Mal de mer du quadrillage des rues,
des tours de briques et de miroirs,
des canyons goutte noire
Il fixait contre sa nausée
la ligne stable du pont de Brooklyn
Il a trouvé une chambre, une quatrième sans ascenseur dans Water Street
à six dollars la semaine sans avance
pour les démobilisés
avec son insigne d'ancien combattant.
Indiens, Noirs, Mexicains, communistes, musulmans, on a le choix,
il faut à l'Amérique des monstres,
pour pouvoir les parquer, les mettre à l'écart,
voire les abattre.
C'st du patriotisme, qu'ils disent, du nativisme.
En fait, c'est du racisme pur et simple. De la paranoïa.
Maintenant que l'Amérique est sortie de chez elle
faire une guerre - et même deux -,
on a peur, peur que les étrangers,
viennent nous la faire à domicile.
Tout à coup, devant lui, une colline, avec des maisons tout en haut - des vraies maisons - des maisons de conte de fées -, l'embouchure d'un tunnel qui se coulait dessous, et ce qui ressemblait à de petits wagons orange, grimpant la pente.
"C'est l'Angel Flight, mon gars, et ça, c'est Bunker Hill."
Dans la dernière écharde de soleil frayé entre les gratte-ciel
une vieille dame est assise avec un livre.
Elle décale sa chaise tous les quarts d'heure
le long de la ruelle.
La nuit, le fleuve roule et se tord comme de l’huile
sous les ponts,
pénètre par les plans inclinés.
Il marchait des heures
guidé par la lueur
du ciel au nord - on lui avait dit que c’étaient
les illuminations de Times Square.
Son ombre lui emboîtait le pas
sous les réverbères : dense et serrée,
très noire, très nette, raccourcie puis aussitôt
allongée, elle s’estompait, n’était plus qu’une
tache pâle. Revenue sous un lampadaire,
elle noircissait, ses contours bien délimités.
L’homme qu’il est ou qu’il fut
se situe quelque part à mi-chemin.
Le temps lui a appris à regarder ce que les femmes cachent, pas ce qu'elles montrent.
Couché dans son lit, il a compris qu'essayer d'oublier c'est pareil qu'essayer de se souvenir, l'affaire d'un vie, bon sang, presque impossible.
De retour dans sa chambre, il a reconstitué son parcours aux pochettes d'allumettes dans sa veste, ce qu'il avait bu à ce qui manque dans sa liasse, le trou dans sa vie à son regard dans le miroir fêlé.