que je suis et ce que je serai. Parce que j'ai été. Aimer c'est être.

Sixième partie : Surgir de l'oubli.
Cette sixième partie met en évidence la quête initiatique du poète qui rejoint dans la tragédie celle de Dante sur les traces de Béatrice. Au terme du chemin initiatique, il y a un aboutissement, une renaissance. Un homme nouveau dépouillé de sa peau de l'homme ancien est dépouillé. Ce moment est un moment de création. Mais la poésie n'est-elle pas dans son étymologie « poein » l'expression même de la création ? N'est-elle pas de ce fait en amont de toutes les expressions artistiques et l'aboutissement initiatique n'est-il pas de faire surgir la Beauté, témoin privilégié, marqueur de la Vérité ? Et pour ce faire, le poète se libérera de ses préjugés, du vulgaire dans une transfiguration. Cédric Robert y arrive très bien. L'ode à la poésie qui clôt ce chapitre est empreinte de joie, de vie, de joie de vivre.
Ce chapitre est un peu long pour un lecteur aussi rapidement fatigué que moi. de la même manière :

Septième chapitre : Souvenirs tenus
Si tant est que d'être le septième est clair en terme d'initiation, il me semble davantage un point de départ pour un nouveau recueil qu'un point d'arrivée.
Mon étude ci-dessus de ce recueil se repose sur le fond essentiellement. Toutefois cette analyse, je tiens à le souligner me fut aisée en raison d'un style très clair, limpide, fulgurant. Poétique quoi !

Cristian Ronsmans
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