Le baiser de Lucifer

La plupart de ses clients s’imaginaient que c’étaient la finesse psychologique et les talents de négociatrice de Dalach qui lui permettaient de faire plier à peu près n’importe qui, tout en lui donnant l’impression que non seulement la décision venait de lui, mais que, de surcroît, il s’agissait de la meilleure qu’il n’eût jamais prise.

El Predicador. Un homme d’une rare beauté, qui se remarquait au milieu des dizaines de clients comme un diamant tombé sur un tas de cailloux. Très grand, sans doute dépassait-il les deux mètres, il avait un corps élancé et le regard voilé par des lunettes aux verres fumés. Ses fins cheveux d’un noir bleuté étaient noués à la base de sa longue nuque élégante en une sorte de chignon, d’où s’échappaient de soyeuses mèches artistiquement décoiffées.

Debout sur la moquette se tenait pourtant une superbe créature d’un bon mètre quatre-vingt-cinq, tout en finesse, avec deux seins minuscules, mais bien fermes, des fesses hautes, une taille étroite et une longue chevelure noire et lisse qui lui battait presque les cuisses. Un corps qui aurait pu être celui de la femme parfaite sans le petit pénis et les testicules qui pendaient au bas de son aine...

S’entendre appeler « mademoiselle » ou « madame » lui procurait toujours un étrange sentiment de malaise, comme si on se moquait d’elle. Peut-être ses origines latines faisaient-elles sonner une alerte psychique carillonnant que, pour la plupart des hommes, « féminin » égal « inférieur ».

Il est le commencement du monde et la fin de toute chose. Il est mon Maître comme il est celui de chaque homme. Toi, tu n’es rien. Pour lui, je vais souffrir. Pour lui, je vais mourir et gagner ma place à sa droite en son paradis, tandis que tu pourriras, loin de sa lumière.