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Critique de latina


« Je me suis changée un jour en petit animal agité, bondissant, et elle est devenue cette vache énorme et lente, cette grosse hippopodame aux yeux tristes et craintifs.
Toutes les deux nous sommes une espèce en voie de progression, l'espèce de ceux et celles qui nichent dans des caches, se terrent dans des trous de hobbit, vivant dans des bocaux étiquetés Obésité morbide, Syndrome de Machin ou Maladie de Truc.
Nous sommes de l'espèce des paumés inclassables, condamnés pour survivre à se faire oublier ».

Evidemment, pour que tout le monde comprenne bien cet extrait, je l'ai ponctué. Car la narratrice ne ponctue pas, pas du tout ! Elle jette ses phrases en logorrhée continue, bouscule les mots, y intercale des jurons incongrus. Il faut dire qu'elle souffre du syndrome de Gilles de la Tourette, ce syndrome qui condamne les gens qui en sont atteints à des soubresauts, des tics, des mouvements incontrôlés, et même à sortir des injures.
Harmonie – eh oui, elle s'appelle Harmonie – fait la connaissance de Fleur – eh oui, elle s'appelle Fleur – une dame âgée, obèse et agoraphobe.
Jamais elles ne se seraient rencontrées s'il n'y a avait eu une petite annonce, un « médecin » russe et un chien cardiaque.
Mais cette rencontre fait des étincelles, et en provoque bien d'autres, que je me garderai de vous dévoiler.

Je vous révèlerai juste que ce livre suscite des éclats de rire et des moments d'émotion intense.
Il nous projette dans le quotidien de ces gens affligés d'un syndrome quelconque, d'une particularité physique ou mentale exposée au regard des autres, regard dont ils se passeraient bien.
Il nous fait découvrir la tendresse.
Il nous force à être pleins d'empathie.
Il nous rend humains.

Et le style de cette auteure s'adapte à chacun. Pour moi, c'est tout simplement remarquable.
L'absence de ponctuation de l'une nous plonge en apnée dans son vécu plein de soubresauts inopportuns.
Les phrases bien ponctuées mais tellement digressives de l'autre nous obligent à épouser ses obsessions.

Par le biais de ces deux narratrices, Marie-Sabine Roger m'a encore une fois séduite.
Cette auteure raconte le quotidien, mais aussi les actes particuliers et pleins de sens de quelques personnes « bracassées », avec un tel brio, un tel sens du vocabulaire, un tel emploi imagé que j'en ai été totalement subjuguée. Ici, point de cliché, point de leçon de morale, rien que du « rentre-dedans ».

Une petite leçon d'empathie, de réalité crasse, de poésie, de rires et de larmes ?
Prenez-la auprès de ces bracassées, vous en sortirez meilleurs !
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