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Critique de pollulux


Une claque, voilà l'impression que l'on a en refermant le livre! Une émotion qui vous saisit à l'image du récit : violente. Une pièce magistrale en trois actes écrite en 1948, au sortir de la deuxième guerre mondiale. Emmanuel Roblès situe son histoire au début du XIXème, lorsque les Espagnols vivent l'invasion française en 1812 sur leurs propres terres (couverture illustrée avec le tableau El tres de Mayo 1808 de Francisco de Goya), et dans le même temps oppriment les vénézuéliens qui tentent de se libérer du joug de leurs colonisateurs en Amérique Latine. Les Espagnols opprimés et oppresseurs, comme de nombreuses puissances au XXème siècle. le début de la lecture a été difficile en ce qui me concerne de par la violence qui se dégage de la guerre : on pille, on viole des femmes, des jeunes gens, on torture, on tue gratuitement pour montrer que l'on détient le pouvoir. La domination masculine, notamment lors des guerres, qui utilise la femme comme un objet, un trophée, une récompense, leur niant par là toute humanité me donne profondément la nausée. Mon coté trop sensible sans doute. Toutefois, dès lors que l'on s'implique moins dans la lecture d'un point de vue émotionnel, on se prend très vite à l'histoire, qui est fascinante, terrifiante et qui bien sûr amène tout à chacun à réfléchir. Nous avons un huis-clos angoissant, oppressant qui nécessite un choix : Bolivar, lieutenant de Miranda désormais capturé, représente l'espoir pour les Vénézuéliens de retrouver leur indépendance. Les espagnols sont sûrs de la capturer car l'homme est blessé et ils savent où il se cache : mais voilà, lors de la descente, Bolivar est parvenu à s'enfuir. Très vite les Espagnols comprennent qu'il y a une taupe dans leur rang : l'officier Montserrat. Ce dernier n'accepte plus en effet la façon d'opprimer les vénézuéliens, alors que finalement de l'autre côté de l'océan, les espagnols vivent la même chose à cause des français. Il a donc prévenu Bolivar du danger car ce dernier représente l'espoir pour tout un peuple. Montserrat sait qu'il va mourir pour cette trahison. le huis-clos s'organise entre officiers de l'armée, un prêtre, et des civils. Tout le monde peut ainsi se reconnaître dans la pièce puisque toute la société est représentée. Izquierdo, lieutenant espagnol, veut obtenir de Montserrat toutes les informations dont il dispose afin de capturer Bolivar. Pour le faire parler, il organise un chantage effroyable, d'une simplicité infantile : les espagnols capturent six civils au hasard. Ils donnent une heure aux otages pour faire parler Montserrat. S'il ne dit rien, les otages seront fusillés. Parmi les otages, deux femmes et quatre hommes d'univers différents : un espagnol comédien, un jeune homme de vingt ans, un potier père de cinq enfants, un riche marchand venant de se marier, une jeune fille de 18 ans et une mère de famille avec deux enfants en bas-âge. Commence alors l'angoisse, la pression psychologique : le lecteur écoute les arguments des uns et des autres et ne peut rien faire d'autre que de réfléchir aux actes des uns et des autres. La religion est prise à partie : tantôt elle défend les opprimés, tantôt elle justifie les crimes commis. La liberté incertaine d'un peuple grâce à un lieutenant blessé contre la vie de six innocents. Izquierdo se montre intraitable en bourreau, près à commettre les pires crimes et avouant ses faiblesses d'homme blessé. Tout cela est triste pour la nature humaine. Choisir, c'est renoncer. Quel choix fera donc Montserrat?

De nombreuses questions se dégagent du récit : comment l'imminence de la mort nous amène-t-elle à nous comporter : serons-nous courageux? lâche? désespéré? Quelle place pour la religion dans nos vies terrestres? Faut-il se rebeller contre ce qui nous paraît injuste? Les sacrifices en valent-ils la peine? La force magistrale du récit est que cela marche en changeant d'époque et de lieu : la douleur des massacres est universelle. Parviendrons-nous un jour à éradiquer ces cruautés, tout cela pour un bout de territoire, pour montrer que l'on a du pouvoir, pour assouvir un désir de domination? La question reste ouverte.



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