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Critique de Biblioroz


S'inspirant d'un fait divers, Peter Rock donne la parole à Caroline, une jeune adolescente âgée de treize ans lorsqu'elle commence à relater son histoire. Une histoire qui ne sera donc révélée au lecteur qu'à travers la vision et les quelques pensées de Caroline qui adopte un ton très neutre, sans laisser filtrer ses émotions, ou si peu.

Dans l'obscurité d'une déchetterie, ils prennent, pour leur donner une seconde vie, des barres et des fils de fer, puis s'enfoncent dans la forêt à la périphérie de Portland, leur terrain familier. Randy, le cheval en plastique au corps creux et un ruban bleu accompagnent chaque sortie de Caroline.
Selon les préceptes de Père, que Caroline suit aveuglément sans jamais chercher à connaître leurs bien-fondés, leurs déplacements doivent toujours se faire avec le souci d'effacer toutes traces de leur passage. Ne pas piétiner les herbes aux abords de ce qui leur tient lieu de chez eux, un petit abri souterrain dans lequel ils ne peuvent se tenir debout. Il ne faut pas trahir leur présence ici, la « maison » se cache de tous regards indiscrets derrière des fougères et de petits érables. Ils ont le strict nécessaire sur une étagère bricolée par Père, dorment côte à côte sur un matelas étroit.
Un grand arbre dissimule dans son feuillage une plateforme d'où Caroline fait le guet. Au loin, la ville de Portland où ils font de brèves visites afin de récupérer chaque mois un chèque, une pension allouée par L'État. Ajouté aux cauchemars faisant vrombir des hélicoptères, nous comprenons que Père a participé à une guerre et en reste traumatisé. La ville, c'est aussi l'occasion de faire une visite à la bibliothèque et d'acheter quelques denrées. le petit jardin potager bien caché ne suffit pas à les nourrir. Pour subsister, il y a aussi le troc avec le campement d'à côté mais ces autres marginaux ne satisfont pas aux valeurs de Père qui condamne la mendicité et le vol.

Caroline aime des petits moments de solitude dans la forêt, marcher pieds nus, grimper aux arbres en sentant l'écorce sous ses plantes de pieds. Cela ne l'empêche pas de se plonger dans son encyclopédie, de suivre les cours que lui enseigne son père et d'effectuer ses devoirs.
Au cours de ses explorations sur les chemins forestiers, elle cherche malgré tout le contact avec d'autres jeunes de son âge.
Cette vie de solitude à deux va vite basculer. Un bref manquement à la recommandation de ne pas attirer l'attention, l'erreur idiote d'un chemisier suspendu alors qu'un joggeur passe près de l'abri. Voilà la Police qui assiège la « maison » et les emmène, son père et elle vers la « civilisation », convaincue de rendre service à Caroline. Les services sociaux désirent trouver ou décréter la meilleure solution pour elle. Pourtant, Caroline se trouvait heureuse dans la forêt…

Médecins et psychologues constatent rapidement que ce mode de vie différent et illégal pour une jeune de treize ans n'a pas empêché son père de lui avoir inculqué de belles valeurs et un degré d'éducation que la société est bien loin d'atteindre chez ceux qui suivent une scolarité dans les normes !
Que va-t-il se passer lorsque Caroline va découvrir le confort de la vie moderne, un petit déjeuner sorti du réfrigérateur ? Son père pourra-t-il continuer à consolider leur différence, à les préserver des autres qui les espionnent ? Lucidité ou paranoïa ? Ces deux mots planent et questionnent le lecteur.
Le père incite Caroline à ne pas se tourner vers le passé et ses mystères qui seront finalement que partiellement éclaircis au fil du roman. Il y a une sorte de tension tout au long de l'aventure qui met mal à l'aise. On tremble pour ces deux personnages à l'idée qu'il leur arrive malheur, qu'ils ne puissent pas vivre à leur guise cette vie dans la nature, marginale, sans en faire l'amalgame avec une vie sauvage. La narration étant comme un bourdonnement, nous sommes aux aguets, craignant le dard qui va peut-être finir par piquer.
Le désir de vivre ainsi est-il quelque chose de mal, de répréhensible comme on veut nous le faire croire ? Cela interroge sur la prétendue civilisation, unique moyen d'accéder au bonheur du point de vue des personnes dites bien pensantes. Ces dernières essaient de les combler de biens matériels alors qu'eux aspirent à regarder les écureuils se pourchasser, suivre le chemin d'une limace, écouter le vent et la pluie, sentir la terre sous leurs pieds nus.

Un livre, une histoire, qui marquent d'autant plus qu'un père et sa fille ont bien vécu quatre ans dans la forêt de Portland.
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